Hydrocarbures: Pourquoi le pétrole a atteint son niveau le plus bas depuis 2004
Les cours du pétrole ont continué de s’enfoncer, mercredi 6 janvier, alimentant à la fois des espoirs pour la croissance et des craintes pour l’inflation, proche de zéro en France et dans la zone euro. Le baril de brent de la mer du Nord pour livraison en février est tombé à 34,23 dollars (– 6 %), soit 31,76 euros, sur le marché londonien, mercredi, son niveau le plus bas depuis juillet 2004. Le West Texas Intermediate (WTI) américain a suivi la même pente à New York, pour terminer la séance à 33,97 dollars (– 5,56 %), au plus bas depuis décembre 2008. Le baril d’or noir a désormais perdu 70 % de sa valeur depuis le pic de juin 2014.
La principale cause de cette dégringolade, qui pourrait voir le baril enfoncer prochainement le plancher des 30 dollars, n’a pas changé depuis un an et demi et le pic du baril à plus de 110 dollars : l’inquiétude des investisseurs face à une surabondance d’or noir.
Mais d’autres facteurs ont joué, comme le raffermissement récent du dollar, l’augmentation attendue des exportations de brut iranien et les mauvaises perspectives de la croissance annoncées par la Banque mondiale. Dans ce contexte, aucun événement politique n’a pu contrebalancer les fondamentaux du marché marqué par une offre excédentaire de 1,5 à 2 millions de barils par jour et des perspectives de hausse de la demande encore incertaines. Pas même la persistance de vives tensions entre l’Iran et l’Arabie saoudite.
L’Arabie saoudite, habituel producteur d’appoint
Dans les années 2000, une escalade entre l’Iran et l’Arabie saoudite, deux puissants membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), aurait entraîné une remontée, voire une flambée des cours. Ces deux pays sont au cœur d’une région qui fournit 30 % du brut mondial et riverain ou proches du détroit d’Ormuz, goulet stratégique par lequel transite une partie du brut.
C’est précisément leur totale incapacité à s’entendre pour réduire la production et redresser les cours — criante au sommet de l’OPEP du 4 décembre —qui inquiète les investisseurs.
Avant cette crise politique, les Saoudiens et leurs alliés du golfe Arabo-Persique (Koweit, Emirats arabes unis, Oman…) n’ont pas réagi à la chute des cours en utilisant la méthode traditionnelle de l’OPEP depuis le contre-choc pétrolier de 1986 : resserrer les vannes pour faire remonter les cours. In fine, c’était toujours l’Arabie saoudite qui jouait le rôle ingrat de producteur d’appoint. Elle ne veut plus le faire au détriment de ses intérêts, et en abandonnant des parts de marché à ses concurrents américains, russes et iraniens.
Ce bras de fer risque de durer, alors que les Iraniens vont déverser de nouveaux barils sur le marché dès que l’embargo sur leur pétrole sera levé, sans doute dans les prochaines semaines. Téhéran a rejeté la responsabilité des tensions sur Riyad. Son ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarifa, a notamment jugé que « depuis deux ans et demi, l’Arabie saoudite s’est opposée aux efforts de la diplomatie iranienne », notamment « à l’accord nucléaire » conclu en juillet 2015 entre l’Iran et les grandes puissances.
Sur le front pétrolier, la République islamique pourrait jouer l’apaisement. Elle sait que pour la concurrencer sur le marché européen, les Saoudiens consentent des rabais sur leur brut. La National Iranian Oil Company (NIOC) a commencé à le faire aussi en prévision de ses livraisons.
Mais son directeur général chargé des affaires internationales s’est voulu apaisant, mercredi, dans un entretien à l’agence Reuters. Et ses propos tranchent sur le discours jusqu’au-boutiste tenu il y a un mois par le ministre du pétrole à la réunion de l’OPEP.
« Nous ne voulons pas déclencher une sorte de guerre des prix, a déclaré Mohsen Qamsari. Nous serons plus subtils dans notre approche et nous pourrions augmenter notre production progressivement », estimant qu’« il n’y a plus de marge pour pousser davantage les prix à la baisse ». Un geste d’apaisement peu coûteux, selon certains experts pétroliers, qui assurent qu’il faudra un an au moins à l’Iran pour retrouver la production de 3,8 millions de barils qu’elle avait avant l’embargo de 2012.
Un autre phénomène aurait pu faire remonter les cours : la baisse des stocks commerciaux de brut américain, dont les chiffres ont été publiés mercredi. Lors de la semaine achevée le 1er janvier, ils ont baissé de 5,1 millions de barils pour atteindre 482,3 millions de barils.
Les experts interrogés par l’agence Bloomberg tablaient sur une hausse de 500 000 barils et l’American Petroleum Institute (API), le puissant lobby du secteur, laissaient entrevoir un reflux encore plus marqué, à 5,6 millions de barils. Mais un premier recul, à la mi-décembre, n’avait pas empêché les cours de plonger.
Ces statistiques ont été contrebalancées par celles des réserves d’essence, qui ont bondi de 10,6 millions de barils, bien plus que ne le prévoyaient les experts de Bloomberg (+ 1,8 million) et l’API (+ 7,1 millions). Mais aussi par les stocks de produits distillés, qui se sont gonflés de 6,3 millions de barils, là encore plus que prévu.
Quant au renforcement du dollar par rapport aux autres devises dans un contexte d’incertitudes économiques et géopolitiques planétaires, il pèse sur les cours du brut puisque c’est en billets verts que les investisseurs munis d’autres devises achètent du pétrole.
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