International

Plan de stabilité : Manuel Valls peut-il échouer ?


Lundi 28 Avril 2014

A la veille du vote du pacte de stabilité, la majorité tente toujours de convaincre les quelques députés qui risqueraient de faire capoter le plan de 50 milliards.


Autres articles

Manuel Valls a-t-il déposé un cierge lors de sa visite à Rome, dimanche 27 avril ? En tout cas hier, le Premier ministre s'est dit "confiant" sur le vote du pacte de stabilité, qui doit avoir lieu mardi 28 avril. Mais derrière l'optimisme affiché, de gros doutes persistent sur le nombre de voix socialistes qui pourraient manquer à l'appel.

Pour parer à toute mauvaise surprise, les tractations avec les "frondeurs", engagées en fin de semaine dernière, devraient se poursuivre jusqu'à ce soir. Manuel Valls a envoyé ce lundi midi une lettre aux parlementaires  de la majorité dans laquelle il promet des gestes significatifs pour faire baisser la pression des élus récalcitrants.

Et à 17 heures, le Bureau national du PS se réunira afin d'arrêter une "position solennelle", à laquelle les députés socialistes sont invités à se conformer. "Ceux qui ne sont pas solidaires avec la feuille de route commune  [...] devront clarifier leur position", prévient Eduardo Rihan-Cypel, député et porte-parole du PS. Autrement dit : un vote contre mardi sera perçu comme une attitude séparatiste.
Pommes de discordes et "annonces fortes"

Au cœur des revendications des députés, le tournant libéral opéré par le gouvernement, qui en viendrait à délaisser les faibles revenus au profit des entreprises. 

La lettre que Manuel Valls a adressé aux députés ce midi montre des concessions en ce sens. "Tous les retraités qui perçoivent jusqu'à 1.200 euros de pension (tous régimes confondus) ne [seront] pas concernés par le report d'un an de la revalorisation", a écrit le Premier ministre. Selon lui, "6,5 millions de personnes verront leur pouvoir d'achat intégralement préservé".

La "clause de revoyure" concernant le gel du point d'indice des fonctionnaires, annonce encore un peu floue lâchée jeudi dernier, a également été détaillée : 
Le gel du point d'indice des fonctionnaires fera l'objet d'un réexamen chaque année au regard de la croissance et des résultats du redressement de notre pays."

Quelques minutes avant la divulgation de cette lettre, Bruno Le Roux, à l'issue d'une réunion à Matignon, avait laissé entendre que le Premier ministre ferait une "succession d'annonces fortes" qui cibleraient les "petites retraites". Le député de Seine-Saint-Denis continue de s'interroger sur l'attitude de ses collègues frondeurs :
Je trouve étrange de pouvoir annoncer qu'on ne voterait pas [le programme de stabilité], avant même que les discussions et le dialogue aient été terminés avec le gouvernement."

Une attaque en règle en direction des députés qui, pour faire monter les enchères, ont déclaré ces derniers jours qu'ils ne voteraient pas le plan en l'état.
Suspens jusqu'au vote

Au cours de la Ve République, rarement des pourparlers aussi âpres ont été donnés à voir entre un exécutif et sa majorité. De méfiants, certains députés sont devenus clairement réfractaires à la politique  que compte menée le Premier ministre.

Depuis l'arrivée de Manuel Valls  à Matignon, le ton de leurs appels est allé crescendo. La demande de former un "Contrat de majorité " avec les députés, dimanche 6 avril, est devenue moins de dix jours plus tard unelettre lourdes d'avertissements, où était fustigée la "dangerosité" des orientations économiques de la France.

Nouveau pas franchi, vendredi, avec la tribune dans "Libération"  de Christian Paul, Laurence Dumont et Jean-Marc Germain, trois députés proche de Martine Aubry qui ont déclaré qu'ils ne voteront pas le pacte de stabilité mardi :
Une démocratie mature permet de construire une majorité, de la cimenter par un dialogue loyal et continu en son sein, et non par l’usage de l’article 49-3 [qui permet l'adoption d'un texte sans vote, NDLR] ou les menaces de dissolution."

Ils rejoignent ainsi Laurent Baumel, député d'Indre et Loire, et Pouria Amirshahi, député de la 9e circonscription des Français de l'étranger, qui ont également déclaré la semaine dernière qu'ils ne soutiendraient pas le texte  proposé par le gouvernement.

Henri Emmanuelli, député des Landes qui s'était abstenu lors du vote de confiance, a aussi multiplié les prises de position critiques sur les dessins du pacte : "Je ne comprends pas l'espèce de catéchisme que j'entends partout sur l'inquiétude des marchés financiers, sur la nécessité absolue de respecter les pourcentages de déficits" a déclaré l'ancien président de l'Assemblée nationale sur sur LCI et Radio Classique.
Une si courte majorité

Même si le vote n'est que "indicatif" (l'Assemblée ne rendra qu'un simple avis sur le programme de stabilité, qui partira ensuite pour la Commission européenne), la séance de mardi prend des airs 8-avril-bis.

Comme il y a 20 jours lors du discours de politique générale de Manuel Valls, les abstentions ne seront pas comptabilisées. C'est-à-dire que sur la totalité des 577 députés qui siègent à l'Assemblée, 288 voix contre seront nécessaires pour que le plan d'économies budgétaires soit retoqué. Avec 291 sièges, le groupe socialiste bénéficie d'une légère avance de deux voix pour obtenir la majorité absolue. Mais face aux nombreuses défections, l'issue du vote apparaît plus qu'incertaine.

Pour Jean-Jacques Urvoas, député fidèle à la ligne tracée par le gouvernement et président de la commission des Lois, les attitudes séparatistes ont assez duré, et les "frondeurs" doivent se ranger :
Il n'est pas imaginable qu'il manque des voix au Premier ministre demain, on ne peut pas lui scier les pattes. Où alors il faudra que ceux qui sont dans une logique de sécession aillent jusqu'au bout."

Il reste maintenant un peu moins de 24 heures à l'exécutif pour convaincre les élus frondeurs de rentrer dans le rang.
nouvelobservateur


Adama Cisse