Policiers, gendarmes, militaires et magistrats sénégalais à l'école du FBI: Comment réagir à un attentat!

Lundi 22 Février 2016

Les enquêteurs inspectent la carcasse de la voiture carbonisée, dont les deux occupants ont été tués par l'explosion d'une bombe. Lors d'une simulation au Sénégal et en Mauritanie, des instructeurs américains enseignent leurs techniques à leurs partenaires africains, en leur souhaitant de ne jamais avoir à s'en servir.


Les participants, policiers, gendarmes, militaires et magistrats sénégalais, ratissent méticuleusement la "scène de crime", point de départ de cet exercice de quatre jours débuté dans la base militaire de Thiès, à environ 70 km à l'est de Dakar.

Si les corps sont représentés par deux mannequins, la déflagration qui a arraché le toit de la Mercedes bleue n'a rien de fictif. C'est une charge d'1,5 kg d'explosif C4, précisent les formateurs du FBI, la police fédérale américaine.

"Il est 09H30, l'explosion s'est produite dans le coffre. Le témoin est un vendeur de rue, Saïd Mohamed", récapitule le chef d'équipe, un lieutenant de l'armée sénégalaise, après les premières constatations et l'interrogatoire d'un spécialiste des explosifs du FBI, qui joue le rôle d'un passant.

Un autre groupe sécurise les lieux et met en place un périmètre délimité par un ruban jaune, puis tamise les environs de l'explosion à la recherche de fragments, signalés par de petits fanions piqués dans le sol.

Pour la première fois cette année, les manoeuvres militaires annuelles Flintlock organisées en Afrique par les forces spéciales américaines avec une trentaine de pays comportent une dimension policière.

"Le scénario auquel les stagiaires sont confrontés est celui de deux individus, deux terroristes, qui ont franchi la frontière de Mauritanie au Sénégal, et la ceinture d'explosifs qu'ils transportaient s'est déclenchée prématurément", explique Victor Lloyd, agent spécial du FBI et attaché juridique à l'ambassade américaine, d'où il couvre 11 pays d'Afrique de l'Ouest.

"Un de nos buts dans cette formation est de leur enseigner comment réagir à un attentat terroriste, dont j'espère qu'il ne se produira jamais sur le territoire sénégalais, indique-t-il. C'est comme une assurance automobile: on en prend une en espérant ne jamais avoir à s'en servir".

- Remonter aux commanditaires -

En tee-shirt gris libellé "Wisconsin Engineering" et bob sur le crâne, le "témoin" indique attendre de ses élèves "qu'ils découvrent l'identité des deux terroristes et que c'est une ceinture d'explosifs qui s'est déclenchée accidentellement à l'arrière".

"S'ils fouillent bien les corps, ils trouveront des cartes d'identité", révèle-t-il avec un sourire, "l'un est mauritanien et l'autre sénégalais".

Au terme de ce premier volet de l'enquête, "nous avons trouvé des pistes sur l'endroit où ils ont acheté les composants des explosifs", affirme un des participants, un officier de gendarmerie sénégalais. "Il y avait aussi des adresses dans la région de Thiès".

Selon Billy Alfano, du Bureau d'assistance antiterroriste (ATA) du secrétariat d'Etat américain, qui a organisé cette simulation avec l'appui du FBI, "l'étape suivante est d'aller dans la cache présumée où se rendaient les deux terroristes, pour découvrir des suspects et du renseignement supplémentaires".

Après d'autres opérations visant un véhicule et des caches au Sénégal et en Mauritanie, "l'objectif final est d'arrêter et de mettre hors d'état de nuire une +cible de grande valeur+ qui a été identifiée dans la phase initiale de l'enquête", ajoute-t-il.

"Il faut récupérer les indices sur les lieux pour pouvoir remonter jusqu'aux responsables et éliminer la direction de ces organisations", souligne Victor Lloyd.

"Nous ne nous imaginons pas un seul instant que nous allons en deux semaines transformer les Sénégalais en spécialistes des explosifs", reconnaît l'agent du FBI, "mais nous voulons au moins les familiariser avec ça".

Parfois, l'entraînement dispensé à travers le continent trouve une application concrète plus tôt que prévu, confie un des instructeurs du FBI.

Quelques semaines après une mission au Kenya l'année dernière, il a dû y retourner en avril pour aider ses élèves, mobilisés après l'attaque contre l'Université de Garissa par les islamistes shebab, qui avait fait 148 morts, dont 142 étudiants.

Abdoul Aziz Diop