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Saisine du Conseil constitutionnel: Macky SALL dans l'impasse!(SUD QUOTIDIEN)


Mercredi 26 Juillet 2017

La saisine du Conseil Constitutionnel par le Chef de l’Etat, Macky Sall, afin de permettre aux électeurs de voter avec la carte d’identité et/ou d’électeur numérisée, le passeport, le permis de conduire ou tout autre document d’immatriculation va-t-elle résoudre les dysfonctionnements notés dans la distribution des cartes d’électeur. Rien n’est sûr. Pis, si on en croit le Professeur Abdoulaye Dièye, agrégé en droit constitutionnel, mais aussi un de ses collègues de l’Université Cheikh Anta Diop, qui a requis l’anonymat, les « Sept Sages » ne pourront aucunement sauver le Macky.


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Va-t-on vers le report des élections législatives prévues pour ce dimanche 30 juillet ? Tout porte à le croire. A moins qu’on ne veuille violer allégrement les lois et règlements de notre pays. C’est la conviction du Professeur agrégé en droit constitutionnel de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Abdoulaye Dièye, qui évoque l’impossibilité par le président de la République de promulguer une loi en cas de son adoption par l’Assemblée, dans les délais, comme le stipule l’article 72 de notre charte fondamentale. Cela, si le Chef de l’Etat venait à faire modifier le code électoral, via une procédure d’urgence, par l’Assemblée nationale comme ce fut le cas récemment avec l’article L78, pour permettre à chaque électeur de choisir 5 listes et non 47 qui sont en compétition pour la prochaine législature. 

LES DIFFERENTS SCENARII

Un Professeur agrégé en droit constitutionnel à l’Université Cheikh Anta Diop que nous avons joint hier, a dessiné les différents scénarii qui s’offrent à l’Etat pour sortir de cette impasse inédite dans l’histoire politique de notre pays. Puisque, selon certains, même en 1996, on n’avait pas une telle cacophonie, un tel blocage.   

D’emblée, il admet que «le Conseil constitutionnel peut donner un avis favorable». «Mais, s’est-il empressé de préciser, cet avis risque de ne pas être opérationnel». Et pour cause, soutient ce professeur de droit constitutionnel qui a préféré garder l’anonymat, «il y a l’article 3 de la Constitution du Sénégal qui dispose que «Tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs dans les conditions déterminées par la loi (code électoral, Ndlr)». 

Autrement dit, selon les dispositions du code électoral qui, en son article 53, dit qu’on vote avec la carte d’identité nationale biométrique de la CEDEAO. Or, en plus de cette carte, le Président Sall voudrait faire voter les Sénégalais aussi avec d’autres documents tels le passeport, le permis de conduire ou tout autre document d’immatriculation pour les primo-inscrits non détenteurs d’un des quatre premiers documents administratifs. Ce qui serait synonyme de violation de la Constitution, selon le juriste. 

Toutefois, a-t-il tenu à préciser, le Conseil constitutionnel peut orienter le Chef de l’Etat vers la modification du code électoral comme on l’a fait récemment en permettant à l’électeur de choisir au moins 5 listes au lieu des 47 en compétition. Le cas échéant, il va encore saisir l’Assemblée nationale afin de surmonter le code électoral. «Mais, la tension va monter d’un cran entre acteurs politiques», regrette-t-il. 

L’OBSTACLE DU DELAI DE LA PROMULGATION

En revanche, le Professeur Abdoulaye Dièye, agrégé également en droit constitutionnel, lui, reste formel. «Le Conseil Constitutionnel ne peut se permettre de faire voter avec d’autres cartes que celles des électeurs». Selon l’universitaire, il faut un «consensus» pour changer la loi. Quid alors du récent précédent avec la modification de l’article L78 du code électoral par l’Assemblée nationale ? Le Professeur Dièye soutient qu’actuellement, on n’est plus dans une procédure législative. «Mieux, même si l’Assemblée nationale est convoquée en procédure d’urgence aujourd’hui, mardi 25 juillet (hier, Ndlr) et qu’elle modifie cet article, le problème va rester entier», soutient-il. Pour cause, relève-t-il : «il y a la question de la promulgation». Or,  martèle-t-il, «quelle que soit l’urgence, le Président de la République est tenu de respecter un délai de six jours pour promulguer une loi. Par conséquent, vous vous rendez compte que, matériellement, ce n’est pas possible». 

C’est l’article 72 de la Constitution qui dit que «le président de la République promulgue les lois définitivement adoptées dans les huit jours francs qui suivent l'expiration des délais de recours visés à l'article 74». L’alinéa 2 ajoute que «le délai de promulgation est réduit de moitié en cas d'urgence déclarée par l'Assemblée nationale».  Ce qui lui fait dire que cette disposition bloque l’urgence. D’où l’impasse dans laquelle se trouvent les autorités étatiques. 

CREATION D’UNE HAUTE AUTORITE DE LA DEMOCRATIE

Notre interlocuteur qui a requis l’anonymat n’a pas non plus manqué de proposer des solutions de sortie de crise. Il plaide d’abord pour la concertation avec l’ensemble des acteurs politiques face à cette impasse pour autoriser le vote avec les récépissés, les anciennes cartes d’identité etc. A défaut, soutient-il, les acteurs peuvent tomber d’accord sur un report jusqu’au mois de novembre. Ce qui, selon lui, va régler deux problèmes : la disponibilité des cartes, mais aussi l’hivernage. Sinon, on risque de rester avec ce statu quo et ses conséquences. Par ailleurs, le Professeur de droit a émis l’idée de la mise en place prochaine de la Haute autorité de la démocratie qui sera confiée à une personne indépendante. Cette institution va veiller sur le dialogue politique au lieu de confier l’organisation des élections à un ministre qui est à la fois maire, membre du bureau politique d’un parti politique.   


Abdoul Aziz Diop