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Le procès criminel est le lieu où, derrière l’horreur du crime, on découvre la personnalité de celui ou de celle qui en est accusé. Par l’intérêt porté à son parcours de vie, à ses fractures et à ses fragilités, le procès peut et doit contribuer à éclairer les motivations d’un acte, à le comprendre. En cela, il permet souvent de dégager de l’homme ou de la femme assis dans le box, une image moins caricaturale, plus complexe que celle qui en était auparavant diffusée.
Dans le cas de Fabienne Kabou, c’est exactement l’inverse qui s’est produit. Et cela doit interroger chacun de ceux qui ont eu à traiter cette affaire. La personnalité hors norme de l’accusée, sa beauté et son intelligence, l’aveu immédiat qu’elle a fait de son crime et les mots avec lesquels elle l’a décrit, la gestuelle même de son acte – ce « dépôt » sans violence d’une enfant à la mer – en ont partiellement masqué la violence.
« On n’est pas habitué à voir des gens comme elle dans les geôles de garde à vue ou dans les prisons », avait reconnu le juge d’instruction Hervé Vlamynck lorsqu’il est venu témoigner à la barre de la cour d’assises à la demande de la défense. Fabienne Kabou a fasciné ceux qui l’approchaient : les enquêteurs, le juge d’instruction, son avocate, Me Fabienne Roy-Nansion, et au-delà d’eux, la presse qui, tout au long de l’instruction et avant le procès, a repris à son compte l’histoire de cette femme comme elle la racontait, elle.
Cassante et menteuse
Or, ce récit, tel qu’il était parvenu à la cour et aux jurés s’est brouillé dès les premières heures de l’audience. On attendait une femme noyée de solitude, abandonnée à ses tourments de mère sous le regard indifférent de son compagnon, on a vu apparaître une accusée cassante, autoritaire, affabulatrice et menteuse. En découvrant une autre réalité, et notamment ce compagnon, Michel Lafon, que l’on regardait au début de l’audience comme coupable moralement et qui s’est révélé tout le contraire du portrait qui en avait été dressé, chacun a pu avoir le sentiment d’avoir été trompé, trahi par l’accusée.
Dès lors, le point de vue de l’accusation qui, dès le départ, a cherché à faire apparaître Fabienne Kabou comme une manipulatrice, n’a pas eu de mal à s’insinuer dans l’esprit de la cour et des jurés. Les dépositions des psychiatres, les appelant à se défaire de leur jugement psychologique au profit d’un constat pathologique – substituer à la « menteuse invétérée » le cas clinique « historique » d’une malade victime de paranoïa délirante – ont moins pesé que l’effarement ressenti à la découverte de l’ampleur de ses mensonges, même si le verdict reconnaît à Fabienne Kabou la circonstance atténuante de l’altération de son discernement.
Par la sévérité de la peine prononcée contre elle, la cour et les jurés du Pas-de-Calais ont peut-être fait payer à Fabienne Kabou, cette part de faute de tous ceux, presse comprise, qui ont voulu voir l’accusée plus belle qu’elle n’était.
Altération du discernement
Fabienne Kabou encourait la réclusion criminelle à perpétuité. L’avocat général, Luc Frémiot, avait requis dix-huit ans de prison ferme, fustigeant « une planification froide » de son crime par l’accusée. Pour le représentant de l’accusation, qui s’était exprimé durant près de deux heures, Fabienne Kabou 39 ans est un cas « psychanalytique » et non pas « psychiatrique ». Autrement dit, l’accusée n’est pas folle, elle est responsable de son acte.
Selon l’article 122-1 du code pénal, lorsque l’altération du discernement est reconnue, la peine prononcée est réduite du tiers. Dans le cas de Fabienne Kabou, condamnée à 20 ans de réclusion criminelle, sa peine devrait donc être réduite de plus de six ans, soit ramenée à 13 ans de prison.
La Cour d’assises a également ordonné « un suivi psycho-judiciaire avec injonction de soins » de Fabienne Kabou, a ajouté sa présidente Claire Le Bonnois.
LEMONDE