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L’université de Dakar des années 1980.
Un espace d’échanges, de partage où les fortes personnalités ne manquaient pas. Au risque de complexer certaines autres universités du monde, les grands noms ne manquaient pas : le professeur Cheikh Anta Diop, Directeur du laboratoire Carbone 14 de l’Ifan, le Doyen Mohamadou Kane, à la faculté des lettres, le Professeur Souleymane Niang, doyen de la faculté des sciences, le professeur Iba Mar Diop, doyen de la Faculté de Médecine, et d’autres encore comme les professeurs Alassane Ndao, Mamadou Sall, Boubacar Barry, Abdoulaye Bathily, Aloise Raymond Ndiaye, Mamadou Diouf, Souleymane Bachir Diagne, Ibnou Diagne, et encore.
C’est dans ce contexte qu’évoluait l’homme. En 1972, moment où il est arrivé comme professeur de droit international public et de droit constitutionnel à la Faculté de droit et des sciences économiques de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, il a marqué son territoire. Et même quand il devient doyen de la faculté de sciences juridique en 1975 jusqu’en 1981, il est resté le même. Sobre, discret et très accessible.
Tous jeunes étudiants, on se rappelle encore de son dernier cours magistral et l’ambiance particulière qui régnait dans l’amphi avant son départ pour le gouvernement à la suite du Conseil National du Parti socialiste qui les voit arriver lui et Iba Der Thiam aux postes de Ministre de l’Enseignement supérieur pour le premier et de ministre de l’Education nationale pour le second.
Ministre sans parti dans un gouvernement d’ouverture
Difficile dans son contexte, il fallait l’oser. Et le président Abdou Diouf l’avait fait. Faire appel, contre l’avis de son parti, à deux hommes au parcours similaire : grands universitaires, professeurs de talent. Et, simplement des formateurs dont l’unique obsession n’est rien d’autre que la recherche de savoir. Devant un Iba Der Thiam, Directeur de l’Ecole normale supérieure, lui qui a fait une partie de sa formation à la grande Ecole normale supérieure de la Rue d’Ulm à Paris, Ibrahima Fall, paraissait plus un peu plus inattendu. Mais entre les deux, les destins allaient se croiser. Et dès mars 1984, une génération d’enfants contestataires arrive à l’université. Parmi eux, des gens qui vont être ministres jusqu’à récemment dans les gouvernements du président Wade. Et, d’autres directeurs de cabinet ou conseillers après un passage par l’Ecole nationale d’administration (Enam) s’ils ne sont pas avocats, professeurs en faculté, médecins, pharmaciens etc.
La dure réalité ne tarde pas très vite à rattraper Ibrahima Fall, nouveau ministre d’un gouvernement qui sent la contestation monter chez ces jeunes. Et, dès la fin des examens partiels, l’université va entamer grève dès la première quinzaine du mois de mars, qui va durer jusqu’au mois de mai, date de l’arrêt des cours officiel à l’époque dans les facultés. L’homme d’ordre est laissé à lui-même par le gouvernement face à des étudiants rusés et déterminés. Usant de son franc parler, mais aussi de la maîtrise du français et surtout du Wolof (né à Tivaouane en 1942, l’homme n’est pas un cayorien pour rien), Ibrahima Fall est devenu tout d’un coup, l’homme des médias.
A la télévision, après chaque négociation, l’homme sort difficilement de cette épreuve forcée à laquelle le soumet une jeunesse plus révoltée que jamais. Les étudiants regroupés au niveau de comité de lutte, avec comme porte parole, M. Youssou Diallo, jusqu’à récemment, Directeur de cabinet du Premier Ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, voulaient en quelque sorte tuer un mythe. A son tour, l’homme essayait de convaincre l’opinion et les parents d’élèves sur sa bonne foi. Au sortir d’âpres discussions sur la suppression de la note éliminatoire dans certaines facultés (en Médecine et en Sciences), Ibrahima Fall, sobre calme, mais décidé à ne pas échouer face à sa première crise, se rappelait aux bonnes vertus de l’éducation à la sénégalaise.
Maniant le verbe comme jamais quelqu’un pouvait le faire à sa place, il refusait de céder lui aussi. Après trois mois sans cours, les étudiants ne rejoindront les amphis qu’à la fin du mois de mai. Un peu tard pour l’année académique qui va être prolongée jusqu’à la fin juillet pour que les examens s’organisent au mois d’octobre en une seule session. Ce fut un échec pour lui, malgré l’organisation de la session unique. Et au final, c’est Iba Der Thiam qui récupère le ministère le cumulant à l’enseignement supérieur quand en octobre 1984, le même Ibrahima Fall est affecté au ministère des Affaires Etrangères. Sans avoir mené les réformes qui justifiaient son arrivée dans le gouvernement.
Diplomate et combattant
Alors, quand il disparaît de la scène politique pour entrer dans le système des Nations Unies comme Secrétaire Général adjoint auprès de Koffi Annan, beaucoup de jeunes Sénégalais qui l’ont vu cette année, n’étaient pas nés. Mais, l’homme est un personnage en son genre. Ce genre d’hommes de qualités dont l’Afrique regorge et qu’il faut raconter aux enfants, aux jeunes et aux moins jeunes qui ne l’ont pas connu. Et ce n’est d’ailleurs pas pour rien que lors de la présidentielle 2012, il a gagné dans certaines grandes capitales du monde (en Allemagne, en France etc.) Mais aussi de nombre de Sénégalais qui le découvraient.
Au début, un peu inattendue, sa candidature a permis aussi d’affaiblir le président Wade. Connu dans le monde, l’homme a aussi usé d’astuces pour répondre à sa manière à la provocation de la police et de la gendarmerie. Il savait ce qu’il voulait. Et il l’a réussi, malgré le faible suffrage qu’il a eu et qui ne reflète pas du tout, la pertinence de son discours. Le courage de ses idées et de ses interventions pour ne pas dire ses actions. En osant braver l’interdit ce vendredi 17 février qui va être le jour du retournement de la situation contre le président Wade, il savait ce qu’il faisait.
Provocateur, l’homme a usé d’astuces pour énerver des jeunes policiers sans expérience qui n’attendaient que cela et qui vont tomber dans le piège en larguant des « bombes » sur sa personne, l’agressant violemment avant de commettre l’irréparable : l’attaque de la mosquée de la rue Carnot, chères à la confrérie Tidjane. Le mal est fait. Et le Sénégal vient de découvrir un homme de courage, de défi. Un homme tranquille dont l’intelligence tactique a mis la panique dans le camp d’en face. Un camp qui narguait tous les opposants qui osaient franchir la Place de l’Indépendance.
Mais l’homme ne doit-il pas cette intelligence à deux faits concomitants que les Sénégalais ignorent : De 1992 à 1997, Ibrahima Fall a été Sous-Secrétaire général des Nations Unies, chargé des Droits de l’homme et Directeur du Centre pour les Droits de l’homme à Genève. Ne pas oublier aussi comme a semblé le faire le camp d’en face, contre lui et d’autres, que le même Ibrahima Fall avait cumulé une forte expérience lorsque le 19 juillet 2002, le Secrétaire Général des Nations Unies, le nomme Représentant spécial pour la région des Grands Lacs doublé d’un titre de Sous-Secrétaire général aux Affaires politiques. Démocrate et homme du monde, il faut enfin signaler qu’Ibrahima Fall a participé à l'élaboration de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de l'Organisation pour l’Unité Africaine (Oua) ; aujourd’hui plus connue sous l’appellation Union Africaine (Ua).
Lui, le candidat du mouvement Taxaw Temm (debout quoi qu’il arrive) à l’élection présidentielle du 26 février, l’a donc fait, en partant de ces faits. Malgré l’importance du dispositif sécuritaire. Nonobstant les agressions imposées à certains de ses compagnons. Et, cela en dépit de la volonté de Wade et compagnie à mater et humilier tous ces hommes et femmes de paix qui ne voulaient profiter que du droit que leur conférait le code électoral pour tenir meeting là où il le souhaitait. Homme du vendredi 17 février, Ibrahima Fall tenait sa revanche. Au bout d’une longue journée où la marche du M23 a été encore annulée à coups d’intimidation, l’homme est parvenu à toucher de près les faiblesses de la défense « sauvage » du régime contre les démocrates. Dans le parking d’une grande compagnie d’assurance, il va parler en direct au Sénégal et au monde. Et son appel ne sera pas vain…
Sénégalais et fier de l’être. Après son échec de 1984, le voilà de retour au Sénégal avec la fierté d’avoir imposé son nom dans le cadre politique. Et nul doute qu’il faudra désormais compter avec lui dans les prochaines échéances, s’il le souhaite.
SUDONLINE.SN