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Le Monument de la renaissance qui trône majestueusement sur les collines des Mamelles n’a pas encore fini de faire parler de lui. De sources dignes de foi, les nouvelles autorités ont décidé de faire toute la lumière sur une des plus grandes nébuleuses des douze ans de règne de Wade. Ce dossier est à côté du dernier Festival mondial des arts nègres (Fesman) l’une des affaires les plus obscures qui soient. EnQuête s’est risqué dans les méandres du montage financier de ce «chantier» de Wade, qui dégage un bien lourd parfum de scandale. D’amont en aval, depuis les balbutiements de ce projet qui a mobilisé toute la hargne communicationnelle de l’ancien régime, tout est louche. Et encore, plus grave que tout ce qui a été révélé jusque-là.
En pleine polémique sur l’opportunité de construire un Monument pour «restaurer» la dignité de «l’homme noir» bafoué des siècles durant, le Président Wade avait lâché que contrairement à ceux qui critiquaient le financement de la construction de l'ouvrage, le Sénégal n’avait mis aucun sou dans cette affaire. Et que, c'est grâce à l'échange de terrains appartenant à l'Etat que la réalisation du Monument de la renaissance a été rendue possible. EnQuête est bien en mesure de dire que si l’Etat n’a pas directement sorti de l’argent, il a permis, à travers des avenants à Mbakiyou Faye de s’en mettre plein les poches. Au nombre de cinq, pris entre la période de mars 2007 à juin 2009, ces avenants ont remis en cause, pour ne pas dire dénaturé, le contenu initial du protocole d’accord signé à la date du 19 mars 2007, entre d’une part l’Etat du Sénégal représenté par Omar Sarr, alors ministre d’Etat, ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat, de l’Hydraulique urbaine, de l’Hygiène publique et de l’assainissement et Ibrahima Sarr, ministre Délégué chargé du Budget, auprès du ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des Finances et d’autre part, la SCI Promobilière représentée par Hamadoul Mbakiyou Faye. Ledit accord indique que le «coût du Monument a été évalué à 12 milliards de francs Cfa à la date du (présent) protocole. La Sci Promobilière offre de payer directement cette somme aux réalisateurs coréens (Ndlr, Mansuadae Overseas Project Group of Companies qui réalise le Monument) en contrepartie de la cession par l’Etat d’un terrain de 14 hectares». Déclinant ce projet dans les détails, le protocole d’accord poursuit qu’«un premier terrain a été identifié à Ouakam (Ex-Champ des tirs)» en plus «d’autres terrains qui seront identifiés ultérieurement pour couvrir entièrement les 14 hectares». Mais ce n’est là que du leurre…
Comment on est passé de 14 à 26 hectares !
Le 18 janvier 2008, c’est-à-dire moins d’un an après la signature du Protocole d’accord qui consacre l’engagement de l’Etat à céder 14 hectares à la société de Mbakiyou Faye, un nouvel accord vient extraire l’ex-Champ de tirs de la transaction. «Un second terrain à distraire du Tf 4407/Dg, d’une superficie de 9 hectares, grevé de servitude de voirie à déterminer a été identifié et fait l’objet du présent avenant. Cet avenant n’est pas le seul. Il sera suivi de quatre autres, qui remettent tous en cause le contrat principal pour en modifier les conditions et les modalités d’engagements qui figurent sur la convention initiale. Ces documents sont signés jusqu’à la date du 25 mai 2009, permettent ainsi à la SCI Promobilière de passer de 14 hectares à 26 hectares, comme le constate le cinquième et dernier avenant qui indique au finish que «l’Etat cède à la Sci La Promobilière, sous forme de dation en payement, des terrains nus d’une superficie globale de 260 356 mètres carrés à distraire du Tf 4407/Dg reporté au grand livre foncier de Grand Dakar sous le numéro de 350/Grd sis à Ouakam». Le motif avancé pour expliquer cette rallonge foncière consiste dans des travaux supplémentaires dont la réalisation, évaluée à 8 milliards qui viennent donc s’ajouter aux 12 milliards du protocole initial, n’a pas été prouvée. Il y a par ailleurs d’autres engagements que la société coréenne qui réalise le monument, la Mansuadae Oberseas Project Group of companies, a pris dans le cadre de ces accords. Lesquels engagements intègrent «la construction d’une caserne militaire d’une valeur équivalente aux édifices abandonnés sur le terrain d’une superficie de 1 hectare, situé sur le site de la route de l’aéroport dit «Ex-centre technique d’Air Afrique», suivant les modalités définies par les autorités militaires sénégalaises», indique un document du ministère de l’Economie et des Finances dont EnQuête tient copie.
Mbakiyou Faye se ''sucre'' à souhait
Le scandale ne consiste pas seulement dans le saucissonnage continu des terrains jouxtant l’aéroport Léopold Sédar Senghor au profit de la Sci de Mbakiyou Faye et de l’opportunité d’une telle transaction, dénoncée par les connaisseurs. Il réside aussi dans l’évaluation du coût des terrains cédés. Si en effet la commission des opérations domaniales qui valide les transactions n’oppose aucune résistance dans la validation des avenants, en indiquant que «la valeur des terrains a été fixée conformément au barème en vigueur des terrains nus, par le décret N°88-074 du 18 janvier 1998», elle occulte les prix réels pratiqués sur le marché. Les spécialistes du foncier avec lesquels nous nous sommes entretenus indiquent pourtant que le prix du mètre carré dans cette zone (voir localisation) est au minimum de 200 000 francs. Or, l’Etat qui a cédé le mètre carré à 4410 francs, n’a pu mettre dans ses caisses que 1 148 169 960 francs Cfa, fruit de cette transaction précise. Si donc l’avenant N°5 indique que «les deux parties (Ndlr, l’Etat et Mbakiyou Faye) constatent que la valeur vénale desdits terrains est inférieure au prix des travaux supplémentaires», il reconnaît bien que l’opération est largement à l’avantage de la Sci Promobilière. «Les parties conviennent du caractère désuet du barème susvisé au regard des prix des terrains pratiqués actuellement sur le marché de l’immobilier», constate le document. Riche de tous ces avantages accordés, Mbackiyou Faye peut maintenant aller à l’assaut de l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) pour une opération plus que nébuleuse. Comme l’est aussi le montage financier qui évalue le coût des travaux à 8 milliards. Une opération pots-de-vin et partage de butin qui assaisonnent les conversations dans les milieux informés de Dakar.
(A suivre)