A Westfield, un faubourg de la capitale, des grappes de jeunes hurlaient et chantaient en se penchant hors de véhicules en circulation. Et c'est dans ce quartier réputé bastion d'opposition qu'un journaliste de l'AFP a pu voir le général Ousman Badjie, chef d'état-major considéré jusque récemment comme un pilier du régime du président sortant Yahya Jammeh, se joindre à la foule pour célébrer l'événement.
"Nous sommes reconnaissants à Dieu d'avoir écouté nos prières", lance Soloman Jarja, le visage mangé d'un large sourire.
Dans plusieurs quartiers, des grappes de manifestants exultaient, criaient, klaxonnaient, certains arborant des T-shirts affichant "Gambia has decided" ("La Gambie a choisi"), le slogan des partisans d'un changement de régime, dont des porteurs avaient été ces dernières semaines interpellés.
Des scènes de liesse similaires avaient eu lieu après la proclamation de la victoire surprise de M. Barrow en décembre contre M. Jammeh, qui dirige d'une main de fer ce petit pays depuis son arrivée au pouvoir en 1994 à la faveur d'un coup d'Etat.
Mais le fantasque président, après avoir initialement reconnu sa défaite face à Adama Barrow, avait ensuite changé d'avis et refusé de quitter le pouvoir, contestant le résultat officiel.
A mesure qu'approchait l'expiration de son mandat à minuit mercredi, le pays s'était tendu, dans la crainte de violences. Des milliers de Gambiens fuyaient au Sénégal voisin, d'où des troupes ouest-africaines sont entrés jeudi en Gambie pour installer M. Barrow au pouvoir, alors que des milliers de vacanciers occidentaux étaient rapatriés.
- 'Nous sommes libres' -
Et jusqu'à l'explosion de joie de jeudi après-midi, Banjul ressemblait à une ville déserte, marchés et magasins fermés, habitants cloîtrés, militaires déployés dans les rues.
Dans leur petite maison de la périphérie de Banjul, les membres de la famille Kah et des amis se sont rassemblés pour regarder la prestation de serment d'Adama Barrow. Debout, ils chantent doucement l'hymne national, puis écoutent le nouveau président - encore en exil - promettre réformes et un avenir meilleur pour un des pays les plus pauvres au monde.
"Nous avons décidé" s'écrie Mohammed Kah, musicien, à la fin du discours retransmis en direct par la télévision sénégalaise RTS, captée à Banjul, se levant d'un bond du canapé sous les rires. "Dieu merci, nous en avons été témoins, c'est une histoire que nous n'oublierons jamais", renchérit Ibou Mbye, qui travaille dans le spectacle.
"Ces 22 dernières années, nous avons vécu en dictature. Maintenant nous sommes libres", s'enthousiasme Corra Kah, cousine de Mohammed. Et de se féliciter de l'intervention militaire ouest-africaine lancée dans l'après-midi notamment par le Sénégal pour déloger Jammeh.
Tard dans la nuit fatidique de mercredi à jeudi, le général Badjie avait annoncé la couleur, déclarant spontanément à des ressortissants occidentaux croisés dans un secteur touristique près de Banjul qu'il n'ordonnerait pas à ses hommes de résister en cas d'intervention militaire. "S'ils entrent, nous ferons comme ça", avait-il dit, levant les mains en l'air en signe de reddition