Opinion
Libres propos: Pauvre Wade! Par Madiambal Diagne
Lundi 28 Avril 2014
Jean XXIII et Jean-Paul II ont été béatifiés, le week-end dernier, en présence d’une grande foule de fidèles venus témoigner de leur attachement à leur personne mais aussi, pour magnifier leurs bonnes œuvres éternelles. C’était à Rome. A Dakar, une foule, aussi enthousiaste, a accueilli un pape d’un autre type, le «Pape du Sopi», Abdoulaye Wade, rentré d’un long séjour à l’étranger. La comparaison s’arrête à ce niveau, car la sagesse est ce qui manque le plus au «Pape du Sopi».
Abdoulaye Wade a réussi une bonne mobilisation des militants. Ce n’est pas une surprise pour un leader politique qui a quitté le pouvoir il y a juste deux ans de cela, avec quelque 35% des voix des électeurs. Ces électeurs, ajoutés aux nombreux curieux, ont permis un grand accueil qui a été longtemps préparé et rien n’a été négligé pour lui donner un cachet populaire.
Il faudrait savoir raison garder car Abdoulaye Wade avait habitué son monde à mobiliser des foules bien plus importantes que celles rassemblées sur son parcours de la nuit du vendredi à samedi dernier. D’ailleurs, les responsables de son parti avaient lancé le défi de rassembler autant de monde que lors du retour triomphal de Abdoulaye Wade à Dakar en 1999, après un long séjour à l’étranger, ou celui des foules immenses au rond-point du Jet d’Eau ou de la place de l’Obélisque durant les années de braise du Sopi.
Vu sous cet angle, cette dernière mobilisation n’aura pas été une grande réussite. Mieux, lors de ses meetings électoraux en 2012, Abdoulaye Wade réunissait bien plus de monde. Pour autant, il avait essuyé un cinglant revers face à Macky Sall, élu à 65%.
C’est dire que les foules vues ne sont pas encore annonciatrices de vagues grosses d’un tsunami et Abdoulaye Wade semble surestimer ses forces, s’il considère, à l’aune de ce seul rassemblement, pouvoir imposer un rapport de forces qui pourrait «déstabiliser» le régime de Macky Sall.
Il faut aussi dire que les déclarations de Abdoulaye Wade devraient susciter une certaine frustration ou même une douche froide chez des responsables politiques qui se sont beaucoup investis pour l‘accueil. Abdoulaye Wade n’a d’yeux que pour son fils Karim et il ne se gêne pas pour le cracher à la figure de ses partisans.
Pour Abdoulaye Wade, de tous les leaders politiques au Sénégal, seul son fils Karim est capable d’aller à un second tour électoral contre Macky Sall. Il en veut pour preuves, des sondages réalisés par personne et nulle part, Abdoulaye Wade peut vendre du vent sur des sondages fictifs car il est assuré que la presse va en faire ses choux gras sans aucun recul, sans aucune objection.
Le tour est joué. Pendant ce temps, Idrissa Seck, Pape Diop, Souleymane Ndéné Ndiaye, Oumar Sarr entre autres, peuvent se convaincre qu’ils comptent pour moins que rien dans l‘estime de Abdoulaye Wade. Un autre pied de nez à ses souteneurs ? Abdoulaye Wade dit une conviction : «Le Pds éprouve des difficultés, car il n’existe pas encore un responsable capable de fédérer les différentes sensibilités.» Il faudrait alors sortir Karim Wade de prison pour trouver ce leader.
En effet, «Karim serait un bon candidat pour 2017». Le motif du retour de Abdoulaye Wade au Sénégal est devenu clair. Sortir Karim Wade de prison.
Pour ce faire, il espère exercer une forte pression sur Macky Sall pour l’amener à accepter d’en discuter avec lui. Oui, Abdoulaye Wade a toujours fait peu de cas de l’indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs. Selon lui, le voudrait-il que Macky Sall aurait donné des instructions aux magistrats de libérer Karim Wade.
En effet, Abdoulaye Wade pouvait faire emprisonner Idrissa Seck et le libérer quand cela lui chantait, comme il pouvait ordonner aux magistrats de ne pas poursuivre les coupables de prévarication de ressources publiques ou de ne toucher à aucun cheveu des agresseurs de Talla Sylla ou des pyromanes et autres casseurs des locaux d’organes de presse.
Abdoulaye Wade dit lui même qu’il voudrait amener Macky Sall à discuter du sort de Karim Wade. «Quand je faisais de la sorte, Abdou Diouf m’appelait et on discutait», dit-il.
Abdoulaye Wade peut s’estimer heureux de n’être pas jeté en prison comme tous les pauvres gens, comme Bara Sady, Ndongo Diao et autres personnes qu’il a lui même manipulés pour vider les caisses de l’Etat et qui, dans leur solitude, peuvent considérer avoir été de parfaits imbéciles.
Rien que le pillage des ressources de l’Etat dans le cadre de la gestion du Fesman, devrait envoyer Abdoulaye Wade et sa fille Sindiély en prison.
Personne n’a oublié ces mauvaises pratiques de la gouvernance de Wade. En d’autres termes, si les Sénégalais devaient se mettre avec Abdoulaye Wade pour déstabiliser le régime de Macky Sall, c’est certainement parce qu’ils ne sont pas que nostalgiques mais manquent totalement de repères.
En effet, si Idrissa Seck, qui n’a épargné aucune injure à l’endroit de Abdoulaye Wade, peut se permettre de rallier Dakar et de chauffer la place pour ce dernier ! Si Pape Diop, que Abdoulaye Wade a accusé d’avoir sacrifié des albinos, peut ravaler ses rancœurs pour appeler à se mobiliser pour accueillir Abdoulaye Wade !
Si Talla Sylla, en dépit des coups de marteaux et des insanités échangées avec Abdoulaye Wade, peut se joindre à un appel de ce dernier !
On concéderait néanmoins à Abdoulaye Wade l’art de la manipulation politique. Il a su «vendre» son retour à Dakar et a cherché à frapper les esprits. La première astuce aura été de descendre à Dakar à bord d’un jet privé.
Depuis son départ du Sénégal après sa défaite en 2012, Abdoulaye Wade n’a cessé de voyager à travers le monde à bord de vols commerciaux. Ainsi, avait-il été dans le Golfe arabe à plusieurs reprises et dans de nombreux pays africains.
Mais pour débarquer à Dakar, il fallait qu’il nous en donne plein la vue avec un jet privé, au prix de se montrer ridicule. Abdoulaye Wade a quitté l’aéroport de Paris-Orly à bord d’un vol commercial de la Royal Air Maroc. Il avait été assisté par les services de l’ambassade du Sénégal à Paris.
A Casablanca, il a préféré chercher un avion privé pour faire la moitié restante du voyage. A l’étape marocaine, toutes sortes de manipulations et de subterfuges ont été utilisés pour donner du piment à l’arrivée à Dakar. C’est une bonne stratégie pour faire prendre la mayonnaise, de tenir les foules en haleine et susciter de l‘intérêt pour l’événement de son retour.
Comble de ridicule, il boude le salon d’honneur à l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Pourtant, il ne boude ni les voitures, ni le personnel, encore moins le salaire et les autres avantages que Macky Sall a taillés pour lui, afin de lui donner le standing de vie d’un ancien chef d’Etat français.
Sacré Wade !
Pauvre Wade
LEQUOTIDIEN
Abdoul Aziz Diop
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