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Voyage aux Emirats arabes unis: Dans l’antre de la misère des Sénégalais de Dubaï


Jeudi 14 Janvier 2016

Le visiteur qui débarque pour la première fois à Dubaï, est tout de suite impressionné par la splendeur et le luxe démesuré de l’une des sept cités des Emirats Arabes Unis. Derrière la magie et l’esthétique des immeubles et autres gratte-ciel qui ceinturent et surplombent la ville cosmopolite de Dubaï, se cache un autre monde. Celui de la misère, notamment la galère des étrangers. Voyage dans l’enfer des Sénégalais de Dubaï.


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Entre le rêve et le réel, il n’y a que 10 heures de vol. Malgré son luxe indescriptible, Dubaï, le nouvel Eldorado des jeunes africains, n’en est pas moins un Eden aux mille et une difficultés. Les ressortissants sénégalais, notamment les commerçants, ne diront pas le contraire. Il est 17 heures à Dubaï, soit quatre de moins à Dakar, sous un ciel clément (24° à l’ombre), nous sommes au marché Deira, au centre du quartier éponyme. Ici, commerçants, toutes nationalités confondues et autres hommes d’affaires, rivalisent d’ardeur. Qui pour écouler leurs marchandises, qui pour indiquer aux potentiels clients les boutiques où ils peuvent faire leurs emplettes. Ce sont les rabatteurs. Comme on en trouve au marché Sandaga (Dakar) ou ailleurs. Qu’à cela ne tienne ! Rien n’est facile dans cette Cité des Emirats arabes. Pour s’en convaincre, un tour Au Miami Restaurant-Keur Serigne Fallou. Le maître de céans : un Sénégalais ressortissant de Mbacké (région de Diourbel). Après les salutations d’usage, Amadou Guèye se prête volontiers à nos questions. «Je vis à Dubaï depuis 10 ans, j’ai actuellement hâte de retourner au Sénégal où au moins, j’ai une bijouterie», nous confie-t-il tout de go. Nostalgie du pays ou simple volonté de retourner au bercail ? «Non, la vie est plus que chère ici. Vous êtes à Déira, c’est le centre commercial le plus prisé de Dubaï, tous les Africains viennent acheter leurs marchandises ici (tissus, ‘thiouraye -encens, bijoux en or, en argent, cheveux naturels, etc.) Mais, c’est l’enfer pour les commerçants», lâche notre interlocuteur. «Ce restaurant était très prisé des Sénégalais, Maliens, Ivoiriens, Mauritaniens, Gambiens… Ce n’est plus le cas. Deux pour cent (2%) de commerçants ou d’hommes d’affaires africains viennent à Dubaï, tout le monde choisit d’aller en Chine où les produits sont abordables et de bonne qualité. Les commerçants viennent ici, juste pour transiter et aller en Chine», explique Amadou Guèye. Comble de malheur ! «Les magasins sont chers, pour ce petit espace, je paie 1 312 500 FCfa, soit 7 500 dirhams. On essaie de s’en sortir, mais très difficilement. Presque tous les trois ou quatre mois, les propriétaires des lieux viennent vous dire qu’ils augmentent la location. Si vous voulez discuter avec eux, ils vous demandent tout simplement de partir», informe-t-il.

«La vie est plus que dure ici»

Yaya Konaté, un commerçant malien, natif de Bamako, confirme : «Les conditions de vie sont extrêmement dures ici, les coûts des marchandises sont très élevés, tout comme le taux de change. Pour l’hôtel le moins cher, il faut débourser 180 ou 200 dirhams, soit au minimum, 34 000 FCfa, la nuitée, la restauration non comprise. Très peu de commerçants africains, tout le monde va en Chine», fait savoir M. Konaté. Seybany Fall est un ressortissant sénégalais. Le jeune Thiessois, ancien pensionnaire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, s’est converti en marchand et homme d’affaires dans la chic cité de Dubaï. Mais, tout n’est pas rose, reconnaît-il. «Quand on est au Sénégal ou ailleurs en Afrique, on est vite emballé par les mirages de Dubaï. Mais en réalité, la vie est plus que dure ici, surtout pour les commerçants», soutient M. Fall. «Il est vrai que nous sommes loin des tracasseries policières, comme cela se passe bien souvent au Sénégal. Ici, tant que vous êtes en règle, avec tous les papiers exigés, vous n’êtes pas du tout inquiété. Le seul hic, c’est la cherté de la vie, tout est excessif, du loyer au coût des marchandises, rien n’est abordable, mais il y a beaucoup d’opportunités, car c’est la ville des affaires», témoigne Seybani Fall.

L’éducation, un luxe pour les ressortissants sénégalais

A Dubaï, l’éducation, du cycle primaire à l’enseignement supérieur, est gratuite. Une faveur donnée aux nationaux. Pour les étrangers, c’en est tout autre. Fatou Guèye est une ressortissante sénégalaise établie à Dubaï depuis 10 ans. «Pour l’éducation de mes enfants, je ne dépense pas moins de 5 000 dollars (2,5 millions de FCfa), soit 18 000 dirhams par an à l’élémentaire. Les écoles sont excessivement chères. Il n’y a pas d’école publique ici, les établissements scolaires appartiennent aux Maures (les autochtones), les autres écoles aux Indiens. Chaque année, le coût de la scolarité flambe. Mon mari et moi payons 3,5 millions de FCfa par an, pour l’éducation des enfants», souligne Mme Guèye. «Nous demandons au Président Macky Sall, que nous saluons au passage, de nous aider à construire une Ecole sénégalaise ici à Dubaï. Ici, les enfants apprennent l’Anglais et l’Arabe, et d’ailleurs, un Anglais laborieux. S’ils retournent au Sénégal, ils ne pourront pas s’exprimer en Français, langue officielle du pays», déplore-t-elle. «L’ambassadeur du Sénégal, établi à Abu Dahbi, est au courant de toutes nos difficultés, mais nous ne le voyons que lors des grands évènements, comme le Magal ou le Gamou, car nous avons un dahira ici», déclare notre interlocutrice.

Dubaï, terreau fertile de la prostitution

La cité cosmopolite de Dubaï n’est pas seulement la ville des affaires. Le plus vieux métier y est exercé par des Africaines, notamment des Nigérianes, des Ghanéennes, des Kényanes, des Sénégalaises, etc. Le marché Déira reste le repaire des travailleuses du sexe. «Vers 18 heures déjà (heure locale), vous les verrez un peu partout autour du marché. Certaines ressortissantes africaines ne s’en cachent même pas», nous fait-on savoir. Quid des Sénégalaises ? «Vous savez que nos sœurs sénégalaises font tout dans la discrétion, mais cela ne veut point dire qu’il n’y en a pas qui se prostituent. Nous en connaissons», soufflent nos informateurs. «Le soir, les hôtels ne désemplissent pas. Des Africaines s’adonnent à ce vieux métier, elles sont bien prisées des autochtones qui en raffolent presque tous les jours», nous confie-t-on. Une réalité jouissive qui fait de Dubaï, la ville des mille et un fantasmes. Au propre comme au figuré.

L'OBSERVATEUR


La Rédaction