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Au moment où le Port de Dakar lance son plan stratégique de développement, la Douane favorise le détournement de trafic vers ses concurrentes de Banjul et de Nouakchott, entre autres. Cela, en permettant que toutes les opérations de dédouanement puissent se faire au niveau des postes frontaliers, quelles que soient les marchandises concernées. Ce qui est d’ailleurs une aubaine pour tous les candidats à la contrebande.
Une décision prise par le nouveau directeur des Douanes, M. Oumar Diallo, suscite des inquiétudes de la part des industries sénégalaises, et surtout à la direction du Port autonome de Dakar (Pad). La Douane a décidé de décentraliser plusieurs opérations en faisant des bureaux de douane de Karang, Keur Ayip, Rosso, Kidira, Moussala Ziguin - chor et Vélingara des bureaux de plein exercice. La décision 1970 Dgd/Drc1/Brd du 26 juin dernier indique que ces bureaux sont «compétents pour toutes les opérations de dédouanement».
L’article 2 spécifie encore de manière plus claire que «sauf dispositions restrictives prises par l’autorité compétente, il peut être accompli dans ces bureaux, à l’importation et à l’exportation, les formalités douanières et le contrôle du respect de toutes autres formalités légales et règlementaires applicables aux marchandises et aux personnes». Le colonel Amadou Gamby Diop, chargé de la communication de la Douane, a expliqué au journal Le Quotidien que cette décision est destinée à «faciliter le commerce pour accompagner le développement du Sénégal». Il a mis en avant le fait que le Port autonome de Dakar soit engorgé et que les opérations de déchargement ou de chargement prennent beaucoup de temps, ce qui pénalise les commerçants, surtout ceux de l’intérieur du pays. «Cette disposition va aider à désengorger le Port de Dakar d’abord, et à développer des activités économiques à l’intérieur du territoire national», en facilitant les opérations douanières à l’intérieur du pays.
Ainsi, avec le port de Dakar comme porte unique d’entrée, il fallait, pour certaines marchandises en transit, après les formalités de dédouanement au port, mobiliser une équipe de douaniers, de manutentionnaires et de gendarmerie, pour accompagner la marchandise jusqu’aux frontières, et s’assurer qu’elle a bien quitté le pays. Avec de nouveaux bureaux aux postes frontières, cette forme de dédouanement n’aurait plus lieu d’être et tout deviendrait plus allégé. Toutefois, le porte-parole de la Douane reconnaît que pour que ces mesures puissent être effectives, il faudrait des préalables à mettre en place. Le colonel Gamby Diop cite parmi les préalables «la dotation de tous ces bureaux en moyens techniques et humains corrects», à savoir le déploiement du personnel adéquat, la redistribution des compétences, en plus de la connexion de tous ces bureaux intérieurs au système Gaïndé. Il faut également former les agents de douane. Cela a déjà commencé avec les zone nord et centre, et se poursuivra ensuite dans les régions du sud. «Toutefois, pour que la mesure devienne effective, il fallait lui donner un contenu juridique ; d’où la publication de cette décision», assure-t-il. Donc, de manière pratique, cette déconcentration des opérations ne pourrait être effective avant 6 mois au minimum, assure le colonel des Douanes.
RESERVES DES INDUSTRIELS ET INQUIETUDES AU PORT DE DAKAR
Néanmoins, la mesure ne manque pas de soulever des critiques. D’abord, de la part des membres du secteur privé. Comme le reconnaît le colonel Gamby Diop lui-même, parmi les produits sensibles à l’import et à l’export au port de Dakar, il y a le sucre, l’huile et le savon. Or, les industriels de ce secteur interpellés assurent n’avoir pas été associés à cette décision de la douane. Pour tous, c’est à travers le journal qu’ils ont reçu l’information. Et au niveau du Port autonome non plus, l’information n’a pas mieux circulé, parce que les personnes susceptibles d’agir n’étaient pas plus informées ; d’où leur question de savoir pourquoi la direction de la Douane n’a pas jugé bon d’agir en concertation avec ses partenaires.
Cette décision passe d’autant plus mal qu’elle tombe au moment où la direction du Port annonce un plan stratégique quadriennal de développement (voir Le Quotidien n° 4609 du vendredi 29 juin dernier). Dans ce plan qui prévoit de garantir le flux de toutes les marchandises destinées au Mali et à d’autres pays de l’hinterland, il est mis l’accent sur le développement du chemin de fer Dakar-Bamako, comme moyen essentiel de transport des marchandises, au détriment de nombreux camions maliens qui font la navette entre les deux pays. Mais en facilitant les procédures de dédouanement à partir des bureaux secondaires, essentiellement frontaliers, la direction des Douanes, aux dires même de certains fonctionnaires de ce service, «ne fait pas le jeu de l’économie nationale». Ces individus font remarquer que l’arrêté 7282/Mef/Dgd du 30 juillet 2009, portant organisation de la Dg Douanes, avait domicilié le dédouanement de certains produits à Dakar.
Et parmi les produits en question, le sucre, l’huile, les produits textiles, ou même les produits pétroliers représentent, selon eux, ensemble, plus de la moitié du trafic du port. S’ils étaient autorisés à passer dorénavant par les ports de Banjul, Nouakchott, ou même Conakry, le manque à gagner serait inestimable pour le Port de Dakar. «Et un trafic détourné n’est pas facile à récupérer», assurent-ils. D’autres voix indiquent que les risques de fraude, avec la dispersion de la collecte des taxes douanières, n’en seront que plus grands. «Rien ne pourra garantir que des mesures de suspension de certains Dipa pourraient être respectées à l’intérieur du pays, avec la même rigueur que si c’était à Dakar», disent ces agents des douanes.