Opinion

UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ AVEC L’HISTOIRE Par Madambal Diagne


Mardi 17 Juin 2014

Invité par le Président Macky Sall pour rehausser de sa présence la cérémonie d’ouverture, hier à Dakar du Sommet sur le Nepad, l’ancien chef de l’Etat Abdoulaye Wade s’est fait représenter par une délégation composée notamment de Me Madické Niang et Amadou Tidiane Wone, deux de ses anciens ministres.

Abdoulaye Wade et les anciens Présidents sud-africain, Thabo Mbeki et nigérian, Olesegun Obasanjo, sont les pères-fondateurs de ce grand projet continental baptisé Nouveau partenariat pour le développe- ment de l’Afrique (Nepad).

A l’origine, le Président Wade était porteur du projet Omega qui a été marié au projet de Thabo Mbeki, pour générer le Nepad. Le Président Wade a eu le grand mérite d’avoir beaucoup insisté pour inscrire les programmes d’infrastructures au cœur des projets de réalisations du Nepad.

Le Président Mbeki nous confiait, en 2005 à Johannesburg, avoir compris les véritables enjeux de la réalisation d’infrastructures pour de nombreux pays africains, grâce à l’insistance du Président Wade.

En effet, l’Afrique du Sud a, elle, fini de réaliser les infrastructures de base depuis de nombreuses générations.

Thabo Mbeki reconnaissait le rôle majeur du Président Wade dans le plaidoyer pour les infrastructures. Pour cela d’ailleurs, le Sénégal a toujours été reconnu au sein des instances du Nepad et de l’Union africaine en général, comme devant assurer naturellement la direction des politiques africaines en matière de réalisations d’infrastructures à l’échelle continentale.

C’est dire que la mission, qui a été dévolue au Président Macky Sall, de conduire la recherche de financements pour les projets d’infrastructures, reste un fruit du leadership et de l’œuvre du Président Abdoulaye Wade.

C’est donc altruiste que de rendre hommage à ce dernier à l’occasion de la réunion du Nepad à Dakar. Le Président Macky Sall s’est acquitté de ce devoir, mais on regrettera que la fête n’ait pas été encore plus belle.

L’absence du Président Abdoulaye Wade à la cérémonie, alors qu’il est présent à Dakar, est à regretter. Il est vrai que l’ancien chef de l’Etat a vaincu de nombreuses réticences, dans son camp, pour daigner envoyer une délégation à la cérémonie. Ils étaient nombreux, certains de ses proches, à le dissuader de le faire, à donc l’inciter à refuser l’invitation.

Mais le Président Abdoulaye Wade a eu la délicatesse de prendre contact avec le ministre Bruno Diatta, chef du protocole de la présidence de la République, pour lui expliquer qu’il ne pourrait pas personnellement assister à la cérémonie car il craignait que sa présence puisse perturber le déroulement des travaux, notamment s’il se faisait applaudir.

Abdoulaye Wade voulait éviter de ravir la vedette à son successeur, et donc de le gêner. Cette explication fournie ne manque pas de révéler un trait de caractère narcissique, bien de Abdoulaye Wade ; celui de toujours regarder de haut son monde et de se considérer comme la plus grande vedette, la plus grande attraction, le meilleur, le plus beau, le plus «Tout».

L’alibi ainsi servi peut paraître insatisfaisant dans la mesure où l’absence de Abdoulaye Wade conforte tous ceux qui pensaient qu’il n’honorerait pas l’invitation de son successeur. L’homme serait incapable de s’élever pour transcender les petits calculs politiciens dans un contexte pré-électoral, mais aussi qu’il ne souffrirait pas de s’asseoir sagement, dans le public, pour suivre une allocution d’un Macky Sall que Abdoulaye Wade ne manque pas de continuer à snober.

En effet, on pourrait rétorquer à Abdoulaye Wade que l’ancien Président Abdou Diouf avait toujours accepté les invitations que lui servait son successeur Abdoulaye Wade qui l’avait remplacé à la tête de l’Etat du Sénégal en 2000, dans les mêmes circonstances que l’année 2012 qui a vu l’arrivée de Macky Sall à la place de Me Wade.

La présence de Abdou Diouf à des cérémonies présidées par Abdoulaye Wade a toujours été bien vue. La présence du même Abdou Diouf, il y a encore quelques semaines à Dakar, aux côtés du même Macky Sall à une cérémonie officielle, avait également été bien remarquée.

Il n’y a jamais eu de fâcheux incident ou d’amour-propre blessé. Bien au contraire, l’image du Sénégal en avait toujours été bien reluisante et la démocratie magnifiée. Mieux, Abdoulaye Wade avait démarré son magistère sous de beaux auspices, en désignant son prédécesseur pour le représenter au sommet des chefs d’Etat africains en Egypte en avril 2000.

Ce geste de magnanimité avait été salué dans le monde entier, d’autant qu’entre Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, les relations n’avaient pas été qu’un long fleuve tranquille. Combien de fois le régime de Abdou Diouf avait jeté l’opposant Abdoulaye Wade en prison ?

Abdoulaye Wade avait réussi à ravaler toutes ses rancœurs comme il aurait pu encore, en dépit de l’emprisonnement de son fils Karim Wade, le faire en acceptant d’être à une cérémonie convoquée et dirigée par Macky Sall. Il est certain que le Sénégal y gagnerait.

De la même façon qu’il s’est par la suite ravisé, pour avoir boudé le salon d’honneur de l’aéroport de Dakar, le mois dernier, Abdoulaye Wade regrettera d’avoir manqué la rencontre du Nepad hier. On augure qu’après l’hommage appuyé que lui a rendu, à l’occasion, le Président Macky Sall, Abdoulaye Wade pourra se convaincre qu’il y aurait assisté sans avoir le sentiment d’être utilisé comme un faire-valoir.

Il s’y ajoute que le Président Abdoulaye Wade a toujours fait offre de ses services à Macky Sall pour l’aider sur des dossiers et missions internationaux.

On peut maintenant légitimement s’interroger sur la sincérité d’une telle offre. Il n’en demeure pas moins que même pour ses propres intérêts, Abdoulaye Wade devrait essayer d’envisager ses relations avec Macky Sall sous d’autres prismes car s’il prétendrait mener une quelconque mission internationale ou jouer le moindre rôle dans le monde, il aurait nécessairement besoin de la caution des autorités politiques de son pays.

Cette caution, on ne l’obtient pas toujours avec une certaine façon de faire.

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Abdoul Aziz Diop