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«Il semblerait que pendant l’amour, les femmes soient plus bruyantes que les hommes. Ça n’a pas été prouvé par des études scientifiques, mais…». Dans son nouveau livre à suspens, Questions idiotes et pertinentes sur le genre humain, Antonio Fischetti mène l’enquête: armé de sa science et d’une bonne dose de filouterie à la Columbo, il règle son compte aux idées reçues.
Les blondes sont-elles idiotes, certains gays ont-ils une voix efféminée, les amoureux finissent-ils par se ressembler ?
Mais la question la plus troublante de son ouvrage reste bien celle des cris, des brames et des gémissements : pourquoi ?
Alors que les hommes se concentrent, dents serrés (ou bouche occupée), les femmes fournissent une bande sonore à l’action, digne d’un film hollywoodien. Un vrai concert de vocalises.
Première hypothèse, rapidement écartée: les femmes jouissent-elles plus fort que les hommes, au point d’en perdre le contrôle? «L’activité cérébrale pendant l’orgasme a été mesurée, répond Antonio Fischetti, mais il n’y a rien qui puisse faire penser que l’orgasme est plus fort pour un sexe que pour l’autre.» Deuxième hypothèse, également écartée: les cris des femmes seraient des réactions réflexes, d’origine physiologique, proche de la soupape de sécurité. En clair: le cri de la femme au bord de la crise de plaisir, serait similaire au retentissement de la sirène d’alarme à l’approche d’un bombardement. Peu crédible.
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Troisième hypothèse, plus sérieuse: les femmes sont-elles plus bruyantes parce qu’elles sont éduquées à exprimer leurs émotions? Oui, certainement, «mais d’autres explications ont aussi été avancées.» En 2011, deux chercheuses en psychologie, Gayle Brewer (Université du Lancashire) et Colin Hendrie (Université de Leeds) demandent à 71 femmes hétérosexuelles, âgées de 18 à 48 ans, de répondre à quelques questions intimes:
quelles sortes de sons prononcez-vous pendant l’amour?
Des feulements-grognements?
Des bruits de respiration, de halètement? Des jappements aigus, des cris perçants?
Des mots?
A quel moment émettez-vous ces sons?
Avez-vous un orgasme?
Si oui, à quel moment?
Le résultat de cette recherche sur le FCV (“vocalisation copulatoire femelle”), publiée dans les Archives of Sexual Behavior, révèle que les femmes ne font pas forcément du bruit lorsqu’elles jouissent. 66% d’entre elles affirment qu’elles râlent pour accélérer la montée orgasmique de leur partenaire. 87% affirment qu’elles se mettent à «vocaliser» pour améliorer sa confiance en lui. En clair: les femmes poussent des râles plus pour «influencer» l’homme que pour exprimer l’intensité de leur plaisir (1).
Dans leur étude, Brewer et Hendrie disent qu’il s’agit de «manipuler le comportement du mâle à l’avantage de la femelle». Certaines femmes avouent en effet qu’elles encouragent leur partenaire de la voix afin qu’il éjacule plus vite, histoire d’en finir avec une pénétration douloureuse ou ennuyeuse. Mais les sondées, dans leur grande majorité, jouissent réellement lors de l’étreinte. Si elles miaulent ou roucoulent, ce n’est donc pas mettre fin plus rapidement à l’acte sexuel.
Au contraire. C’est pour guider leur partenaire ou le stimuler de la voix, comme font les cavaliers… Renversant ainsi les rôles par un curieux retournement du sort, les réponses de cette étude prouvent qu’en Occident ce n’est pas l’homme qui mène le jeu. «Les cris sont un moyen, plus ou moins conscient de manipuler l’éjaculation», résume Antonio Fischetti, qui rajoute galamment: «Les cris de jouissance sont une expression du pouvoir féminin dans la sexualité».
N’en déduisons pas pour autant que les femmes essayent de prendre le dessus en usant d’une tactique déloyale: s’il faut en croire l’étude de Gayle et Hendrie, 92% des sondées affirment qu’elles vocalisent parce que c’est leur manière à elle de «participer» à cette émulation réciproque qu’est l’étreinte. Le râle de plaisir fait partie des préliminaires: c’est un excitant. Au début d’une relation sexuelle, le cri de la femme pourrait donc se traduire:
«Vas-y chéri, vas-y». Il permet de stimuler l’autre, mais aussi de se mettre soi-même en condition… Quand les femmes gémissent, elles ne font donc pas que feindre: elles sollicitent, elles provoquent, elles invitent, elles chauffent l’ambiance et, faisant monter la tension d’un cran, elles se préparent elles-même, par auto-suggestion, à la perte de sens que leurs cris préfigurent. Ensuite, lorsque l’orgasme approche, beaucoup d’entre elles se taisent et se replient à l’écoute du tremblement interne, silencieuses, mutiques, avant de brusquement exploser, en lâchant quelques hurlements bien sonores.
Ces ultimes cris sont généralement authentiques, même si la part de psychologie joue beaucoup, bien sûr, dans ce bouquet final acoustique. Faut-il le rappeler ? Ce sont nos cerveaux qui jouissent et nos cerveaux exigent un minimum de faste et de splendeur dramatique pour obtenir pleine satisfaction.
S’il faut en croire celles qui aiment crier, lorsqu’elles se retiennent au moment de l’orgasme, elles disent que leur plaisir est moins fort. A la démesure de cette éjaculation sonore, les femmes rajoutent donc cet élément symbolique supplémentaire qui est celui du souffle expulsé: lorsqu’elles crient, elles font tout vibrer autour d’elles et projetent leur énergie au dehors, comme dans les arts martiaux, à la façon d’une bombe précédée par son onde de choc… Le cri qui tue.