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Jean-Christophe Rufin ''pas étonné'' des poursuites judiciaires contre Karim Wade


Jeudi 18 Avril 2013

L’ancien ambassadeur de la France au Sénégal, Jean-Christophe Rufin, a dit jeudi qu'il n’était pas étonné des procédures judiciaires visant l'ancien ministre Karim Wade.


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"Les rapports avec la famille Wade ont toujours été délicats durant mon séjour. C’est une vieille histoire (…). Je ne suis pas donc étonné qu’on débouche sur la procédure actuelle" visant Karim Wade dans le cadre de la traque des biens présumés mal acquis par des proches de l'ex-président sénégalais Abdoulaye Wade, a dit M. Rufin sur RFI.
 
Lundi, Karim Wade a été cueilli à son domicile, puis conduit à la Section de recherches de la Gendarmerie, à Dakar. Peu avant son arrestation, ses avocats ont remis aux autorités judiciaires des dossiers censés indiquer la provenance de son patrimoine évalué à 694 milliards de francs CFA par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI).
 
Parlant de la procédure judiciaire, l’ancien ambassadeur de France estime qu’"il faut la respecter". "Elle se passe au Sénégal. Il faut la respecter, de la même manière que si elle se passait en France (…). Il y a au Sénégal un système judiciaire tout à fait capable de faire la lumière là-dessus", a-t-il affirmé.
 
Au Sénégal, a ajouté Jean-Christophe Rufin, "tout le monde savait que Karim Wade, à la faveur d’activités multiples qui étaient quand même liées à la politique, quand il est arrivé aux responsabilités, n’avait pas de fortune particulière".
 
"C’est un [homme] jeune, qui avait travaillé à Londres dans un cabinet financier. Donc, ses activités lui avaient rapporté beaucoup d’argent", a dit M. Rufin, ambassadeur de France au Sénégal d'août 2007 à juin 2010.
 
Sans pouvoir "dire le montant" de la fortune de Karim Wade, il se montre "pas surpris" des poursuites judiciaires lancées contre le fils d'Abdoulaye Wade et ancien ministre d'Etat nommé au gouvernement par ce dernier.
 
"L’une des raisons des difficultés que j’ai pu avoir avec la famille Wade, c’est que, précisément, il y avait déjà à ce moment-là des manœuvres pour éviter que Karim Wade ne soit interrogé pour rendre des comptes", s'est rappelé le diplomate français.
 
"A l’époque, il y avait surtout son activité à l’ANOCI (Agence nationale pour l'Organisation de la conférence islamique). Il avait brassé beaucoup d’argent de façon un tout petit peu mystérieuse", s'est-il souvenu, parlant de Wade-fils.
 
Selon M. Rufin, le président Abdoulaye Wade s'était opposé à une convocation de son fils, alors ministre d'Etat, devant l’Assemblée nationale, où il était appelé à rendre compte de sa gestion de l'ANOCI. Cette structure dirigée par Karim Wade - avant sa nomination dans le gouvernement - avait géré plusieurs milliards de francs CFA en provenance de pays du Golfe, pour la tenue du 11ème sommet de l'OCI, en mars 2008 à Dakar.
 
"Le Sénégal a une longue tradition démocratique. Les Sénégalais sont habitués à choisir leurs dirigeants par le vote (...)", a par ailleurs souligné Jean-Christophe Rufin.
 
"J’ai toujours dit que nous Français n’avions pas à prendre partie, et surtout pas pour Karim Wade. S’il avait été élu démocratiquement, nous devrions nous ranger au suffrage exprimé. S’il n’y arrivait pas, ce n’était pas à nous de le pousser", a-t-il commenté.
 
M. Rufin a ajouté : "A l’époque, toute l’activité du président Wade, ce qui a d’ailleurs entraîné sa chute à mon avis, consistait à vouloir entrer dans un autre processus qui n’était pas démocratique, un processus de dévolution monarchique du pouvoir vers son fils. Et çà, je m’y suis totalement opposé."
 
La France, a-t-il estimé, "n’a pas été finalement complice" avec le projet de "dévolution monarchique" d'Abdoulaye Wade. "Finalement, non. L’activité d’un certain nombre d’entre nous, à commencer par moi, a montré que ça aurait été une très grave erreur", a-t-il dit, ajoutant que "pendant l’élection présidentielle de 2012, la France s’est abstenue de peser dans un sens ou dans un autre (…)".
 
"Mais, la tentation a existé pendant un certain moment du côté des autorités françaises, des plus hautes autorités à l’époque, essentiellement du président de la République, de montrer des signes qui auraient pu laisser entendre que Karim Wade était le candidat de la France. Finalement, ça n’a pas été le cas et tant mieux", a encore commenté M. Rufin.
 
Karim Wade a été inculpé, mercredi, et placé sous mandat de dépôt pour enrichissement illicite par le procureur spécial près la CREI, qui évalue ses biens à 694 milliards de francs CFA.

La Rédaction