Sport

Luc Estienne, coach de Bombardier: «Ama Baldé parti pour bousculer la hierarchie»


Mercredi 13 Avril 2016

Son compagnonnage avec Bombardier dure depuis six ans. Novice dans la lutte avec frappe, Luc Estienne a dû se documenter, suivre des films pour mieux cerner notre sport national. Dans cette interview qu’il avait accordée à l’équipe de Sunu Lamb lors de son séjour au Sénégal il y a quelques semaines, le spécialiste de la boxe thaï est revenu sur ses relations étroites avec le Roi des arènes, liste les 5 lutteurs qui l’on marqué. Il n’a pas oublié de jeter un regard sur l’affiche Modou Lô/Gris Bordeaux. Entretien avec SUNU LAMB


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Qu’est-ce qui explique votre présence au Sénégal ?

C’est toujours un plaisir de venir sous le soleil. Au Sénégal, il fait bon vivre. 

Depuis combien d’années vous coachez Bombardier ?

Je connais Bombardier depuis 2010. C’est après son combat contre Tapha Tine que je suis devenu officiellement son coach en 2012.

Par rapport à votre travail, est-ce que vous êtes rémunéré ?

Non, pas du tout. C’est du bénévolat. Entre Bombardier et moi, une histoire de sous ne nous lie pas. C’est de l’amitié. Il est venu vers moi pour demander mon expertise et voilà. Je ne sais pas pourquoi il est venu vers moi. Notre rencontre est un pur hasard. En 2010, il m’avait trouvé sur la plage en France. Tout naturellement, le courant est passé. Apres discussion, il m’a demandé de l’accompagner. Au début, j’avoue que ce n’était pas facile car je ne connaissais rien de la lutte. J’ai fait des erreurs mais, au fil des temps, j’ai appris. Ce sont eux, les membres de son staff, qui m’ont aidé à mieux comprendre cette forme de lutte. Et en tant que sportif, j’ai appris tout naturellement avec Mbaye Boye, son coach, Général Diouf, Santang…. Arrivé en France, j’ai continué à apprendre. J’ai lu des livres, regardé des documentaires sur la lutte avec frappe au Sénégal. Je me suis documenté pour mieux cerner cette forme de lutte.

Quelle est votre véritable profession ?

J’ai une profession en France. J’ai un métier. Je fais de la boxe thaïlandaise. C’est pour le plaisir. En France, on ne vit pas d’entraînement. Tu peux être entraîneur tout en ayant un métier.

À votre avis, qu’est-ce qui explique que Bombardier ait du mal à parer les coups de ses adversaires ?

Je ne suis pas sûr qu’il peine à parer les coups. Bombardier a une masse musculaire qui fait qu’il ne peut pas être aussi rapide que Tapha Tine, Modou Lô… Il ne peut pas parer les coups de ses adversaires aussi vite. Donc, il est normal qu’il en reçoive. Plus un lutteur a des muscles, plus il a des pectoraux, moins notre boxe est rapide. On ne travaille que cela avec Bombardier, à savoir la rapidité et la mobilité. Il reçoit des coups certes mais c’est un bon encaisseur. Il n’a jamais été battu par KO mais plutôt par décision médicale.

À trois mois de la fin de la saison, votre poulain peine toujours à décrocher un combat. En tant que Roi des arènes, qu’est-ce qui  explique cela ?

C’est dommage pour toute la lutte sénégalaise. Pas que pour lui. Si les promoteurs ne se battent pas pour lui trouver un combat, il y a problèmes dans l’arène. 

Certains observateurs pensent que son combat contre Eumeu serait l’affiche idéale…

Si les observateurs le disent, ils ont leurs raisons. Eumeu Sène / Bombardier serait un combat explosif. Ils sont deux lutteurs qui ont la rage de vaincre. 

Êtes-vous prêt à vous installer au Sénégal pour intégrer  définitivement le staff de l’écurie Mbour ?

J’aimerais bien. C’est un rêve. 

Pourquoi Eumeu Sène et non Yékini qui l’a battu à trois reprises comme le souhaite plusieurs amateurs ?

Vous savez, chaque lutteur trace son plan de carrière. Peut-être que Bombardier pense que son combat contre Yékini n’est pas à l’ordre du jour. Je ne peux pas avancer sur le choix des adversaires de Bombardier. Je gère plutôt le volet technique. Le reste est du ressort de son staff basé à Dakar. 

Quels sont, selon vous, les cinq meilleurs lutteurs du Sénégal ?

Je citerais Moustapha Guèye, le 2ème Tigre de Fass, Yékini, Modou Lô, Bombardier et Tyson.

Et Ama Baldé ?

Ama Baldé est un espoir certes, mais c’est un champion. Il faut qu’il grandisse encore car le chemin est encore long. Il a de l’avenir s’il est bien suivi. Il est parti pour bousculer la hiérarchie dans l’arène. Il a les atouts physiques pour s’imposer dans l’arène. La lutte avec frappe est un sport de haut niveau où il y a le business. Donc, si les promoteurs lui donnent sa chance, il sera un champion. Il en a le potentiel.

Vous connaissez Yékini ?

Bien sûr mais pas en tant qu’ami. C’est un lutteur que je suis à travers ses combats. C’est un des meilleurs que j’ai eu à voir. Il est très intelligent. Il lutte avec sa tête. Et cela a été fatal à Bombardier qui a eu à le croiser à trois reprises. Yékini a utilisé les erreurs de Bombardier pour le battre. Lorsqu’il entre dans l’arène, il sait ce qu’il doit faire. Et à mon avis Bombardier a pris conscience de cela. Aujourd’hui, Bombardier lutte avec sa tête.

Vous qui suivez la lutte sénégalaise, pensez-vous que ce sera facile qu’un lutteur fasse mieux que Yékini, à savoir rester 15 ans sans défaite ?

Ce ne sera pas facile de battre le record de Yékini. Mais il faut noter que souvent les ténors ont un seul combat par saison. 15 ans sans défaite, oui. Mais ce n’est pas aussi beaucoup de combats qu’il a eu à faire.

Que pouvez-vous nous dire de Modou Lô ?

Modou Lô est un bon lutteur. Mais le problème, c’est sa taille et son poids. Au fil de sa carrière, le poids aura son importance. Techniquement, Modou Lô est le meilleur que j’ai vu.

Partagez-vous l’avis de certains techniciens qui estiment que Modou Lô aura des difficultés face aux lourds ?

A mon avis, oui. Modou Lô aura souvent des difficultés avec les poids lourds. Mais tout dépendra de quels poids lourds.

Et contre Gris Bordeaux, Modou Lô a-t-il des chances ?

Modou Lô est capable de battre Gris Bordeaux s’il adopte la même stratégie que contre Bombardier. La lutte sénégalaise va très vite. Sur une action rapide, tu peux  déstabiliser ton adversaire surtout si ce dernier te prend à la légère.


Abdoul Aziz Diop