REVELATIONS: Les étranges raisons qui expliquent qu’hommes et femmes n'ont pas leurs boutons du même côté
Mardi 31 Mars 2015
Depuis des siècles, les hommes ont leurs boutons à droite et les femmes à gauche. Les théories sont multiples pour expliquer cette différence étonnante.
Dans les années 1960, le couturier Yves Saint Laurent bouleverse les codes de la mode en retravaillant les habits masculins pour les adapter aux femmes : le Smoking, la Saharienne ou le tailleur-pantalon font leur apparition, à la stupeur de conservateurs. Pourtant, il est un code que la mode peine à renverser et qu'Yves Saint Laurent n'a jamais osé remettre en question. Il est tellement subtile que beaucoup de femmes et (surtout) d'hommes n'y ont jamais fait attention. C'est le bouton. Ou plus exactement, le côté sur lequel les boutons sont placés sur une chemise.
Pour les hommes, c'est à droite. Pour les femmes, c’est à gauche.
Une règle séculaire qui est apprise par cœur par les apprentis couturiers et que peu ont cherché à remettre en question. "Peu de gens, même chez les professionnels de la couture, connaissent la raison pour laquelle le boutonnage se fait à droite pour les hommes et à gauche sur les vêtements pour les femmes" assure Pierre-Michel Bertrand dans son Nouveau dictionnaire des gauchers. "Et pour cause : il n'y a pas de raison. Ou plutôt, il n'y en a plus" car les motivations se sont un peu perdues dans l'histoire. "On fait généralement remonter cette pratique vestimentaire au 12e ou 13e siècle" nous explique Xavier Chaumette, historien de la mode et co-directeur de Mod'Art International Paris.
En fait, il faut tenter des théories plus ou moins fumeuses pour expliquer cette différence. Chez les hommes, celle qui revient régulièrement est que le chevalier du Moyen-âge portait son épée à gauche au niveau de sa ceinture, puisqu'il était, la plupart du temps, droitier. Si la chemise s'ouvrait vers la droite, l'homme risquait, en dégainant un peu vite, de bloquer le manche entre les boutons. Ce qui était préjudiciable pour sa vie et pour sa chemise. De la même façon, l'ouverture à gauche lui permettait d'y glisser sa main pour éviter qu'elle ne soit gelée ou engourdie par le froid, et lui faire ainsi garder toute sa réactivité en empoignant l'épée. Cela pourrait d'ailleurs être la raison pour laquelle beaucoup de nobles dont Napoléon, coinçaient la main dans le gilet, au 19e siècle. Là encore, cela reste une hypothèse car ce geste est tout aussi mystérieux que l'emplacement de nos boutons. Certains assurent simplement qu'il est plus facile de déboutonner une chemise de la main gauche en tenant l'arme de la droite. Mais l'opportunité de devoir faire les deux à la fois n'est pas forcément évidente. Chez les Juifs orthodoxes, le boutonnage se fait dans l'autre sens pour les hommes et les femmes. "Nos vêtements sont traditionnellement boutonnés droite sur la gauche parce que nous ne portons pas d'armes" explique le docteur Itshak Bloquer.
Pour les femmes, ça se complique un peu. La théorie la plus récente serait que les femmes de la Renaissance étaient si richement appareillées qu'elles devaient faire appel aux servantes pour mettre leurs différentes couches de vêtements. Et c'est donc le boutonnage à gauche qui était le plus pratique pour ces femmes de chambre. "A la cour, en voyage et à la guerre, les hommes s’habillaient généralement seuls" souligne Charles Panati. Seconde théorie : les bébés, partant du principe que les femmes préfèrent tenir le bébé de la main gauche, lorsqu'elles allaitent, pour garder la main droite libre. Les boutons à gauche sont ainsi plus simples à déboutonner. Une théorie un peu difficile à confirmer surtout que les femmes allaitent des deux seins. Troisième hypothèse, plutôt extravagante : les chevaux. En effet, à cause de leur robe, les femmes s'asseyaient en amazone derrière l'homme, côté droit, pour ne pas gêner cette fameuse épée, toujours prête à être dégainée. Pour éviter que le vent ne s'engouffre dans le chemisier, les boutons étaient à gauche.
Mais au-delà des légendes, il est possible que l'emplacement des boutons ait aussi une signification sociale. "L’histoire du bouton reste masculine à de rares exceptions près" explique la chercheuse Dina Pagano. "Jusqu’au XXe siècle on ne voit sur les vêtements féminins, que des fermetures à lacets qui permettent aux femmes de mettre en évidence les formes et de modeler le vêtement sur le corps même pendant la grossesse. L’homme choisit au contraire une fermeture pratique qui correspond à son statut social. Jusqu’à la moitié du XIXe siècle, seuls les hommes usent et abusent des boutons." Chez certains hommes, le bouton était justement preuve de l'infériorité des femmes. "Il était mal vu chez les femmes car, d'une certaine façon, il permettait de sortir trop rapidement des vêtements" renchérit Xavier Chaumette.
Mais dès la Révolution française, certaines femmes vont adopter la veste, vêtement typiquement masculin avec une volonté égalitariste. L'emplacement à gauche des boutons aurait ainsi pu être une façon de se démarquer des hommes, à l'aube des premiers mouvements féministes. Une légende raconte que Napoléon a ordonné cette couture différente pour éviter que les femmes ne se moquent de lui et de sa main dans le gilet. Par la suite, l'emplacement à gauche servira à différencier les vestes et le chemises, en fonction du genre. "Aujourd'hui, personne ne l'a jamais remis en cause" affirme Xavier Chaumette. "Cela fait presque partie de notre patrimoine génétique" ajoute-t-il. Et si la prochaine révolution vestimentaire venait des boutons ?
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Abdoul Aziz Diop
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