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Séisme à Agadir: La délégation sénégalaise échappe à la mort…(L'Observateur)


Mardi 21 Février 2017

Pour quelques secondes de plus, le tremblement de terre qui a secoué Agadir à 7h45mn, allait occasionner un lourd drame. Mais l’effroi et le soulagement ont fini par être les sentiments les mieux partagés. Récit d’une matinée où tout pouvait s’arrêter.


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Un bruit strident. Bref. Des meubles paniqués, l’imposant immeuble de l’hôtel Marjan qui vibre de tout son long, comme une feuille. La secousse tellurique a duré 4 secondes, ce lundi vers les coups de 7 heures 45mn. La nouvelle a éclaté comme un coup de tonnerre sous le ciel d’Agadir, alimentant tous les portails d’informations, les radios d’Agadir et au-delà : l’on donne la parole aux spécialistes des tremblements de terre, qui n’arrêtent pas de répéter qu’Agadir est une ville installée sur une ligne sismique.

Ce matin-là, sur les visages de la délégation sénégalaise, c’est l’hébétude et le soulagement qui se lisent. La découverte d’une horrible réalité. Avec son pull gris, le bonnet sur le chef, pantalon noir, Mamadou Touré, un homme d’une cinquantaine d’années, est le premier à parler de la nouvelle, avec le ton d’un miraculé. «Vous avez entendu le bruit dans les chambres, je me suis précipité pour venir voir en bas si un camion avait percuté l’immeuble. C’est ainsi qu’un gars tout apeuré m’a parlé de séisme. Je venais de me rendre compte du pire qu’on a évité», explique-t-il.

 

Trouvée dans le hall de l’hôtel, enveloppée d’un long voile noir, la journaliste de la Rts, Khady Fall Coulibaly, ne revient pas encore de sa surprise quand on lui apprend que la terre a tremblé jusqu’à une magnitude de 4° sur l’échelle de Richter. Elle bondit de son fauteuil et s’exclame de toute sa voix rauque : «Ah ouais, j’ai cru que je rêvais, que la chambre bougeait, mais je n’ai jamais pensé que c’était un tremblement de terre. Tant c’est allé très vite», s’écrie-t-elle. «C’est effrayant, c’est vrai que moi je me suis rendu compte que tout ça n’était pas normal, mais je n’ai pas pensé à un tremblement de terre», narre hagard, les yeux exorbités, Gérard Diam. «On l’a échappé belle, cela m’a rappelé de terribles souvenirs de notre voyage au Japon», amplifie Massata Fall du Port autonome de Dakar.

En cette matinée glaciale de cette ville d’Agadir, les Sénégalais se réveillent un à un pour commenter à hauteur d’homme le terrible bruit qui a secoué l’immeuble. Mais tous convoquent un fatalisme béat pour se satisfaire que le séisme n’ait pas fait trop de dégâts. «Alhamdoulilah, que ça n’a pas fait de dégâts sinon, parait-il, si ça avait dépassé 13 secondes, facilement il y aurait eu des drames», déduit El Amadou Mbaye du Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec). L’on finit par se dire que devant les catastrophes naturelles, l’homme n’est pas grand-chose. Ce matin-là, le concierge, Ibrahim, est plus déluré que d’habitude. Tant ces derniers jours, son calme forçait le respect…, mais là, il parle et ne s’arrête sous aucun prétexte. Sa loquacité soudaine est peut-être le fruit d’une peur qu’il tente d’évacuer par tous les moyens.

«Vous savez, hier il y a des jeunes qui ont commencé à manifester pour dire qu’il faut que la ville d’Agadir bouge. Mais Dieu les a entendus, la terre a bougé. Dieu, il exauce toujours ce que les gens demandent», maugrée-t-il. Même s’il tempère, en reconnaissant sur un ton sérieux jusqu’au seuil du préoccupant, que les Marocains d’Agadir ont besoin de voir le Roi Mouhamed VI, puisque cela fait 14 ans qu’il n’a pas mis les pieds sur cette terre. Mais ce lundi-là, les préoccupations sont ailleurs. Sur les visages fermés des gens qui traversent à pas feutrés la devanture de l’hôtel située en plein centre-ville, l’on lit des signes d’inquiétude. L’effroi de ce matin n’a pas quitté les esprits, les gens en sont encore marqués. Mais la vie continue. «Vous savez à Agadir, les gens ont l’habitude de ce genre de drame, c’est juste comme une piqûre de rappel, mais après, la vie continue», avise Abdel Kader, un client du resto de l’hôtel Marjan, dans un français  approximatif. Il porte un «jacquet» noir et une chemise de la même couleur et ne se prive pas d’évoquer la peur qu’il a ressentie ce matin. «Je m’étais recouché après la prière, mais quand ça a commencé, je me suis levé brusquement pour aller dans la chambre de mes trois filles et je les ai serrées très fort après que la secousse est passée», raconte-t-il.

Ce tremblement de terre n’est pas le premier dans la ville d’Agadir. Quand ils en parlent ici, c’est avec un brin de tristesse et c’est le visage grave qu’ils vous content la terrible histoire. C’était un 29 février 1960 de triste mémoire. Quelques extraits du livre de Dominique Strauss Kahn  365 jours – Journal contre le renoncement (Grasset, 2006), l’ancien ministre de l’Economie et des Finances de la France y  raconte ce qu’il a vécu, à 11 ans, dans cette ville. «Des cris montent dans la nuit. Des hurlements, des larmes… Quelques heures plus tard, règne une atmosphère de fin du monde. Les immeubles, comme déchirés par le séisme, semblent découpés au couteau. La secousse a atteint 5,9 sur l’échelle de Richter. C’est le tremblement de terre le plus meurtrier que le Maroc ait connu. Ça et là, des fantômes errent à travers les décombres à la recherche d’un proche, d’un enfant, d’un frère… En vain.

Cette nuit assassine a fait entre 12.000 et 15.000 morts ! Le tiers de la population de la cité ! Les cadavres jonchent le sol. En 15 secondes, tout a été détruit. Quelques jours plus tard, à cause des risques d’épidémie, des milliers de corps en décomposition et des rats qui pullulent, on décide d’abandonner les recherches de survivants et d’arroser la ville dévastée de chlorure de chaux.»

Dominique, l’homme qui a créé une seconde secousse tellurique quand il était à la tête du Fonds monétaire international en tentant de violer Diallo Nafissatou dans un hôtel de luxe Sofitel de New-York, est toujours vivant. Alors enfant de 11 ans, ses parents ont pu l’emmener à temps et l’éloigner de l’épicentre du séisme. Mais il a frôlé la mort. Sans doute, ce 29 février 1960, a-t-il ressenti et compris prématurément ce que signifiait ce mot. La fin de tout, des rires, de l’insouciance. La fin de l’enfance. Aujourd’hui, la zone de ce drame est appelée la vieille ville d’Agadir. De loin, les habitants d’Agadir rafistolent le passé tragique pour en fuir les démons. On n’aime pas trop parler de ce mauvais souvenir, de cette tragédie la plus terrible de ce dernier siècle au Maroc…, mais l’on prie le Tout Puissant en silence pour qu’Il épargne cette ville balnéaire de sa colère.

Ce sont des tas de vies, Marocains et Sénégalais, qui ont échappé à la mort ce lundi, ce tremblement de terre est comme une piqûre de rappel informant que la vie repose sur un fil ténu… Souvent ça tient sur des secondes. Aujourd’hui, toute la délégation sénégalaise rend grâce à Dieu…


Abdoul Aziz Diop