PELERINAGE A LA MECQUE 2014 : La misère des pèlerins sénégalais
Les premiers pèlerins sénégalais convoyés par des privés ont commencé à rentrer au pays de la «Téranga» depuis vendredi à 1h 30 du matin. Ces musulmans qui sont prêts à affronter toutes les rigueurs du pèlerinage à La Mecque, sont revenus fatigués, affamés et très remontés contre la restauration, confiée exclusivement à la famille Bourkhane.
C’est depuis le lundi dernier que le pèlerinage à La Mecque, un des cinq piliers de l’Islam, a pris fin, avec le dernier acte : lapidation de Satan. Un sacrifice qui met également fin aux quatre nuits à passer dans la zone de Mina. Où les pèlerins s’étaient donné rendez-vous après avoir ramassé des pierres à Mousdalifa sur le chemin du retour du Mont Arafat. Et après une escale de quelques heures, les pèlerins ont repris le chemin pour la première lapidation de Satan.
L’instant mortel pour les personnes âgées
C’est clair ! Le pèlerinage proprement dit, ne commence qu’à la station Arafat. A preuve, d’après les enseignements du prophète (Psl), celui qui rate la station Arafat verra son Hadji suspendu. Mais c’est également le moment où les maladies non décelées lors des visites médicales font leur apparition. Parce qu’il s’agit d’une étape où la force physique est nécessaire pour ne pas être laissé en rade par ses compagnons. Le pèlerin risque de regagner La Mecque à pied à partir de Mina en passant par Jamarat (25 kilomètres) avant de faire le Tawaaf et retourner immédiatement à Mina. Ce jour-là, personne ne doit passer la nuit à La Mecque. Et ceux qui n’auront pas la chance d’avoir un bus doivent obligatoirement marcher, de Mina en passant par Jamarat, jusqu’à la gare routière de La Mecque, soit 14 kilomètres. Plusieurs pèlerins sont ainsi tombés malades en cours de route à cause de la fatigue. Une des pèlerines du voyagiste privé «Firmament» a eu droit à une chaise roulante à son arrivée à La Mecque. La vieille dame, qui a marché de Mina à la gare routière de La Mecque, s’est retrouvée avec les pieds enflés. Une autre femme a piqué une crise diabétique sur le chemin menant à Jamrat. Elle a été évacuée immédiatement par le service d’urgence. Une fois au centre hospitalier, les médecins ont fait savoir à Oustaz Babacar Niang de «Firmament» que la dame avait faim. «On va lui administrer des perfusions pour lui redonner un peu de force», confie la blouse blanche. Ce que confirme même la malade. «Je n’ai pas mangé depuis Arafat», dit-elle. Une autre pèlerine, épuisée par la fatigue et la faim, est aussi tombée malade en cours de route. Il y a eu aussi beaucoup de personnes qui se sont égarées, des personnes âgées, en général, laissées en rade par leur agence de voyage. Ce qui fait dire que le pèlerinage doit s’accomplir lorsqu’on est en pleine possession de ses moyens physiques.
Des pèlerins tenaillés par la faim
La restauration, pour cette édition, est une catastrophe. Et les pèlerins sénégalais qui ont commencé à rentrer depuis vendredi avec le premier vol des voyagistes privés, ont le ventre creux. La famille Bourkhane, chargée de l’hébergement des pèlerins africains depuis 1902 et de ceux du Sénégal depuis les années 1960, est passée à côté de sa mission cette année. Les pèlerins sénégalais étaient affamés à cause des mauvais plats servis au déjeuner et au dîner. A preuve, pour le déjeuner, si ce n’est pas du «tiébou naar» (riz blanc sec et une aile de poulet très maigre), on vous sert du riz de couleur jaunâtre, amer, avec un morceau de viande de la taille d’une brochette. Devant cette situation, certaines agences étaient obligées d’aller acheter des plats au fast-food pour leurs pèlerins. Pis, pour le dîner, c’est de la friture de pomme de terre et une cuisse de poulet très maigre. Et les repas sont parfois servis très tardivement.
Devant cette situation, certains pèlerins étaient abonnés au fast-food, d’autres se ruaient vers les plats servis gratuitement par des bonnes volontés dans la rue. Toutefois, Abdulwahid Bourkhane Saifaddin, petit fils de Bourkhane et président de la structure en charge des pèlerins africains (The Est of Mutawifs for Pilgrims from african non Arab countries) que nous avons pu rencontrer, reconnaît les manquements sur la restauration. «Je suis au courant de la mauvaise qualité de la restauration. C’est cette année que nous avons commencé à prendre en charge la restauration des pèlerins sénégalais. Et avec la première expérience, nous avons des difficultés avec les goûts des uns et des autres. Mais l’année prochaine, nous allons impliquer des femmes sénégalaises pour que l’on puisse préparer des plats sénégalais de qualité et en quantité», explique le petit-fils de Bourkhane. Ce dernier en a également profité pour rappeler les bonnes relations qu’entretenaient son grand-père Bourkhane et les autorités sénégalaises. Ce qui lui avait valu la Médaille du Lion, remise par le Président Senghor. Mieux, il nous a montré des photos de visites de Bourkhane au Sénégal et la liste des 16 pèlerins sénégalais en 1916.
La commission vivement critiquée
Les voyagistes privés sont loin d’être contents du travail de la commission nationale en charge du pèlerinage. Ils ne comprennent pas les raisons pour lesquelles la préparation des repas est autorisée pour les autres pays comme la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Mali… et pas pour les femmes sénégalaises. Ils dénoncent également les tracasseries que les femmes commerçantes rencontrent dans les stands des Sénégalais. Si l’on sait que la police saoudienne n’hésite pas à s’emparer de leurs marchandises. Des questions auxquelles le commissaire adjoint au pèlerinage, Bamar Ndiaye, allait être interpellé lors d’une visite de courtoisie, n’eût été un empêchement de dernière minute, suite à des querelles dans son entourage. En fait, lorsque l’un des reporters de la Rfm a voulu l’interroger sur certains faits, un des membres de la commission a dit : «Non non, nous ne sommes pas venus pour ça. On n’a rien à dire à ces menteurs». Un autre membre de la commission lui porte la contradiction : «Ne dis pas cela, c’est l’occasion de répondre à certaines questions». Aussitôt après, la dispute démarre. Dépassé par la tournure des évènements, Bamar Ndiaye menace d’interrompre la visite : «Si vous persistez comme ça, je vais interrompre la tournée». Bizarrement, quand certains privés faisaient des critiques à Bamar Ndiaye, des membres de sa délégation riaient sous cape. Ce qui révèle le manque réel de solidarité dans la commission. L’Etat doit aussi revoir la sélection des membres de la commission, qui doivent être relativement jeunes. Car, on ne doit pas choisir des personnes plus faibles que les pèlerins qu’ils doivent guider et encadrer. Le copinage doit être banni.
Un retard de 7 heures pour Sénégal Airlines
Le premier vol des privés effectué par Malaysia Airbus a accusé jeudi dernier sur le tarmac de l’aéroport international King Abdoul Aziz de Djeddah, un retard de 7 heures avant de prendre les airs. Obligeant ainsi les pèlerins qui étaient sur les lieux depuis 9 heures du matin, à errer dans la zone aéroportuaire. Le vol qui était prévu à 14 heures, n’a décollé qu’à 20H53 (heure d’Arabie Saoudite) avant d’arriver à Dakar à 1h30. En tout cas, les autorités saoudiennes, qui n’avaient mis que deux policiers pour le contrôle des 300 passagers, ont une part de responsabilité dans ce retard. Si l’on sait que pour éviter des retards, Sénégal Airlines, procède à l’enregistrement des bagages la veille du départ des pèlerins. Mais cette stratégie n’a pas empêché l’abandon de plusieurs bagages des pèlerins à Djeddah.