Rocambolesque cambriolage au Almadies: Un douanier dévalise de 150 millions FCFA
Mercredi 27 Novembre 2013
Diadji Bâ va-t-il regretter d’avoir saisi la justice ? Le commandant de la douane a été victime d’un cambriolage à son domicile et ses bourreaux ont emporté un sac contenant plus de 150 millions de F Cfa. Mais le Parquet de Dakar s’interroge sur la licéité de cet argent et a saisi hier le Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Au même moment, la hiérarchie douanière a ouvert une enquête administrative et promet des mesures conservatoires contre le gabelou. C’est une affaire peu ordinaire puisque des noms de célébrités comme Waly Seck reviennent dans cette affaire rocambolesque. Enquête sur un hold-up aux relents d’une affaire de «voleur volé».
C’est un cambriolage hollywoodien dont est victime un haut responsable de la douane, le commandant Diadji Bâ. Mais une victime qui, au fait, est aussi dans cette affaire, un «présumé coupable» dans ce qui ressemble bien à un film. Pour avoir gardé un sac qualifié de «suspect» contenant plus de 150 millions de F Cfa en liasse chez lui. Une série à plusieurs séquences et des personnages peu ordinaires. Un douanier avec son «sac de riz», mais argenté par liasses dans des sachets. Un peu la façon de garder l’argent des bana-bana. Des policiers qui retrouvent le butin à millions des assaillants de Diadji Bâ. Sans compter. Un ou des présumés «complices» ? Une star-née qui fait les choux gras du monde du show-biz. Il s’appelle Waly Seck. Une autre, dit-on, un «homme de la jet-set» sénégalaise, friand des «bonnes choses», estampillé, autoproclamé Crésus. Les policiers ne mettent pas ce dernier en cause. Et viennent les acteurs de cette nuit de cambriolage d’un groupe de jeunes dont un «ami» au fils de Thione Seck.
Des «bouchers» recrutés
L’affaire s’est passée la veille de la Tabaski, «à quelques jours seulement», précisent des sources bien au fait du dossier. Cette nuit-là, l’«ami» de Waly Seck, Massamba Sall alias Mass visite le domicile du douanier qui se trouve être le numéro 2 de Dakar Pétrole, un des bureaux de douane. Simultanément, au moins trois nervis, «des bouchers, raconte-t-on, recrutés pour l’opération se sont pointés dans la maison où il n’y avait que des femmes». Ces dernières sont prises de panique alors qu’au même moment, Mass et Cie dévalisaient le bureau de M. Bâ, aménagé dans la maison. Résultat : un «gros sac de centaines de millions». Des sources judiciaires revoient le pactole à la baisse et parlent de «plus de 150 millions de F Cfa». Dans tous les cas, le véhicule stationné non loin du domicile a convoyé de l’argent… lourd.
Cette somme sera partagée entre les assaillants qui ne se sont pas souciés de l’exactitude du montant. Le coup a réussi et l’essentiel, c’est que chacun prenne sa part. Mass «s’est gonflé les poches» et peut se «gonfler». Il en profitera pour envoyer sa copine au Maroc pour la «noce», en attendant le coup de filet. Après quelques jours chez Mohamed VI, le «couple» rentre à Dakar. Commence alors l’enquête sur plainte du douanier. Les limiers de la Sureté urbaine descendent chez Waly Seck en premier, puis chez le «Crésus» - auditionné aussi, selon certains - que la police n’associe pas à l’affaire. Ils cuisineront le jeune chanteur qui nie tout, mais bizarrement collabore avec ses interlocuteurs pour faciliter l’arrestation de Mass. «Waly Seck appelle son ami pour l’informer - d’autres disent pour lui rappeler - de leur voyage aux Etats-Unis», confie-t-on. Mass a reçu un appel d’urgence que la famille n’a pu comprendre puisqu’il rapplique tout de suite sans dire au revoir. «Mais boy, je n’attends que toi. On doit décoller dans quelques heures. N’oublie pas ton passeport», lui aurait dit Waly Seck. D’aucuns font un rapport entre ce «voyage programmé» du jeune musicien avec l’accouchement de son épouse. Arrivé chez Waly, Mass trouve des policiers. Comme pris au dépourvu, il rejoint l’«idole des jeunes filles», ignorant que ce dernier était avec les enquêteurs prêts à l’arrêter. Une fois sur les lieux, il s’aperçoit qu’on lui a «tendu un piège». Pris de peur, Mass, détaille-t-on, «dissimule son passeport quelque part pour ne pas être confondu». Il est désormais entre les mains de la Sûreté urbaine.
«Waly Seck a remboursé»
Waly Seck est donc relâché. Mais pourquoi ? Il revient en tout cas de sources policières et judiciaires que le jeune chanteur a reçu «une somme conséquente» provenant de ce cambriolage. Aucune précision cependant, même si l’approximation est plafonnée à 15 millions de F Cfa. Les cambrioleurs l’avaient inscrit dans le lot des «commanditaires», mais à la Sureté urbaine, l’on affirme seulement qu’il «a remboursé la somme». Mass aurait lors de son audition lavé Waly Seck et bizarrement, ajoute-t-on, «pour payer seul le prix du forfait».
Yves et son sac dans les toilettes
Yves, le grand frère de Mass, n’aurait pas participé à la commission du forfait. Mais il aura été «briefé» après coup. Et du coup, les sachets de liasses d’argent l’ont séduit. Il veut jouer aussi sa partition. Il a pris lui aussi un sachet dont le montant n’est pas précis. Mais lui jure qu’il avait «entre 25 et 45 millions» de F Cfa. Il quitte sa maison à Rufisque et s’installe non loin de là. «Sur la route de Rufisque en tout cas», témoigne-t-on. Dans cette maison, il y trouve un parent qui l’héberge, mais ne lui dira jamais pour combien de temps et pourquoi. Yves n’a que son sachet à millions qu’il veut cacher loin des yeux. Il choisit les toilettes. Son hôte découvre le sac, mais ne dit rien. A-t-il aussi pris sa part ? Dans tous les cas, craignant d’être mêlé à cette affaire, l’homme saisit quelques proches et leur explique. Il suffira quelques jours aux enquêteurs pour retrouver Yves et son sac précieux. Les policiers débarquent en civil et le trouvent seul. Commence un petit dialogue. Les policiers : «C’est vous Yves ?» Yves : «Oui, c’est moi.» Les policiers : «Alors, où est le sac ?» Yves : «De quoi vous parler ? Quel sac ?» Les policiers : «Où est l’argent alors ?» Yves : «Mais quel argent ? Je n’ai rien. Moi avec de l’argent !» Les policiers : «Ah bon, on verra.» C’est le début d’un semblant de perquisition puisqu’ils avaient déjà été informés du lieu où il a mis le sac. Quelques minutes après, ils mettront la main sur la moisson avant de revenir lui jeter le magot à la figure. «Et ça, ce n’est pas un sac ? Ce n’est pas de l’argent ?», lui demandent-ils. Un long silence qui en dit long sur les «regrets» de Yves qui ne va pas en profiter comme son frère Mass qui était en villégiature au Maroc. L’un des policiers sort quelques liasses et s’arrête. «Ok, c’est bon, c’est 8 millions», évalue-t-il. «C’est près de 4 fois plus de ce qu’ils ont déclaré», jure Yves, selon ses proches. Et c’est ce qu’ils auraient signalé au commissariat. Il est arrêté une semaine avant son aîné, Mass.
Le fils et le neveu du commandant Bâ dans le coup ?
Un tel forfait, à pareil moment où seules des femmes sont dans la maison, et à un tel endroit du bureau de Diadji Bâ ne pouvait être commis sans complicité. Et du côté des assaillants, ce seraient des proches du douanier. Son fils est cité dans l’opération et aurait été entendu, puis libéré, et aussi son neveu. Les enquêteurs sont pourtant formels, de même que le père, victime du cambriolage que des proches de Diadji Bâ n’en font pas partie. «C’est le douanier qui, après s’être rendu compte que le fils y avait joué un rôle important - parce que tous les deux sont aussi des ‘’amis’’ de Waly Seck - qui a retiré sa plainte contre lui», soutient l’entourage de Mass. Cette information est inconnue des sources judiciaires qui «se limitent à ce que les officiers de police judiciaire ont écrit dans leur Pv». Et dans tous les cas, le père a le droit d’agir de la sorte puisque, dit-on, «c’est prévu dans le Code de procédure pénale que dans un tel cas, le père peut retirer sa plainte contre le fils». Voilà pourquoi les parents de celui qui est présenté comme «le neveu de Diadji Bâ» ne cacheraient pas leur colère. «Il a préféré son fils et sacrifié son neveu», accusent-ils.
La copine libère le copain
Dans cette affaire, il semblerait qu’il y a des non-dits. Les versions verbales sont nombreuses à l’enquête, mais ne figurent pas dans les informations du Parquet. Parmi les assaillants, il y a un autre qui a été arrêté, entendu aussi, puis libéré. Mais il a fallu, confie-t-on, «l’intervention de sa copine» qui se trouve être «la fille d’une personnalité très influente». Selon des confidences, elle a rendu visite à son copain qui était encore en garde à vue et lui a promis qu’il sera libre. Par quel moyen, pour quelqu’un qui aurait pris avec un autre de la bande 90 millions de F Cfa ? Il sera pourtant libéré.
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