Politique

ME EL HADJI DIOUF, AVOCAT DE L’ANCIEN CONSEILLER DU PRESIDENT WADE : «Thierno Ousmane Sy est victime d’une procédure illégale. Ses avocats américains et moi allons saisir les organisations internationales»


Vendredi 13 Juillet 2012

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Me El Hadji Diouf est un avocat dépité par le traitement qui est réservé à son client, Thierno Ousmane Sy, ancien conseiller du Président Wade. Me Diouf prévient que, si la procédure n’est pas légale, son client ne va plus répondre aux questions des enquêteurs.

Votre client, Thierno Ousmane Sy, a été entendu, avant-hier, durant cinq heures, par le Substitut du procureur de la République. Etiez-vous informé de cette audition ?

Oui, mon client m’avait informé qu’il avait reçu une convocation du Parquet. J’avoue que j’étais très étonné, car je n’ai jamais vu cette procédure où il n’y a aucune règle de droit.

Il a été entendu dans le cadre de quelle procédure ?

D’aucune procédure normale. Il a été entendu dans le cadre d’un espionnage. On n’était pas dans une procédure de détournement de deniers publics, ni dans une procédure d’enrichissement illicite. Donc, c’est une procédure bizarre qui viole, à tous points de vue, les droits de l’Homme. Quand même, mon client a tenu à y aller, par respect, à la justice, mais ce qui s’est passé est extrêmement grave. On est en plein dans l’illégalité la plus totale. Thierno Ousmane Sy ne sait pas ce qui lui est reproché, bien au contraire, on était en train de l’espionner.

Sur quoi l’audition a-t-elle portée essentiellement ?

On lui demande de répertorier son patrimoine. Les gens sont allés jusqu’à convoquer sa femme pour savoir l’étendue de leurs biens. On veut savoir ce qu’il a. Dans quel pays sommes-nous ?

Dans le cadre d’une procédure d’enrichissement illicite, on demande à la personne de prouver l’origine licite de son patrimoine, mais on ne peut pas dire à une personne : « Dites tout ce que vous avez ». Comment peut-on faire une enquête sur un patrimoine qu’on ignore complètement ? C’est du n’importe quoi.

L’enquête avait commencé à la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane, mais le dossier n’est pas encore transmis au Parquet. Comment votre client s’est-il retrouvé entre les mains du substitut du Procureur ?

Mon client ne peut pas être déféré au Parquet parce qu’il n’est pas poursuivi à la gendarmerie. En matière d’enrichissement illicite, le Parquet n’est pas compétent. Il y a une juridiction spéciale et une procédure spéciale à suivre. Cette juridiction est, d’ailleurs, en train d’être installée.

Donc, le Procureur ne peut pas entendre votre client sur cette procédure ?

Il ne peut pas le faire. Même la Brigade de recherches ne peut même pas l’entendre, car elle n’a pas d’éléments sur lui. Et même si les enquêteurs devraient l’entendre, ils seraient saisis par le Président de la Cour ou par un juge d’instruction. Encore une fois, il y a une main politique derrière tout cela et nous ne l’accepterons pas. Vous avez vu qu’on a convoqué son épouse (Sokhna Oumy Mbaye) alors qu’elle n’a jamais travaillé pour l’Etat. Pourtant, tout le monde sait qu’aussi bien lui que son épouse, leurs parents sont des milliardaires connus. Le père de Thierno Ousmane Sy, Cheikh Tidiane Sy, était homme de confiance et proche collaborateur des Présidents Mobutu et Sani Abasha. Son épouse est la fille du milliardaire Djily Mbaye.

Ce couple a hérité de quelque chose et avait des biens bien avant l’Alternance de 2000. C’est une humiliation que de convoquer son épouse. C’est une terreur judiciaire qui est installée dans la maison de Thierno Ousmane Sy. Ce n’est pas bien. C’est de l’acharnement. On lui a prêté des rôles qu’il n’a jamais eus chez le Président Wade. Son travail se limitait à gérer des dossiers techniques qu’on lui confiait.

Qu’allez-vous faire pour mettre fin à cet acharnement ?

Nous prenons d’abord à témoin la communauté internationale et les différentes organisations de droits de l’Homme sur cette situation catastrophique qu’un pays comme le Sénégal ne doit pas se permettre d’instaurer. Des correspondances, dans ce sens, sont en train d’être préparées par le Cabinet américain Mc Keen And Long et moi qui devrons nous charger de cette affaire. Il n’est pas exclu de poursuivre ceux-là qui s’acharnent sur M. Sy et violent ses droits. On est en train de confectionner un dossier et le moment venu, nous aviserons.

Votre client a avoué être titulaire d’une nationalité américaine. Avez-vous saisi les autorités diplomatiques américaines basées à Dakar ?

Le Cabinet d’avocats américains et moi-même sommes en train de travailler sur le dossier. On va voir si les droits de notre client seront à nouveau violés ou pas. En tout cas, nous n’accepterons plus la violation de ses droits. Nous sommes en train de nous concerter pour explorer toutes les voies de recours que la loi nous offre. Et aucune piste n’est exclue, pour le moment.

Je pense qu’il faut mettre fin à cet espionnage et couper la main qui actionne la justice. Je pense que nous avons une bonne justice qui est très compétente. Nous pensons aussi que cette tentative de manipulation de la justice échappe au chef de l’Etat. Nous sommes convaincus que Macky Sall n’est pas informé. Le connaissant, il ne peut pas entrer dans ces détails qui peuvent lui coûter très cher.

Il est réfléchi et posé, mais pris en étau par un groupe de terroristes. Son rôle, c’est de poursuivre les «détourneurs», les voleurs…, mais pas ceux qui travaillent comme Thierno Ousmane Sy. On l’avait appelé auprès du Président Abdoulaye Wade pour ses compétences. Me Wade a gagné le prix Nobel des Nouvelles technologies grâce à Thierno Ousmane Sy. Déjà dans les années 90, il était dans le business avec Boeing 727.

Est-ce que votre client est prêt à déférer à une autre convocation ?

Si la convocation est régulière et légale, il ira répondre. Mais, si les questions ne relèvent d’aucune procédure, sinon de l’espionnage pur et simple, il ne répondra plus à ces questions, même s’il va déférer. Un citoyen qui est convoqué doit aller répondre. Mais lui ne répondra plus à une convocation pour donner des renseignements sur sa vie. Notre client a été très courtois, très disponible, il a coopéré. Mais, il n’aurait même pas dû parler.
 

Source : L’Observateur


Momy Niang