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Opinion

«POUR L'HONNEUR DE LA GENDARMERIE»: LE COLONEL NDAW AUX ARRÊTS. ET APRÈS ? Par P.Mendy, Journaliste Consultant


Mercredi 20 Août 2014

Il y a quelques jours, certains médias sénégalais titraient : "Le Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw aux arrêts pour 30 jours". Officiellement, il est dit que cet arrêt qui frappe l'auteur du livre "Pour l'honneur de la Gendarmerie", entre dans le cadre normal de la procédure qu'impose la Justice militaire contre cet officier supérieur qui a osé fouler du pied le fameux devoir de réserve.

Tout Sénégalais soucieux des questions de Droits de l'homme ne peut s'empêcher d'inviter l'Etat à tout mettre en oeuvre pour que l'intégrité physique de Ndaw soit entièrement protégée. Nous ne doutons même pas que tel sera le cas. Le Colonel a senti le besoin de porter à la connaissance du peuple des informations à sa disposition, des faits qui le rongeaient à petit à feu. Il est loin d'être suicidaire. Il fallait qu'il sorte ce vécu qui l'étouffait. Il est du devoir des plus hautes autorités de l'Etat de saisir l'occasion de ce livre, de mettre en place une structure composée de diverses compétences neutres qui vont se pencher de très près sur des corps tels que la Police, la Gendarmerie, les Douanes, l'Armée,...

On ne peut pas nier qu'il pourrait se passer des choses pas orthodoxes dans ces corps. Le Commissaire de police de classe exceptionnelle Cheikhouna Keïta n'avait pas parlé pour le simple plaisir de parler.

Le Colonel Ndaw non plus. Ayons le courage de poser sur la table leurs dires, de les analyser en toute objectivité et de trouver des solutions idoines. L'impression largement partagée est qu'on cherche coûte que coûte à trouver des artifices pour condamner l'officier supérieur Ndaw, pour le diaboliser et essayer de minimiser la portée de ses dires, certaines n'hésitent pas à le traiter d'alcoolique. Quelle autorité a osé confier le poste d'attaché militaire à Rome à un alcoolique ?
D'autres n'hésitent pas à dire que ce livre est l'oeuvre d'un officier supérieur frustré qui veut régler des comptes personnels. Qui lit objectivement le livre du Colonel Ndaw peut remarquer qu'au-delà de ce qui paraît comme des règlements de comptes personnels, dans certains des dix huit chapitres, l'auteur pose des questions de fond, notamment les mutations de la gendarmerie et les réformes qui s'imposent.

Ne nous cachons pas derrière le "devoir de réserve" et autres pompeuses notions pour continuer à soustraire du contrôle de l'opinion publique, les Corps militaires et para-militaires et les Forces de Défense et de Sécurité. A l'heure des Technologies de l'Information et de la Communication, il est salutaire de revoir ces notions. Même le terme "Grande Muette" paraît déplacé actuellement. La transparence doit être de rigueur partout dans les sociétés qui se disent démocratiques. Pourquoi un Directeur général d'une Société nationale, soupçonné de mauvaise gestion doit-il faire la "Une" des journaux et pas un Colonel, un Général, un Amiral, ou un Magistrat sur qui pèse des accusations ?

Pourquoi un médecin qui commet une erreur dans l'exercice de ses fonctions peut-il également faire la "Une" des journaux et pas un officier ? Y-a-t-il des fonctions au-dessus des autres ? Le Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw mérite respect et considération. Il mérite également d'être protégé et de bénéficier de la solidarité de tous ceux qui sont épris de justice et d'équité. Nul besoin de l'isoler dans une cellule sans aucun droit de visite. S'il doit être jugé, faisons-le en toute objectivité.

Analysons toutes les injustices et humiliations qui l'auraient poussé à faire parler son coeur, et agissons pour que plus jamais pareilles situations ne se présentent. Il y va de la crédibilité de notre pays... Dans une contribution publiée récemment, Mamadou Diop, "premier officier sénégalais de la gendarmerie" écrivait : "(...). Tous les officiers supérieurs, sans exception, ont connu ou connaissent au cours de leur carrière, des frustrations ou injustices de toutes natures". Pour illustrer son propos, le Colonel Diop n'a pas hésité à citer quelques injustices dont il a été "personnellement victime". Un ami personnel du Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw confiait qu'il a versé des larmes quand il a vu les conditions dans lesquelles l'auteur de "Pour l'honneur de la gendarmerie" était obligé de vivre avec sa famille suite à sa mise à l'écart de tout commandement.

Comme il l'a mentionné dans son livre, le Colonel a toujours clamé son innocence. Il a adressé nombre de courriers aux plus hautes autorités du pays pour les inviter à se pencher sur les circonstances de sa mise au frigo qui "l'a jeté en pâture et qui a eu des répercussions sur la poursuite de sa carrière". En ce 21ème siècle, est-il acceptable de continuer à user du devoir de réserve pour imposer aux éléments de nos armées et de nos Forces de défense et de sécurité de subir en interne des injustices sans broncher ?

Répétons le : le livre du Colonel Ndaw est une occasion à saisir pour revoir la notion de droit de réserve. Le Sénégal dispose de compétences qui peuvent aider à juger objectivement le Colonel Ndaw et à réfléchir sur les réponses à apporter à des questions pertinentes qu'il a posées. Maître Mamadou Diop fait partie de ces compétences. En effet, Mamadou Diop a été major de la première promotion d'officiers de l'Armée, de la gendarmerie née après l'indépendance du Sénégal. Il est aussi Colonel de gendarmerie, Docteur en droit, ancien avocat général de la Cour suprême, ancien ministre, ancien député et maire, avocat. En plus, Me Mamadou Diop a publié récemment un ouvrage titré : "l'Institution militaire : dimensions humaine, technique et stratégique". Les conclusions d'une enquête qui blanchirait le général Fall et tant d'autres cités par le Colonel Ndaw, seraient acceptées par l'opinion publique nationale si et seulement si une telle enquête était menée par des messieurs et dames neutres, expérimentés, outillés et au-dessus de tout soupçon. La gendarmerie et la police nationales disposent de brillants enquêteurs, malheureusement, ils ne font pas l'affaire dans cette... affaire.

L'opinion publique en a assez des mesures de radiation qui frappent tout militaire, policier ou gendarme qui ose dénoncer à voix haute ce qu'il pense être les tares de l'un de ces corps. L'Etat a le devoir impérieux de s'attacher les services de personnalités neutres pour leur confier la mission de réfléchir aux réformes de nos Armées... Il y va de la crédibilité de notre pays et de nos Forces de défense et de sécurité.

P. MENDY Journaliste Consultant





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