Réduction du train de vie de l'Etat et rationalisation du pôle emploi: Macky doit se départir de son image de gaspilleur
Vendredi 27 Décembre 2013
Si Abdoulaye Wade a été élu président de la République en 2000, c’est grâce à ses promesses d’emplois à l’endroit d’une jeunesse désœuvrée sans emploi et sans formation la plupart du temps. Quand, dans un accès fiévreux de populisme, le candidat du Sopi lançait à ces jeunes ceci : « que ceux parmi vous qui n’ont pas travail, lèvent la main », ces jeunes, comme dans un réflexe pavlovien, pointaient collectivement leurs doigts vers le ciel. C’était le meilleur baromètre pour jauger l’acuité du chômage qui avait gagné les jeunes. La réponse à cette masse de sans-emplois désespérés, c’était de leur promettre une surabondance d’emplois. L’alternance étant survenue, le tout nouveau président s’employa à tenir ses promesses d’emplois à l’endroit de ces jeunes qu’insupportait le poids du chômage.
Et pour lutter contre ce chômage des jeunes, l’Agence nationale pour l’emploi des jeunes (Anej) fut créé en 2001 par le décret n°109-2001 du 07 février 2001. Sa mission essentielle était d’assister les jeunes à la recherche d'un emploi, d’une formation ou d’un conseil professionnel, d’accueillir les jeunes demandeurs d’emplois et les informer de leurs droits et obligations, de créer une banque de données recensant des idées de créations d'emplois et d’entreprises, d’assister les jeunes pour la création d’activités productives génératrices de revenus, d’intervenir par tous les moyens sur le marché du travail en vue de favoriser l’emploi des jeunes. Dans la même dynamique de création d’emplois, le Fonds national de promotion de la jeunesse (Fnpj), a été mis en place par le décret n° 284-2001 du 13 avril 2001. Il était placé sous la tutelle du ministère de la jeunesse. Cette agence ciblait les jeunes Sénégalais âgés de 18 à 35 ans afin de les aider à accéder au crédit et financer leurs projets sans devoir faire face aux obstacles bancaires classiques. Son plafond de financement de projet était fixé à 5 millions FCfa.
Dans sa volonté de lutter contre le chômage, l’Etat libéral a mis en place d’autres structures sensés favoriser la création d’emplois. Il s’agit de l’Agence nationale chargée de la promotion de l’investissement et des grands travaux (Apix) une structure autonome dont la création remonte à juillet 2000, de l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (Adepme) dont la mission est d’appuyer les micros, petites et moyennes entreprises en allant de la formation en gestion à la facilitation de l’accès aux services de conseils et au financement. A cela s’ajoute l’Agence nationale du plan de retour vers l’agriculture (Anreva) qui devait mettre en place des pôles d’émergence intégrés créateurs d’emplois pour les jeunes agriculteurs à travers le programme de la Grande offensive agricole pour la nourriture et de l’abondance (GOANA). L’Office pour l’emploi des jeunes de la banlieue (Ofejban), devenue l’Agence pour l’emploi des jeunes des banlieues (Ageb) sous le magistère du président Macky Sall est venue parachever cette palanquée d’agences et d’office promouvant l’emploi.
Pourtant, malgré cette pléthore de structures sensées créer des emplois, la courbe ascendante du chômage n’a pas été inversée par la politique ultralibérale mise en place par le président Abdoulaye Wade. La plupart de ces structures n’ont servi qu’à caser ou recaser une clientèle politique ou permettre à certains directeurs de s’enrichir illicitement. C’est ainsi que Benoît Sambou, ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Promotion des valeurs civiques, se plaignant des charges de fonctionnement exorbitantes de l’Anej et du Fnpj, déclarait : « Nous nous sommes rendu compte que le Fnpj, l’Anej et l’Ofejban ont plus servi à caser du personnel politique qu’à financer des projets. Pour la plupart, les budgets de ces structures servent plus à payer du personnel qu’à faire fonctionner des programmes. »
Des structures vaches laitières
Il faut aussi noter qu’une structure comme le Fnpj depuis Waly Fall, son premier administrateur en passant par Ibrahima Condetto Niang jusqu’à Abdoulaye Thimbo a toujours fonctionné à perte parce que n’ayant jamais atteint un taux de recouvrement de 3 %. Tous les administrateurs du Fnpj ont, sous le couvert du mensonge, maquillé les véritables sommes qui ont été recouvrées auprès des débiteurs créateurs d’emplois. Des politiciens libéraux laxistes ont protégé beaucoup de débiteurs qui ont refusé de payer parce qu’ils prêchent dans la même chapelle politique qu’eux. C’était devenu plus un instrument de propagande politique qu’une structure de résorption du chômage. Résultat : le Fnpj traîne un déficit de 5 milliards de francs impayés.
Pire, ils se sont enrichis soit en contractant des prêts (ce qui est interdit par la législation), soit en détournant des millions destinés à lutter contre le chômage. Sous Waly Fall, qui est aujourd’hui un des dirigeants du parti Rewmi, beaucoup d’agents du Fnpj ont contracté des prêts dépassant le plafond et qui, à ce jour, n’ont jamais été remboursés. Les mêmes exactions se sont poursuivies sous son successeur Ibrahima Condetto Niang. Finalement, ces structures ont été les vaches laitières du Pds qui s’en servait pour courtiser ou fidéliser une clientèle politique. L’Ofejban a été une véritable imposture politique pour faire la cour aux jeunes de la banlieue, véritable grenier électoral. L’aberration est qu’on ne peut pas créer une structure de création d’emplois pour une catégorie particulière de Sénégalais, à l’exception de tous les autres.
C’est faire preuve de discrimination entre les jeunes chômeurs d’un même pays qui éprouvent quotidiennement des difficultés pour trouver un emploi. Le seul objectif sous-jacent de cet office était de capter le maximum de jeunes à travers un miroir aux alouettes. Mais l’arnaque n’est pas passée et les jeunes des banlieues ont tourné massivement le dos à Abdoulaye Wade, lequel n’a pas réussi à matérialiser sa fameuse phrase électoraliste : « que ceux qui n’ont pas de travail lèvent les mains ! ». Ainsi jusqu’au moment où il perdait le pouvoir, jamais Abdoulaye Wade n’aura réussi juguler l’accroissement exponentiel du chômage. Et l’échec dans le domaine de la promotion de l’emploi a été une des principales causes qui lui ont fait perdre le pouvoir.
Conséquence : son successeur à la tête de l’Etat a fait de ladite question son cheval de bataille pour conquérir les suffrages des citoyens. La promesse de création de 500 mille emplois, bien qu’utopique, lui a fait gagner beaucoup de voix. Mais après presque deux ans de magistère, le président Macky Sall se heurte à la dure réalité de l’exercice du pouvoir. Même pas 20 000 emplois sur 300 mille (chiffre nouvellement indexé sur le mandat de cinq ans) promis. Les structures qui promeuvent l’emploi existent toujours mais ce qui manque, c’est une politique d’emploi bien pensée, rationalisée et coordonnée avec le secteur privé, principal pourvoyeur d’emplois. Le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) et le Fonds souverain des investissements stratégiques (Fonsis), créés pour favoriser l’emploi, n’ont pas encore connu un véritable envol.
Au cours du premier forum national sur la compétitivité de l’économie sénégalaise, Mabousso Thiam, directeur général de l’Adepme, avait déploré le trop-plein d’institutions doublons. Il déclarait que « ces doublons ont des conséquences et dupliquent les charges des ressources publiques. » Comme s’il avait balisé la voie au président de la République, ce dernier a décidé, lors du conseil présidentiel sur la Stratégie nationale de développement économique et social, de supprimer l’Anej, le Fnpj, l’Anama (Agence nationale pour les marchands ambulants) et l’Ageb pour rationaliser la politique d’emploi et, simultanément, réduire les charges de fonctionnement afférentes. Cette décision du chef de l’Etat est agréée par la quasi-totalité des Sénégalais qui ont toujours considéré cette pléthore d’agences comme des structures de propagande politicienne pour exploiter la désespérance des jeunes chômeurs exténués par la recherche constante d’emplois. Cela dit, il ne s’agira pas de faire avec la nouvelle grande agence d’emploi des jeunes un ersatz des structures supprimées mais un vrai instrument de lutte contre le chômage ambiant.
Macky ou l’image d’un distributeur automatique
Toutefois, certains signes de gabegie notés dans le comportement du chef de l’Etat jurent avec une volonté réelle de réduire le taux du chômage. En tournée aux Etats-Unis, en septembre 2013, le président avait alloué, dans le cadre du fonds d'aide à l’investissement des Sénégalais de l’extérieur (Faise), 240 millions aux femmes émigrées sénégalaises du pays de l’Oncle Sam. Au mois de novembre dernier, le président Macky Sall a offert 100 millions à ses militants en France avant d’en rajouter 80 millions de FCA lors de sa visite de décembre. Lors des conseils des ministres décentralisés tenus à Kolda et à Tamba, le généreux président a offert des dizaines de millions aux religieux qui ont fini par se donner en spectacle lors du partage.
Pour le projet Sénégal émergent (Pse) 2,5 milliards ont été octroyés par le président de la République à un cabinet international « Disso » qui, in fine, n’a pas pu produire un rapport de qualité. Lors de l’anniversaire de l’Apr, 700 millions ont été déboursés pour l’organisation. Tout cet argent dépensé dans des futilités aurait pu servir à financer des milliers de micro-projets. Tout cela pour dire quoi ? Que si le président de la République veut rompre avec l’image d’un Abdoulaye Wade distributeur automatique de billets de banque craquants neufs et promouvoir véritablement l’emploi des jeunes ou des femmes, son comportement de chef de l’Etat, initiateur d’une politique d’emploi, ne doit pas consister à distribuer des centaines de millions en veux-tu en voilà à des citoyens sénégalais sur la base de leur marquage politique. Mais plutôt d’utiliser ces sommes pour créer des petits projets générateurs d’emplois.
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