Mathiaco Bessane enfonce Wade fils à la CREI : "C'est Karim qui me donnait des instructions (...) Et un jour, Karim Wade a piqué une crise et a menacé de me virer si les redevances n’étaient pas payées le vendredi suivant (...)"
L'ex Dg de l'ANACS a fait face à la Commission d'Instruction de la Crei. C'était le 22 Janvier 2014 à 11 h 15 '. Et Mathiaco Bessane de vider son chargeur sur le fils de l'ancien Président de la République. Morceaux choisis : "Au moment où Karim Wade donnait ces instructions, il n’était pas ministre, mais conseiller à la Présidence de la République du Sénégal (...) disait-il dans sa déposition.
Q : Connaissez-vous les nommés Karim Meïssa Wade, Ibrahim Aboukhalil, Mamadou Pouye, Alioune Samba Diassé et M'baye N'diaye ?
R : En ma qualité de Directeur Général de l’ANACS de 2005 à 2008 et de 2009 à 2011, j’ai connu Karim Wade qui était ministre en charge du secteur de l’aviation civile de 2009 à 2012. Quant à M'baye N'diaye, il a été Directeur Général d’ANS, puis Directeur Général des ADS, Boubacar Konaté était ACP des ADS entre 2010 et 2012. J’ai connu Alioune Samba Diassé en tant que Directeur Général des ABS. Quant aux autres, je ne les connais pas.
Q : Vous avez été Directeur Général de l’Agence Nationale de l’Aviation Civile du Sénégal (ANACS) de janvier 2005 à avril 2008 et d’avril 2009 à décembre 2011. Pouvez-vous, en cette qualité, nous édifier sur les circonstances dans lesquelles cette agence a signé, le 13 décembre 2005, un contrat d’assistance financière avec la société BMCE CAPITAL SA ?
R : on a commencé à travailler avec BMCE CAPITAL, à la demande du ministre Ousmane Masseck N'diaye, ministre du Tourisme et des Transports Aériens de l’époque; il nous avait demandé, sur la base d’un contrat d’assistance que BMCE avait signé avec l’Etat du Sénégal, représenté par deux ministères dont celui des finances en 2005, de trouver des financements pour la mise en œuvre du projet AIBD. Le projet n’avait pas pu décoller faute de financement.
Pour cette raison, le ministre avait réuni les techniciens du secteur en plus d’un cabinet d’expertise financière pour trouver des solutions. C’est ainsi que la redevance pour le développement des infrastructures aéroportuaires a été mise en œuvre. On devait fournir à BMCE les informations liées au trafic, aux redevances, au coût de la modernisation, à la liste des compagnies, etc…
J'ai été nommé en 2005. Je n’étais pas habitué aux banques d’affaires. Je ne peux pas dire si c’était la seule banque. Le ministre nous avait dit que le Président de la République souhaitait qu’il trouve rapidement un financement au projet. La base légale était le contrat entre BMCE CAPITAL et l’Etat du Sénégal.
En 2000, le projet était revenu. Ce projet date des années 1992/1993 mais il n’y avait pas de financement.
Q : Le mandat confié par l’ANACS à BMCE CAPITAL l’a-t-il été à la suite d’un appel d’offres ou d’une mise en concurrence de sociétés qui pouvaient être intéressées ?
R : Il n’y a pas eu d’appel d’offres. C’est sur instruction du ministre de tutelle que nous avons choisi la banque BMCE CAPITAL, mais en conformité avec la loi.
Q : Comment les prestations de la société BMCE CAPITAL ont-elles été rémunérées ?
R : Normalement, BMCE CAPITAL devait se rémunérer sur la base d’un pourcentage perçu sur le montant du financement obtenu. Ce n’est pas l’ANACS qui a payé.
Q : Aviez-vous reçu des instructions pour travailler avec la société BMCE CAPITAL ? Si oui, de qui provenaient-elles ?
R : J’ai déjà répondu à la question. C’est le ministre qui m’avait donné des instructions.
Q : Karim Meïssa Wade est-il intervenu d’une manière quelconque dans cette procédure ? Si oui, comment ?
R : Je pense que oui. Dans les années 2006/2007, il y avait un comité de pilotage qu’il présidait lui-même. Il y avait des réunions qui regroupaient certains ministères dont ceux des finances, des transports, la BMCE, le DG de l’aviation civile, le DG des ADS, l’APIX, le représentant de l’ASECNA, en plus de l’AIBD. C’est Karim Wade qui présidait ce comité. Je me rappelle sur la redevance pour le développement des infrastructures aéroportuaires, à titre d’exemple et pour anecdote, Air France et Air Sénégal n’avaient pas payé en 2005 et 2007 parce que ces compagnies estimaient qu’elles devaient payer en francs CFA, et non en euros, étant donné qu’elles étaient au Sénégal et bien que le décret fixait le montant en euros. Et un jour, Karim Wade a piqué une crise et a menacé de me virer si les redevances n’étaient pas payées le vendredi suivant, parce que le non-paiement, qui représentait environ 3 milliards de francs CFA, menaçait le projet. Finalement, Air France avait payé au bout de 48 heures plus de 2 milliards de francs CFA. Quant à Air Sénégal International, une solution n’avait pas été trouvée, compte tenu des relations qui existent entre l’Etat du Sénégal et le Maroc, mais aussi l’Etat était actionnaire de la compagnie à hauteur de 49%. D’ailleurs, Air Sénégal International est partie avec une dette sur la RDIA de près de 4 milliards de Francs CFA.
S.I.R : au moment où Karim Wade proférait ces menaces contre moi, il n’était pas le ministre de tutelle et était simplement conseiller du Président de la République du Sénégal.
Q : Etes-vous au courant du processus de constitution des sociétés anonymes Aviation Handling Services (AHS) et Airport Bus Services (ABS) ? Si oui, avez-vous joué un rôle quelconque dans ce processus ?
R : Non, je ne connais pas le processus de constitution de ces sociétés et je n’ai pas joué dans leur constitution. En revanche, j’ai participé à la mise en place des cahiers de charges et de la réglementation de l’assistance au sol. En ce moment, le handling n’était pas bien connu. C’est Air Afrique qui faisait le handling et à sa disparition, l’Etat du Sénégal a mis en place un comité de pilotage composé d’anciens travailleurs de la compagnie pour la plupart. En 2004, l’Etat a voulu libéraliser et c’est ainsi que j’ai vu arriver ces deux sociétés. Ayant en charge le département de la navigation aérienne et des aéroports, on nous avait demandé de travailler sur une réglementation de l’assistance au sol. Durant ces réunions, AHS était représentée par Pierre Agbogba et Elli Manel Diop et SHS était représentée par un mauricien, dont je ne me souviens plus de l’identité, Mansour Samb et éventuellement Ousmane Joseph Diop. Les réunions portaient sur la libéralisation de l’assistance au sol. On a mis en place les cahiers de charges qui portaient sur la formation du personnel, la qualité du matériel, l’agrément des sociétés, etc…
Q : Savez-vous comment la société ABS SA a-t-elle été attributaire du marché du transport des passagers sur la plateforme de Dakar ?
R : Non, je ne sais pas. Je crois qu’ABS SA est attributaire de marchés d’ANS, mais je ne sais pas sur quelle base. Compte tenu du fait qu’ABS ne disposait pas d’un agrément et qu’elle n’était pas en conformité avec la réglementation en vigueur relative à la sécurité, Karim Wade, pour ne pas voir l’activité de cette société arrêtée par nos soins, nous a demandé verbalement de ne pas faire cesser l’activité de cette société. Ce n’est qu’en 2008 que le ministre Farba Senghor avait décidé de la mettre en conformité avec la réglementation toutes les sociétés intervenant sur la plateforme aéroportuaire. Je dois préciser que toutes les sociétés qui interviennent dans l’assistance au sol sur la plateforme aéroportuaire doivent avoir une licence délivrée par le DG de l’aviation et un agrément délivré par le ministre de tutelle.
S.I.R : Au moment où Karim Wade donnait ces instructions, il n’était pas ministre, mais conseiller à la Présidence de la République du Sénégal.
S.I.R : c’est en 2011 si mes souvenirs sont exacts, en ma qualité de DG de l’ANACS, que j’ai voulu conformément à la réglementation, que Sénégal Airlines mette à ma disposition les noms de tous ses actionnaires. En réaction, j’ai été convoqué au ministère de tutelle, placé sous l’autorité de Karim Wade, où j’ai été reçu par le SG, Boubacar Camara, qui m’a déclaré à cette occasion, verbalement, que j’avais un avertissement et m’a demandé de ne plus requérir ces informations.
Q : A votre connaissance, Karim Meïssa Wade a-t-il un intérêt quelconque dans l’une de ces sociétés ?
R : je ne peux pas prouver qu’il a des intérêts directs. Mais je constate qu’il y a des sociétés bien protégées. C’est le cas de Sénégal Airlines, AHS et ABS, comme en attestent les anecdotes que je vous ai racontées. A propos de Sénégal Airlines, on peut citer, au titre des avantages et autres protections dont elle a bénéficié, le non-paiement de redevances, contrairement à toutes les autres sociétés intervenant sur la plateforme aéroportuaire. Dans le même ordre d’idées, en septembre 2011, les guinéens de Conakry avaient immobilisé un avion de Sénégal Airlines au motif que la société Air Sénégal International, qui opérait auparavant dans le secteur, restait leur devoir de l’argent. En réaction, un dimanche matin, Karim Meïssa Wade m’a intimé l’ordre de fermer l’espace aérien du Sénégal aux vols publics et d’Etat en provenance ou à destination de ce pays. Compte tenu des conséquences diplomatiques que cette décision pouvait comporter, je m’en suis ouvert au SG du ministère Boubacar Camara et ensemble, nous avons décidé de ne pas exécuter cet ordre et d’user d’autres voies, notamment le canal de la presse, pour faire pression sur les guinéens. A midi, Karim Wade s’étant rendu compte qu’aucune disposition n’avait été prise pour exécuter l’ordre qu’il m’avait donné le matin, m’a appelé au téléphone pour me dire que je devais être viré depuis longtemps, mais que cette fois-ci, il ne s’en tiendrait pas à de simples menaces et qu’il allait véritablement me virer.
Q : Lui arrivait-il d’intervenir directement ou indirectement pour le compte de ces sociétés en demandant notamment que des avantages leur soient accordés ?
R : Comme je l’ai indiqué précédemment, il arrivait qu’il intervienne directement. A propos de Sénégal Airlines, je dois ajouter qu’un projet d’accord de siège, que nous avions jugé hors norme, était en préparation à l’instigation de Karim Wade, et contenait la preuve de tous les avantages prévus au bénéfice de cette société. Ce document n’a pas été signé finalement parce que n’ayant pas emporté l’approbation du ministère des affaires étrangères et celui de l’économie et des finances du Sénégal.
S.I.R : Non, je n’entendais pas parler sur la plateforme aéroportuaire des pseudonymes HQ1 et HQ2. J’en entendais parler que dans la presse. Nous nous focalisions seulement sur les questions de sécurité.
Q : Quelles sont les relations qui lient la société DAPORT SA aux Aéroports du Sénégal (ADS), d’une part et à la société Aéroport International Blaise Diagne (AIBD) d’autre part ?
R : J’ai regardé le dossier de DAPORT SA, quand je suis arrivé à AIBD, DAPORT SA n’était pas connue en réalité. FRAPORT attributaire du marché de l’exploitation d’AIBD de Diass devait avoir 60%. Par la suite, DAPORT, société de droit sénégalais a été mise en place. Il était prévu dans le contrat entre AIBD/FRAPORT/DAPORT SA/Etat du Sénégal que la société de gestion du nouvel aéroport commence un an avant à l’aéroport L.S.S, pour maîtriser les procédures et faire une transition vers AIBD. C’est ainsi qu’elles étaient en relation. Le projet AIBD a pris du retard et a été repoussé successivement jusqu’en novembre 2004. DAPORT SA s’est installée et travaillait avec AIBD sur l’équipement. En 2011 ou 2012, un contrat liait DAPORT SA aux ADS et il était prévu des prestations faites par DAPORT et payées par ABS. Au cours des réunions avec le ministre de tutelle, Thierno Sall, DAPORT SA n’avait pas produit un rapport d’exécution du contrat, ce qui fait que les ADS ont contesté le bien fondé du paiement. J’avais fait une note sur ces relations que je vous produirai. Entre DAPORT SA et AIBD, il y a un contrat de 2006 portant sur l’exploitation de l’aéroport de Diass, il y a aussi un contrat emphytéotique entre AIBD et SENGEP relatif au stockage du carburant destiné aux avions. En 2012, il y a un contrat qui n’est pas entré en vigueur entre l’Etat du Sénégal, AIBD et DAPORT SA.
Q : Pouvez-vous nous édifier sur les circonstances dans lesquelles a été signé le contrat de concession liant DAPORT à AIBD ?
R : Il y a eu un appel d’offres international sur l’exploitation de l’aéroport AIBD afin de mettre une place un aéroport d’envergure internationale, puisque l’exploitation de l’aéroport L.S.S laissait à désirer. En plus, l’aéroport L.S.S est cerné et ne peut plus se développer. L’aéroport de Diass fait 4.500 ha et L.S.S 800 ha.
Q : Quelle a été la nature des prestations fournies par DAPORT dans le cadre de ce contrat ?
R : Pour ADS, je n’ai pas vu de prestations fournies par DAPORT SA. Les études de trafic n’ont pas été faites, ni la certification, ni la mise en place du système de gestion environnemental et social, ni la promotion de la destination Sénégal, ni la surveillance du parking véhicules. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les ADS se sont insurgés contre les paiements faits au bénéfice de DAPORT SA. S’agissant d’AIBD, DAPORT SA avait une mission de gestion de l’aéroport une fois ouvert, DAPORT SA participe à la construction de l’aéroport en donnant des suggestions par exemple sur la réception des équipements, mais le plus grand service n’est pas encore arrivé, à savoir la gestion technique et commerciale du nouvel aéroport.
S.I.R : A mon avis, l’Etat du Sénégal avait plus à perdre avec DAPORT SA qu’avec FRAPORT. DAPORT SA n’est pas connue. Pour avoir la qualité de service requise, il faut une société compétente. DAPORT SA n’a pas les compétences techniques et financières. Elle n’a pas d’expérience avérée. Avec FRAPORT, l’Etat du Sénégal a tout à gagner parce qu’elle est déjà connue et fournit un service de qualité. AFRIPORT, propriétaire à 90% de DAPORT SA, n’est pas connue dans le monde aéronautique.
S.I.R : Dans la note dont je vous ai parlé plus haut, j’ai mentionné la composition de l’actionnariat de DAPORT SA.
S.I.R : FRAPORT n’avait pas de responsabilités juridiques et DAPORT SA endossait toutes les responsabilités. Ce qui n’est pas normal, je pense, au vu du contrat. Depuis quelques mois, la partie sénégalaise est en négociations avec FRAPORT AG qui, si je ne me trompe, détiens à 100% la société DAPORT SA, en correction aux manquements décelés par l’Etat du Sénégal.
S.I.R : je n’ai pas connaissance d’interventions de Karim Wade sur les contrats qui liaient ADS et DAPORT SA.
Plus n’a été entendu à 13 heures et 30 mn, lecture faite, persiste et signe avec Nous et le Greffier.
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