POMME DE DISCORDE: Il faut croire que pour Abdou Diouf, l'heure est venue de régler des comptes et tresser des lauriers à ses inconditionnels, peu importe l'indélicatesse qui va avec
Mercredi 26 Novembre 2014
Avec les bonnes feuilles de ses mémoires, l'ex-président Abdou Diouf a délibérément lancé un gros pavé dans la mare. Beaucoup de politiciens, et notamment de proches amis et anciens collaborateurs, éclaboussés, sont pris de colère et n'ont désormais qu'un désir : à défaut de pouvoir laver leur honneur, démontrer que tout ceci est œuvre d'un vicelard rancunier.
L'homme nous avait habitué à une autre image d'une vie tranquille comme un cours d'eau, plutôt qu'à une humeur agressive de fauteur de trouble. J'entends par ci par là évoquer le devoir de mémoire pour justifier les énoncés de son livre. Je rétorque que les mémoires ne sont pas des journaux personnels où, par principe, tous les détails du quotidien y sont repris.
À l'inverse les mémoires impliquent nécessairement d'opérer des choix sur ce qui est à retenir et ce, par rapport aux objectifs que l'auteur s'est assigné. Elles ne sont pas non plus œuvres d'historiens, loin s'en faut, elles sont souvent soigneusement manipulées à l'effet de reluire l'image de l'auteur.
Par conséquent devant la surprise causée par les mémoires d'Abdou Diouf et surtout le tollé soulevé dès la parution des bonnes feuilles, il est important de comprendre, et donc de rechercher derrière ce qu'il raconte, les réelles motivations de révélations surprenantes sans rapport avec le profil comportemental qui lui est unanimement connu.
Pourquoi quelqu'un qui s'est construit une culture appréciable de grand homme d'Etat, au fil d'une carrière de soixante ans, choisit-il au terme de sa vie professionnelle de verser gratuitement dans la turpitude ?
Qu'est-ce qui a bien pu motiver un homme, qui de toute sa vie a su faire preuve d'un peu trop de retenue, réputé d'une courtoisie à la limite de la révérence, à se rabaisser à révéler les détails de conversations qu'il aurait eues, sous le sceau du secret, avec des hommes d'Etat qui ne sont plus de ce bas monde ?
L'expression "homme d'Etat" renvoie moins aux fonctions régaliennes d'un homme politique qu'à ses capacités d'incarner un personnage d'État au dessus des contingences partisanes, imbu d'une vie vertueuse avec pour seul souci l'intérêt commun.
Abdou Diouf, en choisissant, à l'heure de tirer sa révérence, d'éclabousser d'éminents hommes politiques qui ont autant que lui droit aux attributs d'homme d'État, sous le prétexte de publication de ses mémoires, ne remet-il pas en cause ses propres mérites ? Tout laisse penser que si.
Le doute sur son sens moral et sa maturité est soudainement devenu de bon aloi. La classe, la dignité et la noblesse, avec lesquelles un leader gagne l'estime et la confiance de tout un peuple qui le porte conséquemment à sa tête et lui permet d'accéder à ses intimes secrets, ne sont pas des valeurs sujettes à prescription à la fin de son mandat. Alors se vouer au terme de sa mission à un comportement antipodal est, dans nos mœurs, un procédé pour le moins malpropre.
Ce choix ne peut être dicté par des raisons objectives de servir le peuple ou un de ses composants dont les us sont contraires au procédé utilisé. Il faut croire que pour Diouf, l'heure est venue de régler des comptes et tresser des lauriers à ses inconditionnels, peu importe l'indélicatesse qui va avec.
Les défunts Senghor et Mamadou Dia étaient de grands hommes d'États, qui pour notre nation demeurent encore les références en la matière, grâce à leur charisme. Après cette bourde d'Abdou Diouf, qui de surcroît persiste et signe en nous apprenant qu'il aurait tu encore tellement de choses, ils détiendront encore longtemps cette palme d'hommes de valeurs, pour avoir su préserver notre patrimoine culturel de choses futiles.
En quoi nous raconter que Senghor, lui si distant de la vie politique sénégalaise après son retrait du pouvoir, aurait dit telle chose en secret sur Jean Collin ou que "Maodo" connu pour être devenu très spirituel depuis sa sortie de prison, aurait dit telle autre chose sur le président Diawara, peut-ils, plus de trente ans après, nous avancer ? À défaut, pour quel motif les immortaliser ? De quelle coutume se prévaut Abdou Diouf, ex-président de la République, pour potiner aux dépens de ses respectables ainés, qui de surcroit ne sont plus de ce monde ? Est-ce cela la marque de reconnaissance posthume réservée à son mentor Senghor, qui lui a tout donné ? Où sont passés sa réserve et sa courtoisie d'antan ?
L'homme est encore lucide, il ne peut pas avoir perdu ses repères, il est peut être motivé par cette peur existentielle de l'homme, d'être oublié. Ce qui lui apparait de l'ordre du possible quand il se compare à ses hommes d'État charismatiques.
De grâce Monsieur le Président, considérant ce titre qui vous est définitivement acquis, consolidez votre personnage d'homme d'État plutôt que de semer la discorde. Ne vous fourvoyez pas. Excusez-vous auprès de ceux que vous avez offensé. Retirez s'il le faut de vos mémoires ce qui dérange parce que le pire que vous pouvez nous faire c'est d'avoir à polluer notre espace médiatique, pour prouver ce que vous racontez, ou encore nous imposer des procédures judiciaires divertissantes.
Toute existence est remplie de hasards heureux et malheureux, d'imprévues utiles ou futiles, de catastrophes inexplicables souvent inoubliables que l'existant doit classer. Un choix s'impose selon le personnage et le reste doit entrer dans le chapitre de faits divers. Pour tous les faits divers de nos vies il appartient à des artistes comiques comme Koutia d'en faire une œuvre d'art et nous les vendre à travers les médias. Une sorte de recyclage de nos ordures psychologiques très utile au besoin de divertissement de la société.
Aujourd'hui qu'un autre ex-président nonagénaire, séditieux et encombrant, incite le peuple à l'insurrection depuis la place de l'Obélisque, nous avons besoin de voir en face en son pair, un homme plein de retenue et de bienséance pour ne pas avoir à y perdre l'équilibre de notre société.
Lorsqu'on a eu dans sa vie le privilège d'être parmi moins d'une dizaine de personnes à avoir présidé aux destinées d'une douzaine de millions d'âmes, la meilleure chose à faire est de rendre grâce à Dieu et remercier le peuple qui vous a élu. Peut-on accéder à cette station de sagesse sans savoir faire bonne place à ses successeurs et s'effacer humblement ? Certes non ! Celui qui s'attend à tout avoir conformément à ce qu'il a voulu, tel qu'il l'a imaginé, ne remerciera jamais son Créateur.
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