AFFAIRE AïDA NDIONGUE- Deux réquisitoires, deux instructions : Horreurs judiciaires
Vendredi 27 Décembre 2013
La gestion judiciaire du Plan Jaxaay est un exercice magistral : Cette fois-ci, Aïda Ndiongue et Cie ont été placés sous mandat de dépôt pour détournements de deniers publics. Alors que l’ex-procureur de la République, Ousmane Diagne, avait demandé qu’elle soit mise sous contrôle judiciaire pour tentative et le placement sous mandat de dépôt de Abdou Aziz Diop. Maintenant, tout a été remis en cause par un autre procureur et juge d’instruction.
Ce dossier du Plan Jaxaay serait un bel exercice de Td (Travaux dirigés) pour les étudiants en deuxième année de Droit dans les universités sénégalaises. Entre zones d’ombres et bizarreries, la gestion judiciaire de cette affaire s’est retrouvée au cœur de toutes les interprétations des magistrats en charge de démêler cet écheveau. Depuis une dizaine de jours, la machine judiciaire s’est déclenchée pour mettre au gnouf Aziz Diop, ex-coordonnateur du Plan, et Aïda Ndiongue, bénéficiaires des marchés présumés indus pour détournements de deniers publics, faux et usage de faux, escroquerie. Ainsi que d’autres hauts fonctionnaires pour complicité de détournements de deniers publics. Prise à la suite du réquisitoire du procureur de la République, cette décision du juge d’instruction du deuxième cabinet près le Tribunal régional hors classe de Dakar a, sans doute, éraillé le sentiment d’incompréhension qui a escorté la gestion de cette affaire.
La perspicacité du procureur a abouti aux arrestations de Aïda Ndiongue et ses présumés complices. L’acte 2 de cette procédure a mis à nu les contradictions énormes contenues dans ce dossier.
D’un procureur à l’autre, les enjeux ont été redéfinis et redimensionnés. Bien sûr, les faits ont été requalifiés pour aboutir à l’arrestation de l’ex-sénatrice libérale. Le ministère public, géré par Serigne Bassirou Guèye, a pisté 20 milliards 688 millions francs Cfa qui auraient été détournés par les anciens responsables du Plan Jaxaay. Cette fois-ci, il a confié l’affaire au juge d’instruction du deuxième cabinet qui a mis tout ce beau monde en prison. Il a contourné le Doyen des juges qui a instruit le premier volet de ce dossier. Ce dernier avait suivi à la lettre le réquisitoire «jugé complaisant» de Ousmane Diagne en mettant Aïda Ndiongue sous contrôle judiciaire et en plaçant sous mandat de dépôt Aziz Diop, Serigne Ly et autres.
Aujourd’hui, Serigne Bassirou Guèye a tout remis en cause en réalisant une véritable enquête. Il a débusqué les paiements de Mme Ndiongue et conduit personnellement les auditions à la Section de recherches de la gendarmerie qui a reconstitué la fortune de l’ex-sénatrice libérale en montrant comment elle a touché 20 milliards 688 millions, estime-t-on, indûment. D’ailleurs, il avait mis les agents de la Dic sur une fausse piste en sachant que cette unité judiciaire de la police était incrustée par des «agents favorables» à Aïda Ndiongue. A l’époque, les investigations des enquêteurs n’étaient jamais bouclées. Au finish, elles étaient mises en jonction pour de nouvelles procédures. Sans suite.
Tentative de détournements de deniers publics
Dans le dossier des produits phytosanitaires, l’ex-procureur de la République, Ousmane Diagne, avait requis le contrôle judiciaire contre Aïda Ndiongue et le placement sous mandat de dépôt de ses présumés complices. Par ailleurs, il a demandé que l’ex-sénatrice libérale soit inculpée pour tentative de détournements de deniers publics. Prétextant, à l’époque, qu’elle n’a pas perçu l’argent de ce marché, les chefs d’inculpation pour «détournements de deniers publics» ne sont pas retenus contre elle. Curieusement, on avait mis en détention les présumés complices et laissé de côté l’auteure principale présumée. Allez savoir !
Dans son réquisitoire transmis à Mahawa Sémou Diouf, Ousmane Diagne avait requis l’ouverture d’une information judiciaire et le déclenchement des poursuites contre deux agents du Service d’hygiène «pour faux et usage de faux». Dans leurs enquêtes très fouillées de l’époque, la Section de recherches et la Division des investigations criminelles (Dic) ont montré que les deux comptables-matières du Service national d’hygiène ont signé les Pv de réception sans avoir vérifié en amont le contenu des livraisons. Il s’agit de Ibrahima Thiaw et de Mame Fara Diop qui avouent avoir agi sur ordre de la hiérarchie. Par ailleurs, il a aussi requis l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour détournements de deniers publics. Dans son instruction, le Doyen des juges devait lui donner un… visage pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire.
Ousmane Diagne requiert le contrôle judiciaire pour Aïda Ndiongue
Par ailleurs, l’ex-procureur de la République était sans ambages dans certains aspects : Il avait demandé que Abdou Aziz Diop, directeur de Cabinet de Oumar Sarr, ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme et coordonnateur du projet, soit inculpé pour «détournements de deniers publics» et placé sous mandat de dépôt. Un réquisitoire formel qui charge les ex-responsables du Plan Jaxaay. Lequel aurait permis à des pontes du régime libéral de faire «main basse» sur plusieurs milliards de francs Cfa dans le cadre de marchés fictifs.
Dans ce dossier à tiroirs, Ousmane Diagne avait demandé une procédure de saisine de la Haute cour de justice pour inculper Oumar Sarr de «détournements de deniers publics». Cette demande de l’ex-procureur était «légitimée» par le statut du maire de Dagana. En tant qu’ancien ministre, il bénéficie d’un privilège de juridiction «parce que les faits à lui reprochés font partie de sa gestion ministérielle». Entre temps, l’immunité parlementaire du coordonnateur du Parti démocratique sénégalais (Pds) a été levée pour favoriser ses auditions dans le dossier cité ci-haut.
Par ailleurs, les colonels Samba Ndiaye et Youssoupha Guèye, chefs du Service d’hygiène, sont aussi visés par la même information judiciaire. Le Parquet a requis des poursuites contre eux pour «détournements de deniers publics». En tant qu’officiers, ils bénéficient aussi d’un privilège de juridiction. Par conséquent, ils sont justiciables de la Cour d’appel. Jusqu’ici, l’affaire n’a pas évolué. Entretemps, Aïda Ndiongue a été blanchie dans la première procédure. Aziz Diop et les autres présumés complices, inculpés sans l’auteure principale présumée, ont bénéficié d’une liberté provisoire… à cause d’un vice de procédure qui avait sauté à l’œil depuis le déclenchement de cette procédure.
Aujourd’hui, le dossier du Jaxaay a retrouvé un autre… cachet avec les actes posés par l’actuel procureur de la République et le juge d’instruction du deuxième cabinet. Très clairement, ils ont réussi à sérier les fautes, situer les responsabilités et abandonner les tergiversations du doyen des juges et de l’ex-procureur.
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