UCAD-Evénement du 14 août 2014 : Diatta Sall, la victime oubliée
Comme Bassirou Faye, il n’était pas un gréviste. Diatta Sall a pourtant souffert lors de cette chaude journée du 14 août 2014. Quand Bassirou Faye recevait une balle mortelle, lui se faisait passer à tabac par les Forces de l’ordre. Se sentant oublié, il se rappelle au bon souvenir des Sénégalais avec des rêves brisés.
Il y a un presqu’un an, Diatta Sall voyait son avenir lui filait entre les doigts. En Licence 2, à la Faculté des lettres et sciences humaines, il entrevoyait déjà un futur radieux. Dans sa famille, il est le seul qui ait atteint un tel niveau d’études. C’est le plus jeune et de grands espoirs reposaient sur ses épaules. Tous les jours, il quittait le domicile de son grand frère aux Parcelles Assainies pour suivre ses cours. Il n’avait pas la chance de loger au sein du campus social de l’Ucad mais fréquentait la chambre d’un de ses amis au Pavillon B. Mal lui en a pris.
Il ne savait pas que sa vie allait basculer en quelques minutes. Ce fameux jour où l’étudiant Bassirou Faye est tombé sous les balles de la police, lui a vu ses rêves se briser. Comme à l’accoutumée, les étudiants revendiquaient le paiement de leurs bourses d’études en barrant la route et en affrontant les Forces de l’ordre. Malheureusement pour Diatta Sall, ce jour fatidique, les hommes de tenue ont pénétré dans l’espace universitaire.
Le bâtiment où il se trouvait a été pris d’assaut. De la pièce, ils entendaient les policiers forcer les portes des chambres voisines. Pris de peur, les quatre occupants ont barricadé la porte avec un lit et se sont sauvés par la fenêtre. Les trois premiers ont pu se sauver mais lui n’a pas eu autant de chance. En atteignant le sol, Diatta Sall s’est cassé les deux jambes et ne pouvait donc plus bouger. Comble de malchance, un groupe de policiers le trouvent par terre pour le rouer de coups. Il se retrouve en plus de ses fractures avec un traumatisme crânien. En position de «cartouchard», il n’a pas pu faire les examens malgré ses justificatifs en bonne et due forme.
Demande d’audience auprès du chef de l’Etat
Toujours en convalescence, Diatta Sall vit encore le contrecoup de cette journée. Immobilisé pendant trois mois, il a retrouvé l’usage de ses jambes mais n’est plus aussi alerte qu’avant. Ses pas sont mesurés, ses gestes lents. Il attend les résultats du dernier scanner qu’il a passé à l’hôpital général de Grand-Yoff où il avait été acheminé. «J’ai encore de terribles maux de tête», confie-t-il la voix à peine audible. Le jeune qui parvenait à se prendre en charge grâce à de petits commerces n’a plus cette possibilité. Il dépend aujourd’hui de son grand frère qui parvient à peine à joindre les deux bouts pour entretenir sa petite famille.
Orphelin de père depuis ses quatre ans, Diatta Sall a une maman qui a presque 70 ans. Cependant malgré les mésaventures qu’il vit encore, le jeune Foundiougnois garde l’espoir de finir ses études. Aujourd’hui, il sollicite une audience auprès du chef de l’Etat pour plaider sa cause. «C’est vrai que Bassirou Faye a perdu la vie ce jour-là. Mais il y a eu d’autres victimes dont moi. Je suis laissé en rade. Je veux que l’on me prenne en charge pour me faire soigner en France et qu’on m’offre une bourse pour que je puisse terminer mes études», demande-t-il. Diatta Sall avait été pris en charge par le Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) au niveau de l’hôpital de Grand-Yoff. Il avait la somme d’un million de franc Cfa. Mais entre les allers-retours à l’hôpital et les ordonnances, cette somme a vite fondu et il se retrouve aujourd’hui sans ressources.
Demande de réparation
Les jours qui ont suivi son passage à tabac par les Forces de l’ordre, les Sénégalais ont suivi à travers les chaînes de télévision et les sites internet, les minutes de ce drame. Une vidéo amateur a immortalisé ce douloureux moment.
Cependant, il n’y a eu aucune suite dans cette affaire. Les auteurs de cette séance de torture n’ont pas été inquiétés. Par défaut de soutien, Diatta Sall n’a pas porté plainte. Cependant, il veut que justice lui soit rendue.
LEQUOTIDIEN