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FRANCE: Charles Pasqua, l’homme des réseaux de la Ve République, est mort

Mardi 30 Juin 2015

Il a été un acteur omniprésent de la Ve République que ce soit dans la lumière des ministères ou dans l’ombre des coulisses qu’il savait mieux que personne rendre agissantes. Charles Pasqua est mort ce lundi 29 juin 2015 à l'âge de 88 ans des suites d'un accident cardiaque, après une carrière politique de plus d’un demi-siècle à laquelle il avait mis un terme en 2011.

Même dans les passes les plus périlleuses, Charles Pasqua ne se départissait pas de cet air matois qui exaspérait tant ses ennemis et réjouissait les autres. Ce petit-fils de berger corse et fils de policier a eu accès au cercle le plus restreint du pouvoir en constituant patiemment étape après étape, des réseaux et autant de dossiers qui pouvaient « faire sauter la République » croyait-on savoir.

Résistant à 15 ans, son attachement au gaullisme ne connaîtra jamais de faille quitte à emprunter des chemins de traverse où la loi n’est qu’une notion relative. Une fois la guerre de 1939-1945 terminée, muni d’une licence de droit, il rejoint logiquement le Rassemblement du peuple français (RPF) du général de Gaulle. Il sera ensuite cofondateur de toutes les déclinaisons du parti gaulliste de l’UNR à l’UMP en passant par leRPR.
La mise en bouche Avant de devenir un professionnel de la politique, il passe par la case commerce avec la société Ricard. Une association de raison et de passion qui se prolongera de 1952 à 1967, où il devient numéro 2 de l’entreprise, et qui confèrera à l’image de Charles Pasqua un parfum anisé tenace soutenu par son accent marseillais dont il n’a surtout jamais cherché à se défaire. On lui prête même d’être l’auteur de cette ode au pastis : « O toi, sainte Marthe, reine du Pataclet / Sers, avant qu’on n’parte, un bon Ricard bien frais ».
Alors même qu’il émarge chez Ricard, Charles Pasqua ne quitte pas pour autant ses amis gaullistes. En 1959, en pleine guerre d’Algérie, il crée avec Jacques Foccart et Achille Peretti le Service d’action civique (SAC), une officine d’abord chargée, en toute illégalité, de lutter contre les actions terroristes de l’OAS. Appendice du RPF du général de Gaulle, le SAC ne recule pas devant les basses œuvres, ni devant les contributions musclées des voyous. La fin de la guerre d’Algérie ne signe pas la fin du SAC qui se montre toujours très utile en cette fin agitée des années 1960. Pasqua en est le vice-président en mai 1968 alors qu’il co-organise la marche des gaullistes sur les Champs-Elysées qui met un point final aux « événements de mai ».
Toutes ces années ont permis à Charles Pasqua de se « mettre en bouche » pour la politique : il obtient son premier mandat de député dans les Hauts-de-Seine en 1968, raflant le siège à un communiste. Il quitte le SAC l’année suivante, mène des campagnes pas toujours couronnées de succès, puis finit par s’implanter en 1976 à Neuilly-sur-Seine, une terre où il ancre ses réseaux, avant d’être élu sénateur des Hauts-de-Seine en 1977. Six ans plus tard, la mairie de Neuilly qu’il pense cueillir comme un fruit mûr, lui est ravie à la hussarde par un certain Nicolas Sarkozy, 28 ans et guère embarrassé par des questions de préséance…
Premier flic de France
Le pas de deux du Premier ministre Jacques Chirac et de son ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, à l'Elysée, le 8 juillet 1987.
Puis viennent les années des maroquins, plus précisément ceux du ministère de l’Intérieur où durant quatre ans il se confondra avec la fonction de « premier flic » de France dans les gouvernements Chirac (1986-1988) et Balladur (1993-1995), en pleine cohabitation, sous la présidence de François Mitterrand. Son nom restera attaché à une loi limitant le séjour des étrangers en France, puis à une réforme modifiant le code de la nationalité française. A deux reprises, en 1984 et 1988, il déposera sans succès une proposition de loi pour le rétablissement de la peine de mort.
Lors de son double passage place Beauveau, surviennent les grandes grèves étudiantes de 1986 qui verront la mort d’un manifestant, Malik Oussekine, tué par des policiers « voltigeurs ». Charles Pasqua donne ensuite toute sa mesure lors de la traque et de l’arrestation des membres d’Action directe comme de celle du terroriste Carlos usant avec gourmandise de formules-chocs comme : « Il faut terroriser les terroristes ».
Avec Jacques Chirac, durant une bonne partie de sa carrière politique, Charles Pasqua dansera un véritable pas de deux. C’est ensemble qu’ils fondent le RPR en 1976 et ensemble qu’ils en assurent l’essor et en récoltent les fruits, Pasqua faisant la courte échelle à Chirac. Jusqu’au coup de tonnerre de 1995 où Pasqua apporte son soutien à Edouard Balladur qui se présente à la présidentielle face à Chirac. C’est la question européenne qui est à l’origine de la rupture entre les deux « amis de trente ans ». Pasqua estime en effet que Chirac trahit les idéaux gaullistes en endossant des idées centristes et européennes. Cet opportunisme le dérange, dira-t-il. Mais, coup du sort, Chirac gagne, Balladur est battu et Pasqua doit revoir ses classiques.
Le temps des comptes Il retrouve son siège de sénateur, passe par la case député européen puis annonce sa candidature à la présidentielle de 2002. C’est à partir de ce moment-là que débutent ses ennuis judiciaires. D’aucuns diront que c’est pour l’empêcher de se présenter et ainsi de faire de l’ombre à Chirac que déboulent les poursuites. Lui se contente d’y voir « d’étranges coïncidences ». Toujours est-il qu’on entendra dorénavant parler de l’ex-éminence grise des gaullistes surtout pour ses démêlés avec la justice.
« Je suis un animal de combat. On m’a cherché, on va me trouver », tonne-t-il quand il est poursuivi dans l’affaire de l’Angolagate. En tout, celui qui n’a rien perdu de sa faconde, est impliqué dans près d’une dizaine d’affaires politico-financières : Pétrole contre nourriture, Elf, Iskandar Safa,Fondation Hamon, Angolagate, Sofremi, casino d’Annemasse, financement illégal de sa campagne aux Européennes de 1999… En près d’une décennie de procès, Charles Pasqua sera relaxé six fois et condamné deux fois à de la prison avec sursis et une fois à l’inéligibilité.

Tout au long des interminables déballages devant la justice, au cours desquels Charles Pasqua ne perdra finalement bien peu de plumes, il revient à plusieurs reprises sur les dossiers dont il dispose. Lourd de menaces envers Jacques Chirac et Dominique de Villepin, il promet de faire des révélations : « Si je tombe, je ne tomberai pas tout seul », siffle-t-il, un rien amer de se retrouver de l’autre côté de la barrière. Personne ne doute que l’ancien ministre de l’Intérieur puisse détenir des secrets embarrassants. Alors, la presse attend pendant que certains doivent se morfondre. Mais, fidèle au-delà des trahisons ou prudent, ou bien trop las, il ne mettra jamais au jour ses dossiers noirs.
SENEWEB


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