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Photographié à son insu pendant une pause, l'agent de propreté Adama Cissé est licencié


Mercredi 15 Janvier 2020

 

Photographié à son insu pendant une pause, l'agent de propreté Adama Cissé est licencié

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Photographié à son insu pendant une pause, l'agent de propreté Adama Cissé est
 
 
 
Le cliché, pris dans une rue parisienne, a circulé sur Twitter. Renvoyé pour "faute grave", Adama Cissé attaque son ancien employeur Derichebourg aux prud'hommes de Créteil (Val-de-Marne).

 

On a bien cherché à joindre l'auteur de la photo, prise le 12 septembre 2018, dans une rue du cœur de Paris. En vain, pour le moment. Sur le cliché, pris par un riverain et posté ensuite sur le réseau social Twitter, on distingue un employé de propreté, identifiable à sa tenue verte et chasuble jaune, allongé sur le rebord d'une vitrine. Visiblement assoupi, il est pieds nus, ses chaussures de travail posées à côté de lui.

L'auteur de cette photo l'ignore sans doute, mais l'homme qu'il a ainsi immortalisé a perdu son emploi, quelques semaines plus tard. Adama Cissé, 37 ans, était salarié en CDI depuis 2011 dans le secteur de la propreté à Paris. Depuis 2015, il travaillait pour la société Polysotis, filiale du groupe Derichebourg, dont le siège est à Charenton-le-Pont.

Audience aux prud'hommes ce mardi

Licencié pour "faute grave", désormais en situation de précarité, cet habitant de Gagny a saisi les prud'hommes. L'audience se tiendra ce mardi, à Créteil (Val-de-Marne).

"C'était la pause, explique Adama Cissé. Je faisais la collecte des corbeilles [NDLR : les poubelles de rue], avec un chauffeur. Je me suis juste allongé pour me reposer. Le travail est difficile, on descend et on remonte dans le camion sans arrêt."

Mais l'image déplaît. La photo circule sur Twitter, accompagnée d'une légende acide : "Ce soir à 17h40 rue Jean-Lantier 75001 Paris… Voilà à quoi servent les impôts locaux des Parisiens à payer les agents de propreté à roupiller, on comprend pourquoi Paris est si dégueulasse."

 

 

C'est alors que débute, selon Joachim Scavello, l'avocat d'Adama Cissé, l'"effet domino", porté par l'écho amplificateur des réseaux sociaux. Sur Twitter, quelques internautes relaient le tweet, interpellent des élus…

Ce n'est pas une déferlante, mais les services de la ville de Paris, alertés, se tournent vers leur prestataire privé. La collectivité n'a pas demandé de sanction, assure une porte-parole. Selon nos informations, elle signale la photo, souligne les réactions négatives qu'elle suscite et s'enquiert auprès de Derichebourg Polysotis des suites qui seront données à cette affaire.

Licencié pour "faute grave"

La société réagit sans délai. Adama Cissé est convoqué le 14 septembre à un entretien préalable. Quelques jours plus tard, le 26 septembre, l'entreprise Derichebourg Environnement communique à son tour sur Twitter, pour annoncer que "la personne qui apparaît sur la photo fait l'objet d'une procédure disciplinaire."

Le 11 octobre, l'employé se voit notifier son licenciement, pour faute grave. "En effet, précise sa lettre de renvoi, […] durant votre vacation, vous avez été vu allongé sur le rebord d'une vitrine d'un commerce, et vous aviez quitté vos chaussures de sécurité. Cette attitude révélant votre volonté de vous assoupir durant votre service a fait l'objet d'une sévère réclamation de notre client."

"On a fini la tournée à l'heure"

L'employé est aussi accusé d'avoir dépassé son temps de pause - "environ 50 minutes, au lieu des 20 minutes de pause autorisées" - et de n'avoir pas fait sa tournée dans les temps.

Ce que conteste l'intéressé : "On était en avance, comme ça pouvait arriver avec certains chauffeurs. Le conducteur décide de faire la pause, et c'est lui qui décide quand on repart. Mais ensuite, on a fini la tournée à l'heure." Du reste, souligne Adama Cissé, son collègue n'a pas été sanctionné.

Certificat médical à l'appui, il précise qu'il a ôté ses chaussures en raison de douleurs persistantes à la cheville gauche, des suites d'une fracture mal consolidée.

"Le comportement doit être exemplaire", selon le règlement

"M. Cissé n'avait jamais eu le moindre avertissement avant cet incident, souligne Me Scavello. On sent bien qu'il y a eu un problème d'image de marque, et que cette affaire a été gérée sans prendre le recul nécessaire…"

La réaction était-elle proportionnée ? "Je n'ai jamais vu quelqu'un licencié pour ça ! Il existe des degrés dans la sanction, avant de renvoyer quelqu'un", réagit un syndicaliste du groupe Derichebourg.

"Le règlement intérieur stipule que le comportement doit être exemplaire sous peine de sanctions, rétorque une porte-parole. La filiale a estimé que ce comportement n'était conforme ni aux engagements du contrat de travail, ni au règlement intérieur."

Sous la pression de la dénonciation en photo

A l'heure où les smartphones permettent de capturer toutes les images du quotidien, ils créent aussi une pression nouvelle sur les employés de propreté parisiens. Fonctionnaires ou salariés du privé, tous sont à la merci d'un objectif qui passe.

"Des services reçoivent chaque jour des photos d'agents qui prennent leur café", raconte Samy, encadrant de proximité au sein des services de propreté, et animateur du compte Twitter "TSO de la propreté de Paris".

"Je suis contre ces méthodes, parce qu'on ne connaît jamais le contexte d'une image", poursuit-il, évoquant cet agent qui avait été photographié assis, au téléphone : "La photo avait été postée sur Facebook, pour dire qu'il ne faisait rien. En fait, il était en train d'apprendre la disparition de ses proches, dans une catastrophe aérienne."

Patrick Auffret, secrétaire du syndicat FO des agents de la Ville de Paris, pointe les dérives autour de l'application @DansMaRue, mise en place par la collectivité. "Nous avons toujours été contre cette appli. En principe, elle doit permettre aux riverains de photographier les problèmes de propreté. On se rend compte que certains Parisiens ciblent des agents. Quant aux employés du privé, ils n'ont pas de locaux pour se désaltérer ou prendre leur pause. Ce qui explique qu'on les voit au repos dans leur camion ou dans la rue. La ville ne fait rien pour améliorer leur situation."




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