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Vieux Savané, dirpub de Sud Quotidien: ‘’Que l'argent ne circule pas dans le pays est une très belle chose’’


Samedi 11 Janvier 2014

La crise universitaire, le scandale de la drogue dans la police, la traque aux biens supposés mal acquis…, Vieux Savané, le directeur de publication de Sud Quotidien, revient sur les principaux évènements qui ont marqué 2013.

Vieux Savané quels sont les événements qui ont retenu votre attention en 2013 ?

Au bout de cette année 2013 qui s’achève, les sujets d’actualité brulante, c’est quand même l’école, l’université. C’est surprenant de voir que cette école n’arrive toujours pas à trouver ses repères, malgré une volonté de concertation en vue d’aboutir à des reformes sérieuses. Ce qui m’a marqué aussi c’est cette volonté du gouvernement de continuer la traque des biens mal acquis avec les procédures engagées par la justice. Toujours sur le plan de la justice, on note la détermination des autorités de faire en sorte que l’impunité ne soit plus de mise. Je fais ici référence à ce qu’on a vu notamment avec les tortures. On voit comment le gouvernement prend la décision d’ouvrir des enquêtes pour faire la part des choses. Sur le plan économique, on a noté que des orientations sont mises en place pour permettre au Sénégal d’avancer. Enfin sur le plan des infrastructures, il y a cette nouvelle logique qui tend à faire un maillage du pays par le rail.

Le projet de tramway du chef de l’État vous semble-t-il réaliste, réalisable au Sénégal?

J’avoue que pour le tramway, je n’y comprends rien. Ça me pose un problème. Surtout qu’on est dans un pays où, c’est le désordre le plus total. Un tramway quand même, c’est en pleine rue, les gens doivent se déplacer. Il faut de la discipline sinon ce ne sera que des accidents à n’en plus finir. Au Sénégal, avec la pagaille à laquelle on assiste, les vaches qui passent, les moutons qui passent à tout bout de champs. Je n’y comprends rien. Qu’on me dise que c’est quelque chose qui est souterrain, là d’accord, je peux le comprendre. Par contre, pour le rail, oui. Je pense que c’est extraordinairement important. Avec certaines zones enclavées, je pense que le rail est absolument important au Sénégal qui est un pays plat. Si on n’a pas de rails, on n’a rien. Ce sera un moyen de freiner tous les accidents qu’on enregistre chaque fois sur nos routes avec tous ces camions.

L’affaire Béthio Thioune n’a pas retenu votre attention ?

Ce qui m’a marqué dans ce dossier c’est que la justice a osé prendre un chef religieux dont le nom a circulé dans une affaire de mœurs où des gens ont été tués. Je pense que ça, c’est un signale fort selon lequel la justice va passer quoique cela puisse coûter. Quand la justice a entamé son travail, certains ont dit que cette affaire a été politisée. Je pense que non. Il faut être sérieux ! Dans l’affaire Bethio Thioune, est-ce qu’il y a eu morts d’hommes ou pas ? Parce que le journalisme, c’est cela. Ce n’est pas discuter du sexe des anges. C’est véritablement se rapporter aux faits. S’il y a des gens qui sont morts, il faut chercher les coupables, s’il y a eu des gens qui ont volé, il faut prouver qu’il y a eu un vol, puis condamner les auteurs. Je pense que de ce point de vue, ce qu’on peut exiger de la justice, c’est qu’elle soit impartiale et qu’elle apporte les preuves de ses allégations.

Que dire de la traque des biens supposés mal acquis ?

La traque des biens mal acquis est une demande sociale importante. La rupture essentielle de mon point de vue, c’est à ce niveau-là. Pour montrer véritablement qu’il y a aujourd’hui la fin de l’impunité et qu’on s’installe dans l’ère de la reddition des comptes. Donc, ceci signifie tout simplement qu’il ne va pas falloir politiser cela. Et de mon point de vue, ça suppose aussi que la société civile, la presse, que tout le monde soit absolument vigilants pour qu’à chaque fois que des manquements sont débusqués, la justice fasse ce qu’elle a à faire. On voit cette vigilance-là au niveau de la violation des droits de l’homme. C’est-à-dire que chaque fois qu’il y a une mort suspecte par exemple, le fait que les uns et les autres en parlent, la justice est obligée de réagir. Je crois qu’en démocratie, c’est cela. C’est-à-dire qu’il faut que les contre-pouvoirs en tant que tels se mettent ensemble pour mettre la pression sur le pouvoir politique. Le pouvoir politique, quel qu’il soit, a tendance à s’auto-protéger. Donc il appartient à la société civile, les organes qui s’inscrivent dans la dimension de contre-pouvoir de faire leur travail. Je pense que si cela est fait, il y aura une sorte d’autorégulation.

Un autre sujet a défrayé la chronique en 2013, c’est l’affaire de drogue dans la police. Comment appréciez-vous le traitement de ce sujet par les médias ?

Je pense que c’est un bon traitement. C’est-à-dire que les médias ont parlé de cette affaire en rendant compte de comment les autorités ont été saisies et comment elles n’ont pas réagi. Et je pense que justement le gouvernement a eu à prendre les mesures qui s’imposaient, ne serait-ce que par le limogeage de l’autorité qui était le responsable de la police. En tout état de cause, il aurait fallu un suivi pour savoir ce que c’est devenu parce qu’on ne peut pas enterrer cette histoire-là comme ça. Il faut une moralisation de la police. On sait que la drogue, c’est tout à fait tentant parce que c’est de l’argent énorme qui circule, et de ce point de vue, je pense que la presse a bien joué son rôle en distribuant la parole à toutes les parties concernées.

N’aviez-vous pas l’impression que certains organes de presse avaient pris position entre les parties de l’affaire ?

Il y a une régulation qui va se faire par les lecteurs, par les citoyens, les auditeurs ou les téléspectateurs eux-mêmes qui ne sont pas des couillons. C’est-à-dire que les gens savent effectivement faire la part des choses : qui donne une information sans véritablement s’inscrire dans une relation partisane ? Il y a la pluralité qui fait que les uns et les autres peuvent lire tel ou tel journal, écouter telle ou telle radio, regarder telle out telle autre télévision. Et je pense que le point de vue personnel que les uns et les autres peuvent se faire, c’est ça qui est important. Et c’est un point de vue personnel qui découle justement de ce pluralisme-là, qui existe. Mais grosso modo si d’aucuns ont pris parti, les lecteurs le savent ; si d’aucuns n’ont pas pris parti, les lecteurs le savent également.

Macky Sall avait promis la rupture. Près de deux ans après son accession au pouvoir sentez-vous souffler le vent de la rupture ?

Déjà, c’est plus calme. On est moins stressé, je crois (rires) par rapport à l’ancien régime où c’était quand même un tourbillon extraordinaire.

On dit qu’avec Macky Sall l’argent ne circule pas. Êtes-vous de cet avis ?

Je prends ça comme une boutade. Quand on dit que l’argent ne circule plus par exemple, je trouve que c’est extraordinaire ! C’est une bonne chose. Dans quel pays on a vu l’argent circuler sans qu’on en sache la provenance ? Quand l’argent circule sans être le fruit d’une production, cela pose problème. Parce que si l’argent circule, ça doit être le fruit du tissu industriel qui produit par les usines. Je crois qu’il y a aujourd’hui moins de gaspillage à ce niveau-là. Même s’il faut être vigilant toujours.

Comment réagissez-vous au retard dans le vote du nouveau code de la presse ?

Je pense peut-être que c’est la faute de tout le monde. Et des médias et de l’Assemblée nationale, qui ne comprend pas trop. Parce qu’on a l’impression que le nouveau code de la presse n’a qu’un seul point, la dépénalisation. Mais non. Ce n’est pas seulement la dépénalisation des délits de presse. Il y a d’autres points importants dans ce document. Tout le monde est d’accord que le journaliste, en tant que tel, doit être responsable. C’est-à-dire qu’on ne peut pas être d’accord dans un pays démocratique qu’un journaliste puisse raconter ce qu’il veut, comme il veut, etc. Je crois qu’il y a un certain nombre de mesures contraignantes qui sont prises et c’est ça qui est beaucoup plus important. Donc qu’une discussion s’installe et qu’on voit véritablement comment faire en sorte qu’il y ait liberté et responsabilité.

SENEPLUS



Abdoul Aziz Diop