Traque des biens mal acquis : Ces dossiers aux oubliettes...
C'était l'euphorie après l'installation de Macky Sall à la tête du pays. Pour le président de la république justement, la bamboula qui était de mise sous le régime de me Abdoulaye Wade devait être sanctionnée. mais en fait de sanctions, Macky Sall a juste montré à certains qu'il détient le pouvoir en tant que président de la république. A d'autres, il a offert la carotte après qu'ils ont rejoint le son parti, l'Alliance pour la république (Apr). en tout cas, la plupart des dossiers portant sur des détournements de derniers publics dont le total avoisine les 100 milliards sont actuellement rangés aux oubliettes. on ne sent aucune volonté de donner une suite à ces affaires. C'est le cas des dossiers de Ndongo Diaw, de Ndèye Khady Guèye, de Amadou Kane Diallo ou de Bara Sady pour lesquels aucune ordonnance n'est encore rendue. Pendant ce temps, baïla Wane et Awa Ndiaye, aujourd'hui proches du Président Macky Sall obtiennent le non lieu. y'a-t-il de la politique là-dedans ?
"Si nous perdons le pouvoir, nous aurons tous en prison", avait prédit Serigne Mbacké Ndiaye, alors ministre-conseiller et porte-parole du président de la République, à la veille de l'élection présidentielle de 2012. Quelques mois après avoir pris les commandes du pays, Macky Sall allait donner raison à Serigne Mbacké Ndiaye en mettant en branle la machine judiciaire dans le cadre de la traque des biens mal acquis.
La reddition des comptes constituait, selon les nouvelles autorités, une "demande sociale". Plusieurs têtes de l'ancien régime vont ainsi tomber. C'est le cas de Karim Wade. Mais si aujourd'hui le "sort" du fils de l'ancien chef de l'Etat est "scellé", qu'est-ce qui attend alors les autres personnes mises en cause?
Bara Sady, Carmelo Sagna, Ndongo Diaw... en attente
Le 28 novembre 2013, Bara Sady et Carmelo Sagna sont inculpés et placés sous mandat de dépôt, le premier par le juge d'instruction du deuxième cabinet, le second par le magistrat instructeur en charge du troisième cabinet. Le directeur général du Port autonome de Dakar (Pad) est poursuivi pour détournement de deniers publics, escroquerie portant sur des deniers publics, entre autres délits, le tout portant sur 48 milliards Fcfa. De son côté, l'ancien directeur général de la Société Africaine de raffinage (Sar) est quasiment poursuivi pour les mêmes délits mais pour un montant de 30 milliards Fcfa.
Pour ces deux dossiers, au total 78 milliards Fcfa devaient ainsi retourner dans les caisses du Trésor public. Ainsi, le directeur général du Pad va multiplier les demandes de mise en liberté provisoire et les va-et-vient entre la chambre d'accusation et le juge d'instruction, pour des contestations sérieuses avant d'obtenir finalement gain de cause. C'était le 10 Décembre 2014. Près d'un an après, le dossier ne connaît aucune évolution.
En effet, quasiment aucun acte d'instruction n'a été posé et le dossier semble être classé. On a l'impression qu'on s'achemine vers un non lieu total. Quid maintenant des 30 milliards détournés des caisses de la Sar ? Carmelo Sagna qui a été éclaboussé dans l'affaire du fuel frelaté, contrairement à Bara Sady, obtiendra son ticket de sortie de prison quatre mois après qu'il a été placé sous mandat de dépôt, pour des raisons médicales ; son état de santé étant incompatible avec une incarcération. Inculpé en novembre 2013, il a bénéficié d'une liberté provisoire le 26 mars 2014. Cependant, le dossier est toujours pendant devant le juge d'instruction du troisième cabinet. Dans les tiroirs ?
Près de 100 milliards sur le total des poursuites
Premier des dignitaires de l'ancien régime à séjourner à Rebeuss après l'élection de Macky Sall à la tête du pays, Amadou Kane Diallo a été inculpé pour détournement de deniers publics, corruption passive, et faux et usage de faux en écritures publiques authentiques. Le Parquet n'avait pas chiffré le montant, mais il ressort du rapport de l'Autorité de régulation des marchés publics (Armp) que l'ancien directeur général du Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec) est poursuivi pour avoir effectué des dépenses en violation du code des marchés publics.
Ainsi, il a été placé sous mandat de dépôt le 25 juin 2012. L'ex-directeur général du Cosec après avoir cautionné un immeuble d'une valeur de 365 millions Fcfa va obtenir la liberté provisoire le 16 août 2013. Pourtant, selon les conclusions de l'expert Aziz Dièye désigné par le juge d'instruction du premier cabinet, l'Etat du Sénégal n'a subi aucun préjudice sur la gestion de l'ex-patron du Cosec. Néanmoins, le procureur de la République va produire un réquisitoire supplétif, après que le doyen des juges qui avait bouclé le dossier le lui a transmis pour avis. Une ordonnance définitive n'est toujours pas rendue.
Le suivant sur la liste des dignitaires de l'ancien régime qui est tombé est l'ex-directeur général de l'Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp). Ndongo Diaw a suivi Kane Diallo en prison le 2 juillet 2012 après avoir été inculpé pour détournement de deniers publics, escroquerie portant sur des deniers publics et faux et usage de faux. Il lui est reproché d'avoir payé indument Moustapha Yacine Guèye de Mtl 1,8 milliard Fcfa ainsi qu'un détournement de 3,8 milliards sur les immeubles de l'Artp que devait construire Tse de Cheikh Amar.
Le patron de Mtl va rouler en farine le Parquet en versant un chèque d'un milliard pour un compte sans provision. Moustapha Yacine Guèye n'a jamais été placé sous mandat de dépôt, malgré les mandats d'arrêts lancés à son encontre. De l'autre côté, Cheikh Amar, selon des sources, avait soutenu avoir reçu l'argent de Ndongo Diaw. Durant l'instruction, le magistrat instructeur avait rendu une ordonnance afin que les biens de Ndongo Diaw soient identifiés, répertorié et bloqués.
Pour sa défense, l'ex-patron de l'Artp avait crié sur tous les toits qu'il a agi sur instruction du Président Wade. Un argument qui a été confirmé par le dernier rapport de l'Armp. N'empêche, l'ancien patron de l'Artp bénéficiera d'une liberté provisoire le 11 mars 2014. Il attend toujours d'être fixé sur son sort.
Au Fonds de promotion économique (Fpe) également la directrice générale a été épinglée pour des malversations portant sur 1,6 milliard. Ndèye Khady Guèye est soupçonnée d'avoir, par des manœuvres frauduleuses, créé sa propre société africaine de patrimoine (sap). Elle sera obligée de consigner 1,5 milliard de francs ainsi que deux immeubles pour humer l'air de la liberté. Après plusieurs mois de bras de fer avec le parquet et le parquet général, l'ancienne directrice générale du Fpe finit par obtenir une liberté provisoire le 3 avril 2014. Ce, après que le Parquet général qui s'était pourvu en cassation a décidé de renoncer à son pourvoi. Idem pour le dossier de Thierno Ousmane Sy qui est toujours pendant devant le doyen des juges d'instruction.
Non lieu total pour Baïla Wane, Awa Ndiaye, Condetto Niang
Les mieux lotis dans cette histoire de traque de biens mal acquis, sont Baïla Wane et Awa Ndiaye. Ils ont été tous les deux blanchis. L'ancien directeur général de la Lonase a été inculpé pour association de malfaiteurs, faux et usage de faux en écritures privées etc. en compagnie du président du Conseil d'administration Ibrahima Condetto Niang, ils ont été placés sous mandat de dépôt le 3 août 2013. Le 10 novembre 2013 le juge d'instruction du premier cabinet rend une ordonnance de non lieu total qui les blanchit. Aujourd'hui, l'ex-patron de la Lonase fait partie des "amis de Macky".
Son histoire avait fait les choux gras de la presse. Awa Ndiaye a été épinglée par le rapport de l'Armp qui a relevé de nombreux cas de sur-facturations. Aujourd'hui proche du nouveau régime, l'ancienne ministre n'est plus inquiétée. Elle a obtenu le non lieu total. Modibo Diop, ancien directeur de l'Agence de l'électrification rurale (Aser) est seul à avoir reçu le glaive de la justice puisqu'il a été condamné par le juge à 5 ans de prison dont trois ans ferme pour détournement de deniers publics.
Manifestement, la traque des biens mal acquis et la reddition des comptes ne font plus partie des priorités du régime, à moins que toutes ces arrestations ne soient motivées que par une volonté de neutraliser politiquement ses adversaires. Quoi qu'il en soit, le peuple s'est totalement perdu dans cette histoire de traque de biens mal acquis.