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Yoro Ndiaye, chanteur: "Je ne veux pas qu'on m'enferme dans le Folk"

Vendredi 15 Janvier 2016

Chanteur, auteur et compositeur, Yoro Ndiaye a encore servi du lourd aux férus de sa musique. Dans cet entretien, il décortique pour EnQuête son nouvel album, "mandou". Et parle de sa vision de la musique, surtout du "Mbalax".


Présentez-nous votre nouvel album "mandou" ?

L'album "mandou" résume mon parcours. Il est en effet un condensé de tous les morceaux qui ont permis à Yoro de sortir de l'anonymat comme "xarit". Mais les versions présentées ici sont différentes des premières. Ici, les morceaux ont évolué dans leurs compositions avec le temps, et les lives que nous avons eu à faire. Par exemple, il y a une version de "Bella" un peu pop et une de "barisakhaya" en style reggae. Il y a des morceaux aussi en folk. Donc, c'est du Yoro avec des couleurs différentes. C'est en quelque sorte un best of de 12 titres. 

Vous faites de plus en plus du "Mbalax". Est-ce pour des raisons commerciales ? 

Je suis un Sénégalais et un Wolof et qui dit Wolof dit "mbalax". Les Sérères ont leur "ndiouk" et les Toucouleurs leur "yela". C'est le "mbalax" qui domine dans la culture wolof et en tant que musicien on n'a pas le droit de laisser le "mbalax "échouer. Bien au contraire, on doit apporter notre contribution parce que les Youssou Ndour et autres ténors de la musique sénégalaise ont amené le mbalax là où il est actuellement. On doit le jouer mais surtout en le variant. Il faut s'ouvrir et faire d'autres formes de musique. Moi je ne veux pas qu'on m'enferme dans le folk, à chaque fois que je sens quelque chose, je m'efforce pour trouver les moyens de l'exprimer. 

Ne pensez-vous pas que cette nouvelle approche a écarté bon nombre de vos fans qui vous connaissaient sur un autre style ? 

Non, pas du tout. Quand je fais un clip, je le fais en version mbalax mais dans l'album en général il y a moins de Mbalax. Par exemple dans le dernier album "lamisso", il y a eu quatorze titres et il n'y avait que trois morceaux "mbalax". Je donne cette impression parce que ce sont les vidéos "mbalax" qu'on tourne mais même dans mes soirées je joue en dernier lieu les morceaux mbalax. Cela je le fais parce que je veux atteindre le public local. C'est notre stratégie pour enlever cette impression qu'on ne joue qu'à Dakar. On veut aller dans les localités les plus reculées du pays et on aimerait que notre musique passe dans les "nguentés" parce que nous avons des messages à faire passer au fin fond du Sénégal. 

Pourquoi cette ouverture à ce moment précis de votre carrière. Est-ce à dire que c'est le mbalax qui marche dans ce pays? 

En grandissant on comprend comment ça marche au Sénégal. Cela fait longtemps que je faisais de l'acoustique. On était trois au début. On faisait les premières parties de Youssou Ndour et on avait le respect de tous. J'ai joué pendant longtemps les "barisakhaya" et autres mais, il n'y avait que trois personnes dans la salle. Mais dès que j'ai mis une petite dose de "mbalax", le public a adhéré. Que voulez-vous que je fasse (rires). 

Pourtant votre premier album avait bien marché sans des clips "mbalax". 

Le public sénégalais est bizarre parfois. Moi-même je ne comprends toujours pas. Ce sont des choses qui sont arrivées très naturellement. Je sais juste que quand j'ai sorti l'album, j'ai voyagé après. Je suis revenu et je trouve qu'on m'appelle un peu partout. Les gens m'interpellent dans la rue etc. J'en déduis que tout dépend de la communication aussi. Parce que je suis dans l'autoproduction donc c'est avec les moyens du bord que je déroule toutes mes activités. C'est de bouche à oreille que la communication s'est faite et la promotion assurée. C'est certainement pourquoi l'album a fait du chemin avant d'en arriver à la phase de maturité. 

Que représente pour vous Sénégal Folk, la compilation réalisée par les frères Guissé et à laquelle vous avez participé ? 

C'était une expérience enrichissante je n'ai pas regretté de l'avoir fait parce que ça m'a permis de voyager un tout petit peu à travers le Sénégal. J'ai partagé cette compilation avec de grands artistes comme Doudou Makh, Paco Diaz et je fais partie des artistes qui ont émergé après la sortie de cette œuvre. C'est disons un coup de pouce parce que cela m'a permis de franchir un pas et de découvrir un public. 

Reparlons de votre nouvel opus, au-delà du fait que "mandou" est un best of, a-t-il une autre particularité ? 

La première différence dans cette nouvelle production est la participation des autres artistes. Je crois qu'il n'y a pas un album au Sénégal avec autant de duos. S'il y en a aussi, je crois qu'on peut les compter sur les doigts de la main. C'est un album partagé avec Waly, Carlou D, Adiouza, Abdoulaye Mbaye, Jimmy Mbaye, etc. Retrouver tous ces artistes dans un album si ce n'est une compilation, ce n'est pas fréquent. Le plus intéressant est tout de même de voir comment Waly ou Carlou doit interpréter un morceau de Yoro Ndiaye. Ce que je fais dans cet album reflète ma vision de la musique. Elle doit être un partage, et des échanges. C'est ce qui doit être l'essence du showbiz. Egalement, il faut montrer à tous, qu'on est unis c'est d'ailleurs ce que font les Américains.

Avez-vous un programme particulier sur le plan national et international ? 

Nous jouons tous les week-ends quelque part. À chaque fois qu'on nous sollicite, on bouge et on joue. Et un artiste doit abondamment jouer et partager ses sensations en vivant sa passion. Sur le plan national, on a prévu de faire des concerts dans les universités. C'était prévu avant la sortie de l'album. Une fois la sortie, on fera le bilan pour savoir ce qui pourra être fait et voir ce qu'on peut tirer de ce programme. Nous comptons aller à l'intérieur du pays et jouer pour faire découvrir au public notre musique et leur montrer que nous savons faire du Mbalax. Je peux m'adapter devant toutes sortes de public. J'ai un répertoire que je peux jouer dans un cocktail, des diners de gala, concert public. Bref maintenant je suis un artiste polyvalent. Je ne vais pas m'enfermer dans un seul style. 

Un petit bilan de votre carrière… 

Le bilan c'est des hauts et des bas, mais Alhamdoulilah. La musique, c'est notre passion. Nous l'avons choisi et on le vit à fond. On peut relever la tête car, jusqu'ici tout va bien. Je ne peux que rendre grâce à Dieu parce qu'aujourd'hui, si on cite des artistes on va aussi nous citer. Pourtant on est seul, on n'est pas dans un grand label. On n'est pas soutenu par un groupe de presse, mais quand même Dieu est là et nous soutient. 

Quelle lecture faites-vous de la musique sénégalaise en général ? 

Dans chaque métier il y en a qui s'en sortent bien, moyennement ou pas du tout. Il y a des gens très talentueux mais qui n'arrivent pas à décoller. On ne sait jamais ce qui les en empêche. C'est parce qu'il ne suffit plus d'avoir un talent ou de savoir chanter, c'est tout un ensemble de choses. L'artiste peut devenir un phénomène. Mais il y a aussi l'accoutrement, le style, le charisme, les messages, bref un tout. Mais le soutien de votre entourage est important. La musique c'est également une question de génération. Par exemple ceux qui supportent Waly, même si un autre chanteur leur présente des chansons en or, ils resteront quand même avec leur idole. La musique sénégalaise évolue mais il y a du chemin à faire aussi.

ENQUETE


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