Votre visage nous est familier grâce aux affiches publicitaires. Pouvez-vous nous parler de vous ?
Je m’appelle Khadia Sall. Après mon baccalauréat, j’ai fait deux ans de Commerce International. Par la suite, j’ai suivi une formation de deux ans aussi comme styliste chez Sadiya Guèye. En 2004, alors que j’étais encore élève, j’ai été élue Miss Rufisque. C’est à partir de là que j’ai commencé à défiler pour des stylistes de renom et j’ai été reconnue du public. Grâce à cela, j’ai été retenue pour participer à l’élection Miss Malaïka et j’ai terminé dauphine. Après cela, j’ai continué mon périple dans le mannequinat, avec quelques sorties du pays. J’ai eu l’occasion de faire beaucoup de publicités. D’ailleurs, en 2010, j’ai été consacrée meilleure actrice de publicités, lors de la Fashion Awards d’Adama Paris. Je suis aussi dans le cinéma. J’ai déjà fait trois films et deux feuilletons, un long métrage est en cours. J’œuvre également dans le bénévolat.
Depuis un certain temps, vous vous faites rare sur les podiums. Pourquoi ?
Ce n’est pas que je me fais rare, mais je me suis carrément écartée des podiums. A un moment, il faut accepter de vieillir et de céder la place aux jeunes. J’ai défilé pour la dernière fois pour la Sira Vision, c’était en 2010. Après, j’ai décidé de tout envoyer promener pour m’occuper de mes propres affaires. Cela me demandait beaucoup de travail, de temps et de concentration. Etant donné que j’adore le boulot bien fait, je préfère avoir le temps nécessaire pour satisfaire mes clients. Forcément, cela n’allait pas avec les castings, les essayages, les répétitions et tout le tralala avant les défilés. Pire encore, les cachets des mannequins au Sénégal ne valent pas la peine de se sacrifier.
Vous avez mis entre parenthèses votre carrière pour vous investir dans votre agence. Quelles activités y menez-vous ?
C’est une agence de casting et non de mannequinat comme le pensent beaucoup. Lorsqu’on prépare des publicités, des films et autres, on fait appelle à moi pour trouver des acteurs, selon un profil bien donné. C’est en fonction de cela que moi je fais d’abord une présélection avant de l’envoyer aux clients qui va en retour faire une sélection finale. Je forme aussi des hôtesses et des stewards pour certaines écoles, car je suis professeur de bienséance et bonne manière. Il m’arrive d’avoir aussi des clients privés à qui je donne des cours de communication.
Arrivez-vous à tirer votre épingle du jeu, vu que des agences de ce genre pullulent dans la capitale ?
J’ai connu la crise comme tout le monde en 2013. Toutefois, à l’orée de 2014, les choses s’annoncent plutôt pas mal pour moi. Je rends grâce à Dieu.
«Je continue à avoir une vie assez troublante»
Un retour en arrière. Vous avez eu une enfance quelque peu troublante marquée par des viols à répétition…
Mais je continue à avoir une vie assez troublante. Cette partie de ma vie m’a beaucoup freinée, même si maintenant, je me sens beaucoup plu forte, prête à aller de l’avant. J’ai vécu une enfance très perturbée qui n’est pas facile à supporter, mais cela m’a énormément forgé le caractère. Je suis devenue une femme qui sait ce qu’elle veut et qui se bat pour l’obtenir. Je ne veux plus regarder en arrière et renouer avec les événements troublants de mon passé.
Comment se fait-il que vous n’ayez jamais songé à ester en justice après avoir subi les assauts répétés de la part de certains individus, dont un membre de votre famille ?
Ce qui s’est réellement passé c’est que j’ai été dans une maison où j’ai subi des attouchements de la part d’un parent. A l’époque, j’avais 7 ans et je n’avais pas encore la faculté de percevoir les choses. Forcément cela m’a perturbée. Quelques années après, j’ai été violée par un maître d’école. Il me donnait des cours particuliers chez lui avec ses nièces, pour combler des retards que j’avais eus. Après cette étape tumultueuse, j’avais 19 ans, j’ai vécu un autre viol, cette fois-ci collectif. Trois gaillards se sont relayés sur moi. C’était plus une vengeance qu’autre chose, car je connaissais bien mes bourreaux, nous étions ensemble au primaire. Ils m’ont fait payé le fait que j’étais une fille qui se comportait comme un homme. Je prenais tout le temps la défense des filles et je n’hésitais pas à me battre avec eux. L’âge nous a rattrapés. Nous avons grandi et chacun a fait son chemin. Un jour, alors que j’étais restée à la bibliothèque du lycée jusqu’à une heure assez tardive, ils en ont profité pour se venger. Je n’ai pas osé parler de cette affaire parce que je ne voulais pas être jetée en pâture devant l’opinion publique. J’avais honte et en plus, je subissais constamment leurs menaces. Je n’avais aucune envie que les gens aient pitié de moi. C’est lorsque j’ai été élue Miss Rufisque à 22 ans que j’ai commencé à prendre conscience de la gravité des faits dont j’ai été victime. Puisque j’avais une image à porter, je me suis dit que ce n’était pas le bon moment pour en parler. De plus, je suis dans une famille très conservatrice et très religieuse, je ne voulais pas les embarquer dans cette histoire. C’est bien après que j’en ai parlé publiquement, histoire de faire cesser les menaces que me faisaient mes violeurs. Sauf que ce n’est jamais aisé pour une femme de supporter le regard des autres.
Votre famille, comment a-t-elle réagi à vos tardives révélations ?
Certains m’en ont voulu et ils continuent de toujours m’en vouloir. Tandis que d’autres m’ont carrément appelée pour m’abreuver d’injures. Les histoires de famille restent taboues au Sénégal. Sauf que moi, j’avais besoin d’extérioriser mes mésaventures, car cela me hantait jour et nuit, je ne dormais plus.
«Je vois un psy, mais je ne suis pas folle»
Les menaces de vos bourreaux ont-elle cessé ?
Je n’ai plus de leurs nouvelles.
Aujourd’hui, vous avez fait table rase de cette sombre partie de votre vie. Comment vous y êtes-vous prise ?
Nous sommes au Sénégal et je reste persuadée que je ne suis pas la seule à avoir subi des sévices de ce genre. Aujourd’hui, je peux dire que jamais plus, je ne serai victime de cela, parce que je sais où mettre les pieds. Personne n’osera m’approcher pour me faire du mal.
Justement, quel a été le premier homme à qui vous avez réussi à faire confiance ?
Mon psychologue. Ici au Sénégal, on a tendance à penser que dès qu’on voit un psy, on est fou. Je ne suis pas du tout folle, j’avais juste besoin de me confier et c’est une sage-femme qui me l’a recommandé. Depuis, nous sommes restés de très bons amis et chaque fois que cela ne va pas, il est là.