Procès Karim Wade : un tournant dans la reddition des comptes
La traque des biens mal acquis, au nom de la bonne gouvernance et de la reddition des comptes, a reçu une consécration ce lundi avec la condamnation de l’ancien ministre d’Etat Karim Wade à 6 ans de prison ferme et au paiement d’une amende de 138 milliards de francs.
La reddition des comptes, une promesse de campagne du candidat Macky Sall à la présidentielle de 2012, a connu une application dès le début du magistère du président nouvellement élu, avec les premières convocations adressées à des dignitaires du régime d’Abdoulaye Wade.
La traque des biens mal acquis, l’expression consacrée pour désigner ce processus, était mise en branle. Si le pouvoir en place défend une réponse à une forte demande de justice, de transparence dans la gestion des deniers publics, l’opposition dénonce une chasse aux sorcières, une volonté de brimer de potentiels opposants à Macky Sall.
Les autorités chargées de l’enquête sur l’enrichissement présumé de responsables de l’ancien régime sont déterminées à instruire toutes les questions relevant de ce dossier, en dépit des lenteurs notées à ce sujet, assurait, en 2012 le ministre de la Justice, Aminata Touré, qui avait enclenché cette procédure.
"Je peux comprendre que les Sénégalais aient l’impression que la justice est lente. Mieux veut avoir une justice lente, transparente et équitable. Cela n’a rien avoir avec la détermination" des autorités concernées, répondait Mme Touré aux interpellations de certains députés, lors de l’examen du projet de loi modifiant la loi organique sur la Haute Cour de justice.
L’instrument phare dans cette politique de bonne gouvernance est la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) votée depuis 1981 sous le président Abdou Diouf.
A l’époque, le pouvoir considérait que la si répression ‘’a pu atteindre une grande partie de ces objectifs en ce qui concerne les détournements de deniers publics, elle n’a pu s’exercer efficacement contre la corruption, forme plus insidieuse d’action illicite qui n’apparait jamais au grand jour (…)’’.
Pour le gouvernement d'alors, ‘’les signes extérieurs d’une richesse mal acquise ne manquent pas, constituant l’expression choquante d’une inégalité sociale que rien ne vient justifier’’.
Après une longue étude, le gouvernement propose la création d’un nouveau délit d’enrichissement illicite.
Selon le législateur, ''ce délit est constitué non pas par l’enrichissement en soi qui peut avoir été réalisé à n’importe quelle date dans le passé, mais le fait qu’une personne donnée, ayant pu abuser de sa qualité et de ses fonctions, se trouve dans l’impossibilité, après la sommation qui lui en a été faite, d’apporter la preuve de l’origine de son patrimoine actuel ou de son train de vie''.
Rangée aux oubliettes, la CREI est réactivée en 2012. C'est pendant cette même année que les députés adoptent à l’unanimité le projet de loi créant l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) en remplacement de la Commission nationale de lutte contre la non-transparence, la corruption et la concussion, la CNLCC.
La création de l’OFNAC traduit ''l’option résolue du chef de l’Etat du gouvernement pour une gestion vertueuse exige une utilisation optimale des ressources publiques et une lutte permanente contre la corruption et l’enrichissement illicite par une maitrise de l’évolution du patrimoine des personnes en charge des affaires publiques''.
L’OFNAC reçoit les déclarations de patrimoine, selon la loi. Les personnes assujetties à la déclaration de patrimoine sont les administrateurs de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses et les comptables publics dont les niveaux d’opérations porte sur un total annuel supérieur ou égal à un milliard de francs.
APS
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