Economie

Sénégal-France: Les chiffres d’un partenariat hautement déséquilibré


Lundi 19 Décembre 2016

Le chef de l’Etat Macky Sall, fraîchement élu à la tête du Sénégal en 2012, avait réservé sa première visite officielle, hors du continent, à la France. Il s’était ainsi rendu au palais de l’Elysée le mercredi 18 avril 2012, d’où il est sorti avec une aide budgétaire de 85 milliards de francs CFA. Ce, non sans avoir ressuscité l’accord de défense avec la France. Ce fut au temps où les caisses de l’Etat étaient déclarées vides. Ça, c’était il y a 4 ans.


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Aujourd’hui, le chef de l’Etat va encore fouler les champs Élysées, pour aller répondre à l’invitation de son homologue français, François Hollande. Quel est l’objectif véritable d’une telle visite d’Etat ? Quelles retombées le Sénégal peut-il espérer au moment où Hollande s’apprête à quitter le pouvoir?
 
La balance penche du côté de la France
 
Il est de notoriété publique que les rapports entre le Sénégal et la France datent de plusieurs siècles. Aujourd’hui, 200 000 Sénégalais vivent en l’Hexagone alors que le Sénégal compte environ 30 000 Français. Mais, la France et le Sénégal n’ont pas les mêmes appétits, ni les mêmes puissances de frappe. En effet, rien qu’en 2016, le budget de l’Hexagone faisait 80 fois celui du Sénégal. Hier colonisateur, le pays de François Hollande est de nos jours le premier partenaire économique du Sénégal. Malheureusement, la balance est très avantageusement penchée du côté de la France. Notre pays n’est que le 58ème client de la France et son 17ème excédent, selon les chiffres de 2015. La France est le 1er fournisseur du pays et son 6ème client, selon les statistiques de Global Trade Atlas.
 
Dans les échanges, l’hexagone écrase le Sénégal
 
En effet, en 2012 la France a exporté à hauteur de 828 millions vers le Sénégal, 706 millions d’euros en 2013, 729 millions d’euros en 2014 et 767 millions d’euros en 2015, selon la douane française. Ce qui fait un cumul de 3 milliards d’euros soit 1969 milliards de FCFA en 4 ans. Toujours selon les chiffres de la douane française, de 2012 à 2015, le Sénégal n’aura vendu qu’à hauteur de 328 millions d’euros, soit 213.2 milliards de FCFA à la France. Soit un solde de 1756 milliards de FCFA. Et ce sont les produits agricoles et agroalimentaires que la France vend le plus au Sénégal.
 
91 entreprises françaises au Sénégal, 10 432 emplois
 
Quant au stock des investissements français dans le pays, ils s’élèvent à 2202 millions d’euros en 2015, soit 1431.3 milliards de FCFA, renseigne le Quai d’Orsay sur son site web. La même source renseigne que 5716 entreprises françaises ont exporté vers le Sénégal en 2015. Cependant, le nombre d’entreprises françaises implantées au Sénégal se chiffre à 91 pour 10 432 emplois créés et un chiffre d’affaires de 2373 millions d’euros.  Autant dire qu’elles ne se plaignent pas au Sénégal.
 
La France rafle tous les marchés juteux
 
Dans les relations franco-sénégalaises, ce qui crée surtout les grincements de dents, ce sont surtout les gros marchés de l’Etat du Sénégal qui passaient sous le nez des nationaux et qui tombaient dans l’escarcelle des entreprises françaises. Par exemple, le juteux marché de l’autoroute à péage a été confié à Eiffage qui a même raflé  plusieurs succulents avenants sous Macky.
Au Port autonome de Dakar, si le terminal Roulier a été attribué à Bolloré, le Vraquier a lui, été donné à Nercotrans. Toutes françaises !
A la Sonatel, France Telecom, actionnaire majoritaire est aussi l’objet de beaucoup de critiques des travailleurs de l’opérateur historique. Mais, contre 100 milliards de FCFA, il a obtenu le renouvellement de sa concession et sa licence 4G. 
Dans le colossal marché de 568 milliards du Train Express régional, le lot deux est revenu au groupement français Engie Ineo/Thalès  quand Alstom s’est vu accorder le très généreux marché de 15 trains Coradia Polyvalents pour 150 milliards de FCFA. Et la liste n’est pas exhaustive. Inutile de dire que les entreprises sénégalaises qui gagnent des marchés d’une telle dimension en France, c’est vraiment inexistant. Ce qui fait que dans ce domaine, la France est totalement gagnante.
 
Des bénéfices expatriés en France
 
Et malheureusement, l’effet négatif dans l’allocation de tant de marchés aux entreprises françaises, dont la plupart ne sont pas  basées au Sénégal, c’est que leurs ressources gagnées au pays de la téranga, ne sont pas réinvesties ici. Elles sont expatriées vers la France ou vers d’autres cieux. C’est ce qui est reproché aujourd’hui à France Telecom, et c’est ce que risquent de faire Alstom et autres.

ABDOUL KADER Ba