Mouhamadou Sy, Directeur régional des Impôts et domaines : «Barthélémy Dias avait introduit une demande sur deux terrains appartenant à la Sicap...»
Le Directeur régional des Impôts et Domaines de Dakar est monté, hier, au créneau suite à la sortie du maire de Sacré-Cœur Mermoz accusant des agents «véreux» du ministère des Finances et de la Sicap de piller les terres de sa commune. Tout en regrettant ces accusations, Mouhamadou Sy révèle, dans un entretien exclusif avec Libération, que Barthélémy Dias avait introduit une demande pour l’attribution à sa mairie de deux terrains, sis sur la Vdn et vers la Boulangerie jaune. Une demande rejetée par la Commission des opérations domaniales car, les terrains en question n’appartiennent pas à l’Etat mais à la Sicap. Ceci explique t-il cela ?
Monsieur le Directeur, le maire Barthélémy Dias a fait une sortie pour accuser des agents des Finances et de la Sicap de pillage sur les terres re- levant de sa commune. Quelle est votre réaction à ces accusations ?
Je vous remercie. Nous avons été surpris par ces accusations. Surpris d’avoir en- tendu qu’il y aurait des agissements de corruption impliquant des agents de notre ministère (Ndlr : ministère de l’Economie, des Finances et du Plan) . Je pense que le maire a la responsabilité de porter les éléments de preuves qu’il détiendrait à l’appréciation des autorités compétentes. Ces autorités nous ont toujours incité à la transparence et à une conduite juste et droite dans l’instruction des dossiers domaniaux. Maintenant, s’il s’avère qu’il y a des comportements déviants, il importe au maire de porter les éléments dont il disposerait à l’appréciation des autorités qui ne manqueront pas de prendre les mesures appropriées. Je ne peux pas me prononcer sur ces agissements ou sur ces accusations puisque je ne détiens aucune preuve et on n’a pas identifié les personnes qui seraient concernées. C’est pourquoi je ne veux pas trop m’aventurer sur cette affaire. Je pense qu’il est de la responsabilité du maire de s’approcher des autorités pour étayer ses accusations.
Mais, à votre niveau, est-ce que vous avez reçu des plaintes de citoyens ?
Nous n’en avons pas reçu d’autant, qu’avec le maire, nous avons eu à gérer un dossier. Lequel ?
Dans le cadre de ses projets collectifs, le maire Barthélémy Dias avait introduit une demande d’attribution de deux terrains situés dans le ressort de sa commune. Nous avons eu à travailler ensemble et, en aucun moment, il n’a eu à avancer des accusations à l’égard des agents du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan qui travaillaient avec lui. C’est pour cela que ses accusations nous surprennent énormément.
Pouvez-vous être plus précis ?
Ce qui s’est passé est que le maire a introduit une demande sur deux terrains. L’un est situé à Sacré Cœur au niveau du Rond point de la Boulangerie jaune et l’autre sur la Vdn. Il avait l’ambition d’y édifier des ouvrages collectifs qui pourraient, à terme, apporter un certain intérêt financier à sa commune. Dans le cadre de l’instruction du dossier, nous nous sommes aperçus que les deux terrains ciblés sont la propriété de la Sicap. Aussi, nous avons attiré l’attention du maire sur cette difficulté en considérant que l’Etat ne peut attribuer que les terrains qui lui appartiennent.
Le maire avait une compréhension autre. Il pensait, qu’en tant qu’élu local, il avait la faculté d’acquérir à titre gratuit les terrains qui sont situés dans le ressort de sa commune pour ses projets. Nous avons considéré que l’Etat ne peut pas attribuer un terrain qui appartient à autrui. Maintenant, face à cette divergence dans l’appréciation du dossier, nous nous sommes référés à la commission de contrôle des opérations domaniales. Cette commission regroupe des fonctionnaires qui ont une certaine expertise en matière foncière et domaniale. Il ne s’agit pas uniquement d’agents du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan.
Cette commission regroupe, en plus des services du Domaine et du Cadastre, les services de la Justice, de l’Urbanisme, de l’Aménagement du territoire etc. C’est cette Commission qui statue et qui donne un avis sur les demandes d’attribution. Après avoir apprécié le dossier soumis par le maire, la Com- mission a considéré qu’il n’était pas possible d’attribuer un bail du fait que les terrains en questions sont la propriété de la Sicap. De ce fait, la Commission a émis un avis défavorable. Je dois dire que, dans le cadre de la gestion de l’instruction de ce dossier, nous avons eu à travailler avec le maire.
Même si nous n’étions pas d’accord sur tout, nous avons pu quand même communiquer et c’est pour cela que sa sortie nous surprend un peu, parce qu’effectivement par delà la décision défavorable de la Commission, je pense qu’il y avait d’autres voies de recours qui auraient pu permettre de s’en référer aux autorités supérieures pour présenter ses arguments au cas où on considère que la décision de la Commission est une décision qui peut être remise en cause.
Pensez-vous qu’il y aurait un lien entre ce refus de la Commission domaniale et la sortie du maire contre les services du ministère des Finances ?
Si le maire intervient pour proférer un certain nombre d’accusations, nous ne pouvons que corréler cette sortie à la gestion du dossier qui nous lie. Autrement, on ne comprendrait pas. Nous considérons que nous avons un devoir d’informations vis-à-vis des populations. C’est pourquoi le ministère et, principalement le Directeur général des Impôts et Domaines, nous a instruit de nous expliquer sur cette affaire étant entendu que l’instruction de ce dossier a été confiée à mes services.
Qu’en est-il de la vente supposée d’une partie du Rond Point Sacré- Cœur ?
Vous savez, le terrain qu’il cible sur cette partie du Rond Point est une propriété de la Sicap. Nous ne pouvons pas, en tant qu’Etat, nous prononcer sur un terrain qui ne nous appartient pas. Maintenant, je pense que la Sicap est mieux placée pour dire quelle est la situation juridique actuelle de ce terrain. Nous, tout ce que nous pouvons affirmer est que ce terrain n’est pas dans le patrimoine de l’Etat. Donc, l’Etat ne peut pas statuer sur une quelconque de- mande d’attribution portant sur ledit terrain.
Justement, pour rester avec le foncier, un Collectif affilié à la communauté Léboue a fait une sortie pour réclamer la restitution d’un certain nombre de terrains...
Je pense que la principale revendication de ce Collectif, si j’en crois ce que j’ai lu dans la presse, c’est de dire qu’il faut leur restituer les terres de l’aéroport. Qui, en vertu d’une réquisition qui date de 1943, appartenait à la Collectivité Léboue en vertu d’un droit coutumier. Je dois préciser que l’aéroport de Yoff était dénommé à l’époque aérodrome de Yoff et il a été construit durant la situation de guerre par les Français.
En ce moment, effectivement lorsqu’il a fallu immatriculer le terrain au nom de l’Etat français, on a opéré un recensement de tous les occupants. Et toutes les personnes, qui occupaient le terrain à l’époque, avaient été intégralement indemnisées. Il s’agissait précisément de cinq cent dix (510) per- sonnes qui avaient toutes reçues une juste et préalable indemnisation. C’est à la suite de cette procédure que l’Etat français a immatriculé le terrain en son nom. A partir de l’indépendance, il y a eu une dévolution du patrimoine immobilier de l’Etat français vers l’Etat sénégalais.
Donc, à l’heure actuelle, il est quand même surprenant qu’on puisse revendiquer la restitution de terres qui appartiennent en droit à l’Etat du Sénégal. Je considère qu’il y a eu dans cette affaire un défaut de communication. Si les membres du Collectif s’étaient rapprochés de l’administration domaniale, peut-être, qu’on aurait pu porter à leur attention un certain nombre de précision. Je ne finirai pas sans souligner que l’administration domaniale entretient d’excellentes relations avec la collectivité Léboue.
Nous n’avons pas une posture qui consiste à penser que les manifestation ont été le fait de la collectivité Léboue. Les représentants de la collectivité Léboue, que nous connaissons, sont des citoyens responsables avec lesquels nous entretenons d’excellentes relations et nous travaillons ensemble sur des dossiers qui sont parfois extrêmement compliqués. Et, à chaque fois, nous avons eu à constater de leur part un comportement citoyen et responsable. Ce que nous pouvons dire sur cette affaire, c’est que, dans le périmètre de l’aéroport, il n’existe aucun titre qui appartient à un particulier. Car, au moment de l’édification de l’aéro- drome, les autorités coloniales de l’époque avaient indemnisés tous les occupants et ces documents sont encore là.
Libération