Les langues commencent à se délier sur les conditions de la conquête du pouvoir de la coalition Benno Bokk Yaakar. A peine quelques jours après le «wax waxeet » du président Macky Sall, c’est un autre leader de la coalition au pouvoir qui est accusé d’avoir « abusé » les sénégalais.
L’intellectuel et militant Karfa Diallo explique, en effet les raisons de sa démission par un événement dont il aurait été le témoin impuissant.
On se rappelle les images retransmises pas les télévisions du monde entier d’un Youssou Ndour boitant et soutenant avoir été blessé lors d’une manifestation de l’opposition en février 2012.
« C’est exactement le 20 février 2012 que j’ai rejoint Dakar pour vérifier l’état de l’opinion et participer à la contestation du régime d’Abdoulaye Wade à qui les sénégalais ne voulaient accorder aucune forme de prolongation. Coordinateur depuis deux mois du mouvement de Youssou Ndour, que j’avais rencontré lors d’un film Retour à Gorée sur le jazz et l’esclavage en 2006, j’étais assez effaré du niveau d’engagement et d’organisation d’un mouvement politique qui était géré, aussi bien France qu’au Sénégal, par les organisateurs des concerts du chanteur. Pour vérifier que je n’avais pas vainement épuisé mon énergie et mes moyens et désireux d’en savoir plus, je débarquais à Dakar pour participer au mouvement de contestation…
C’est le mardi 21 février que je retrouve Youssou Ndour dans une des dernières manifestations de l’opposition. Interdits d’accès sur la place de l’indépendance, quelques leaders sénégalais faisaient le pied de grue sur l’avenue William Ponty, rebaptisée Pompidou il y a 30 ans mais dont le nom n’a toujours pas pris….
Outre Youssou Ndour, il y avait là, entre autres, Idrissa Seck, Mansour Sy Jamil, Cheikh Bamba Dièye, Ibrahima Fall. Tous juchés sur de rutilantes 4/4 entourés d’une centaine de jeunes protestant toujours contre une candidature d’Abdoulaye Wade validée par le conseil constitutionnel. Pendant que prudemment Macky Sall faisait campagne à l’intérieur du pays, un certain nombre de leaders continuaient d’opter pour un boycott des élections voire sur un sabotage qui rende le pays ingérable. Et c’est ce jour-là que Youssou Ndour gagne ses galons de leader et de « martyr » de la démocratie sénégalaise…
En première ligne, après sa candidature invalidée, le chanteur et son entourage vont abuser les sénégalais et le monde entier par une mise en scène calculée, cynique et vile…
Lorsque je le rejoins sur le toit de sa voiture, ce jour-là, je suis loin de penser aux développements médiatiques et politiques de cette énième manifestation qui avait fini de lasser les commerçants dakarois…
LA VIDEO
Quand les premières grenades lacrymogènes, annonciatrices de la dispersion de la foule, fusent, protégés par ses gardes du corps, nous nous engouffrâmes dans son véhicule avec Pape Sow (un de ses lieutenants d’alors) et détalâmes très vite pour emprunter la corniche ouest en direction des Almadies. Après l’avoir déposé à son domicile sur ses deux jambes, sain et sauf, nous avons terminé notre course aux studios de la TFM (qui était le quartier général de Fekke Maci Boolé)…
Le lendemain matin l’Attentat de William Ponty est dans tous les médias. Un communiqué de Yousssou Ndour est repris dans le monde entier par la voix de son conseiller en communication Charles Faye «Youssou N’dour a été blessé à la jambe gauche, il a été examiné par un médecin, mais il ne souhaite pas en faire une affaire d’Etat et nous ne commenterons pas plus cette information.».
Sollicité par les médias français, je restais d’abord sans voix devant l’ampleur de ce mensonge, avant de voir les calculs du chanteur triompher. Sans préciser le projectile reçu et revenant sur sa décision de ne «pas en faire une affaire d’Etat », Youssou Ndour accordera interviews et images aux télévisions du monde entier qui le montrent boitillant avec une canne. Les leaders sénégalais, de Macky Sall à Idrissa Seck, qui, jusque-là, l’ignoraient royalement, de se déplacer à son domicile et de rivaliser de déclarations d’amitié et de solidarité à l’égard d’un chanteur qui venait de rentrer dans la cour des « grands »….
Cette lâche supercherie, ce vulgaire montage, dans le but de gagner les faveurs d’une opinion publique dubitative sur la sincérité de son engagement, se voit ainsi récompensé par l’adhésion unanime de la classe politique sénégalaise prête à tout pour arriver au pouvoir… Si l’on voulait encourager les jeunes à user de tous les moyens pour arriver à leurs fins, on ne s’y prendrait pas autrement…
Cette culture politique n’étant pas une spécificité sénégalaise. On se rappelle l’Affaire de l’Observatoire qui a visé l’ancien président français Mitterand dans les années 60. Autre cieux et autre époque. Sous nos tropiques désolés, elle fait cependant plus de dégâts. La promotion systématique de la violence verbale et physique ayant entraîné une sorte de compétition de l’outrance et de l’excès qui a fabriqué des hommes politiques dont l’exemple est à terme nocif pour la jeunesse et qu’il urge de renvoyer à leurs premiers amours… » Extrait « Mémoires d’Alternances Inquiètes », Ed. L’Harmattan
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