-
Émeutes au Royaume-Uni: la communauté musulmane sous tension, les mosquées protégées
-
Israël condamne une experte de l'ONU comparant Hitler et NetanyahuIsraël condamne une experte de l'ONU comparant Hitler et NetanyahuIsraël condamne une experte de l'ONU comparant Hitler et Netanyahu
-
Les figures démocrates saluent la décision de Joe Biden, les républicains appellent à sa démission
-
Affaire 1xbet : Le verdict est tombé pour Samuel Eto’o
-
Manifestations au Kenya: le président Ruto annonce le retrait du projet de budget
Le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) a annoncé mardi 22 avril dans la soirée à l'AFP la mort de l'otage français Gilberto Rodriguez-Leal, enlevé en novembre 2012 dans l'ouest du Mali par ce même groupe djihadiste. Qui étaient les ravisseurs ? Pourquoi les négociations n'ont pas abouti ? Interview de Mathieu Guidère, professeur d'islamologie à l'université de Toulouse.
Quelques heures après la libération des quatre otages français enlevés en Syrie, le gouvernement français faisait part de son inquiétude sur le sort de Gilberto Rodriguez-Leal. Pouvait-on s'attendre à ce dénouement ?
- Le Mujao, comme la quasi-totalité des groupes djihadistes, y compris ceux qui avaient pris en otage les journalistes français en Syrie, choisit toujours des dates symboliques pour les libérations. En l'occurrence, un peu partout des otages ont été libérés à l'occasion de la fête de Pâques. Ainsi, il y a trois jours, le Mujao a libéré cinq employés humanitaires du CICR (Comité international de la Croix Rouge). On s'attendait donc à ce qu'il libère Gilberto Rodriguez-Leal dans la foulée. Or, cette libération n'est pas venue, et Paris a conclu qu'il y avait eu un problème. Mais depuis au moins trois mois, les intermédiaires du Mujao n'ont plus donné de preuves de vie. Signe peut-être que l'otage français était mort "par accident". On est dans une situation à peu près analogue à celle de Michel Germaneau.
Gilberto Rodriguez-Leal a-t-il toujours été aux mains du Mujao ?
- Il a été pris par le Mujao en novembre 2012 et il est resté entre ses mains. Il a sans doute changé de section car le Mujao est composé de quatre brigades, dont une a d'ailleurs fait défection. Cependant, il faut préciser qu'il y a six mois, le Mujao a fusionné avec le groupe de Mokhtar Belmokhtar, "Les enturbannés", tous deux dissidents d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et ont formé un groupe beaucoup plus important qu'Aqmi : al-Mourabitoun (les Almoravides), du nom d'une dynastie berbère qui a régné au XIème et XIIème siècle sur l'intégralité du Maghreb qu'elle avait unifié.
Aujourd'hui le Mujao n'existe plus. C'est à ce moment là que Gilberto Rodriguez-Leal est peut-être passé dans d'autres mains. Mais si on veut être précis, on peut dire qu'il était l'otage de al-Mourabitoun, autrement dit de Mokhtar Belmokhtar.
Le Mujao s'est fait une spécialité des enlèvements d'otages… Comment s'est-il construit ?
- Le Mujao est un groupe dissident d'AQMI qui va se créer en novembre 2011. A l'époque son futur fondateur et chef, le mauritanien Hamada Ould Mohamed Kheirou, ne s'entendait pas avec le chef d'AQMI, l'Algérien Abdelmalek Droukdel, sur la stratégie à mener au nord du Mali. C'est un différend qui va être mis par écrit et qui sera révélé plus tard. J'ai moi-même expertisé les lettres retrouvées à Tombouctou, après la déroute des djihadistes, faisant état de leurs divergences. Ils n'étaient pas d'accord sur l'établissement d'un Etat islamique au nord du Mali et sur l'imposition de la charia qu'Aqmi ne souhaitait pas faire dans l'immédiat. Face à ce différend idéologique et opérationnel, Hamada Ould Mohamed Kheirou, qui était pourtant l'un des lieutenants les plus importants d'AQMI, va faire sécession et créer le Mujao.
Ce groupe va immédiatement se faire une spécialité des attaques contre les Algériens et se spécialiser dans les enlèvements d'otages. Il va enlever des Espagnols à Tindouf, des humanitaires notamment, puis des diplomates algériens, dont l'un sera exécuté, il va fomenter l'attentat-suicide de Tamanrasset contre les forces algériennes, et remportera la bataille de Gao contre le MNLA (Mouvement national pour la libération de l'Azawad) lorsque le nord du Mali sera pris par les islamistes en 2012. Il fera de Gao son centre opérationnel et son centre de commandement.
Après l'intervention française, Paris va le cibler particulièrement, après avoir fait d'Abou Zeïd qui détenait à l'époque la quasi-totalité des otages français, leur ennemi numéro un. Le Mujao va subir des coups très durs et perdra la moitié de ses hommes. Il comptait entre 500 et 700 combattants, ils ne sont plus que 200 ou 300. Cette déroute va amener les chefs à se tourner vers Mokhtar Belmoktar, après la mort d'Abou Zeïd, pour unifier leurs forces autour de al-Mourabitoun. On doit au nouveau groupe des actions d'envergure comme la prise de complexe d'In Amenas en Algérie, les attentats-suicides d'Arlit, au Niger. Ce sont eux qui mènent l'essentiel des actions contre l'armée française au nord du Mali jusqu'à aujourd'hui.
La plupart de ses membres se sont enfuis vers le sud libyen et s'y sont réfugiés mais reviennent régulièrement dans le nord du Mali pour y faire des incursions, des accrochages… Aujourd'hui ils sont dans une phase de reconquête du nord du Mali, puisque la France a diminué le nombre de ses soldats, mais ils restent faibles.
Quel est le rôle de Mokhtar Belmokhtar dans la captivité de Gilberto Rodriguez-Leal ?
- Il est fort probable qu'une fois les deux groupes unifiés, Mokhtar Belmokhtar a eu la responsabilité de cet otage, et des autres. C'est un homme qui négocie la plupart du temps car il veut tirer profit de ses otages, il n'est pas du genre à les exécuter. C'est pour cette raison qu'il est très peu probable que Gilberto Rodriguez Real ait été tué.
Les négociations ont été longues avant l'annonce de sa mort. Quels ont été les obstacles ?
- Contrairement aux autres otages, les négociations avec le Mujao puis al-Mourabitoun ont été, en effet, particulièrement difficiles parce qu'au même moment l'armée française n'a jamais cessé de mener des opérations dures contre les groupes djihadistes. C'est très difficile de négocier et en même temps de faire la guerre. En raison de la volonté d'éradication de l'armée française, les négociateurs ou les intermédiaires n'ont pas pu aller jusqu'au bout des contacts car les combattants djihadistes ont eu peur d'être neutralisés.
nouvelobservateur