Politique

Invité de la rédaction:Ibrahima Fall, candidat à la présidentielle : «Rien n’empêche Bennoo de me proposer comme candidat»


Mardi 29 Novembre 2011

Le candidat Ibrahima Fall considéré comme l’un des outsiders de la présidentielle de 2012 pourrait bien brouiller tous les pronostics. L’homme y croit et estime être en mesure de relever de défi.C’est pourquoi il se dit ouvert à toutes les alliances.Et même s’il n’est pas membre de Bennoo Siggil Senegaal, il se dit prêt à porter cette candidature de l’unité et du rassemblement au moment où un blocage est constaté.D’ailleurs il révèle avoir déjà été approché par le comité de facilitation de Bennoo chargé de désigner cet oiseau rare.Quant à Wade, Ibrahima Fall soupçonne qu’il est en train de préparer une situation où peut naître une double crise comme en Côte d’Ivoire et au Niger.


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Wal fadjri: Qu’est-ce qui a poussé Ibrahima Fall à se lancer dans une aventure qui va lui coûter au bas mot 65 millions de francs ? Ibrahima Fall : Cela coûtera beaucoup plus, mais puisque vous m’interrogez sur mes motivations, je vais vous en donner trois. Premièrement, la situation critique du pays avec beaucoup d’inconnus surtout beaucoup de préoccupations et en toile de fond des risques. Deuxièmement, un ensemble d’espoirs qui se sont focalisés sur ma personne de gens qui, depuis plusieurs années, ont souhaité me voir participer à cet exercice. Et troisièmement, une volonté personnelle de vouloir apporter ma contribution. Si tant est que ces espoirs sont fondés, j’ai la capacité pour relever le défi.
A vous entendre, on a l’impression que ce sont des amis ou un groupe d’intellectuels qui vous ont poussé à se présenter à la présidentielle.
Je serais plus nuancé. Je dirais qu’il y a à la fois cet appel venant d’un groupe très élargi de citoyens comme je peux m’en rendre compte chaque jour, y compris dans mes tournées dans le terrain. Il y a ça incontestablement, mais il y a aussi ma volonté politique personnelle d’apporter une contribution à ce moment critique de l’histoire de notre pays.
Que proposez-vous de nouveau aux Sénégalais ?
Ce que je propose se résume en quatre points. Ce sont successivement rassembler les patriotes sénégalais, réhabiliter les valeurs aujourd’hui naufragées qui participaient de notre identité culturelle et religieuse, restaurer l’Etat de droit aujourd’hui inexistant et enfin et surtout relancer le développement socio-économique du Sénégal et répondre aux aspirations profondes des populations.
‘Il y a des crimes qui sont commis, Wade ne veut pas que les responsables de ces crimes soient poursuivis et il donne des instructions au procureur de la République pour ne pas actionner le pouvoir judiciaire’
Parce que vous estimez que le régime libéral a failli dans sa mission ?
S’agissant de l’Etat de droit, je dirais que nous sommes dans une situation où l’essentiel, pour ne pas dire la totalité du pouvoir, est entre les mains périssables d’un seul homme. Nous sommes dans une situation de confusion des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire entre les mains périssables d’un seul homme. En ce sens qu’il est à la fois le président de la République, il est son double, le vice-président de la République, puisqu’il a créé le poste et il n’a nommé personne. Il est le chef du gouvernement, puisque le Premier ministre joue un rôle de coordination et il est loisible d’ailleurs au président, selon les circonstances, de décider que tel projet, qui normalement doit être piloté par un ministre où à la limite quand ça dépasse un ministère coordonné par le Premier ministre, sera localisé à la présidence de la République. Donc il y a confusion de l’ensemble de l’Exécutif entre les mains périssables d’un seul homme, mais, ce n’est pas tout.
Le pouvoir législatif est composé de l’Assemblée nationale et du Sénat. Au niveau du Sénat c’est également la confusion des pouvoirs, puisque comme vous le savez, les sénateurs sont nommés par le président de la République. Et il décide, selon les moments, de destituer quelqu’un ou de nommer quelqu’un d’autre. Comme malheureusement le récent décès affectant un sénateur connu (Mamoune Niasse, Ndlr) en a été la preuve. C’est parce que ce sénateur avait décidé de changer d’alliance et de quitter la mouvance présidentielle qu’il a été démis de ses fonctions de vice-président du Sénat. Et parce que Dieu l’a rappelé à ses côtés, le président au cours d’une séance de condoléances proposait à son fils de le remplacer comme sénateur. Donc, je pense qu’il y a, et ce n’est qu’une illustration, une preuve réelle de ce que le Sénat est réellement entre les mains du président de la République. Quant à l’Assemblée nationale, vous avez entendu plusieurs députés, à l’occasion de débats à l’Assemblée nationale, dire qu’ils étaient les députés du président. Et si vous examinez le nombre de lois adoptées dans ce pays depuis l’alternance, vous ne serez pas surpris de constater qu’à plus de 90 % ce sont des projets de loi et très rarement, bien moins de 10 %, des propositions de loi, c’est-à-dire des initiatives émanant des députés. J’ajoute qu’une autre fonction de l’Assemblée nationale et subsidiairement du Sénat c’est le contrôle de l’action gouvernementale.
Or, force est de constater que l’Assemblée ne s’acquitte pas, alors pas du tout, de ce rôle de contrôle de l’action gouvernementale. Voilà pour le pouvoir législatif est complètement placé sous la domination du président de la République. Enfin, le pouvoir judiciaire, on sait ce que cela veut dire dans un pays démocratique. C’est un pouvoir indépendant, dont les décisions sont sans appel. Et ce pouvoir judiciaire est chapeauté par le président de la République. N’oubliez pas qu’il est le président du Conseil supérieur de la magistrature, n’oubliez pas qu’il piétine dans les responsabilités des juges de la justice plus généralement à travers ce qu’on appelle la magistrature debout, c’est-à-dire le procureur et tout ce qui ressemble au procureur. En foi de quoi d’ailleurs, il y a des infractions qui sont produites, il y a des crimes qui sont commis, mais parce que le pouvoir exécutif, le président de la République, ne veut pas que les responsables de ces crimes soient poursuivis, il donne des instructions au procureur de la République pour ne pas actionner le pouvoir judiciaire.
Et à l’inverse, lorsque des citoyens sénégalais commettent une petite erreur de manifestation devant le domicile du président du Conseil constitutionnel, cette infraction provenant de quelqu’un qui n’a jamais été condamné on actionne la justice, on le condamne à deux ans de prison.
Vous faites référence à l’affaire Malick Noël Seck ?
Oui. Je dis qu’une telle manifestation est une erreur de sa part de faire. Mais la sanction qui le frappe est totalement disproportionnée par rapport à l’infraction et par rapport au fait que c’est quelqu’un qui n’a jamais été condamné.
Vous dressez un tableau sombre du régime en place. Comment comptez-vous équilibrer ces différents pouvoirs ?
Il faut revenir à l’Etat de droit. Qu’est-ce que ça veut dire ? Un Etat dans lequel tous les justiciables sont placés sur le même pied. Cela veut dire qu’il s’agisse du riche ou du pauvre qu’il s’agisse de l’homme ou de la femme du citadin ou du rural tous, nous devons être soumis à la même justice. L’Etat, y compris au niveau du pouvoir exécutif, a un devoir de reddition de compte, de rendre compte de sa gestion. Les citoyens ont le droit de sanctionner soit directement à l’occasion d’élections soit indirectement par le biais du pouvoir législatif qui contrôle l’action du gouvernement. L’Etat de droit c’est aussi une administration autonome, pas une administration sous la botte du pouvoir exécutif qui soit lui dicte des mesures à prendre qui vont à l’encontre du principe de l’Etat de droit, soit parce que cette administration fait de la résistance on l’ignore et on crée des agences pour faire passer des mesures voulues par le pouvoir. L’Etat de droit, c’est enfin une réelle volonté de faire en sorte que sur l’ensemble du territoire sénégalais que les gens sentent qu’ils ont non seulement des devoirs, mais des droits qui sont protégés.
Pour résumer quel type de régime comptez-vous mettre en place ?
La notion de régime est relative. Il n’y a pas de régime parfait. Mais force est de constater que le régime que nous avons aujourd’hui, qui est le régime présidentialiste avec une hypertrophie, un développement excessif des pouvoirs du président de la République et qui a engendré la situation actuelle, doit être écarté. D’un autre côté et à l’autre extrême, il faut éviter un régime, où du fait de l’absence de majorité au sein de l’Assemblée, de l’éparpillement de la représentation politique au sein du législatif, on n’arrive pas à avoir un gouvernement stable. C’est ce qu’on appelle le régime d’Assemblée. Entre les deux, il y a plusieurs variantes de régime, mais le régime parlementaire rationalité est certainement le plus indiqué. Cela veut dire : les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire véritablement séparés. Des pouvoirs qui se contrôlent mutuellement pas en théorie, mais en pratique.
‘Aujourd’hui, les députés ne se sentent pas responsables devant leur base. Ils sont plus responsables devant leur président que devant les électeurs. C’est cela qu’il faut changer’.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Ça veut dire un régime parlementaire dans lequel le Premier ministre est choisi par le président de la République mais ce dernier à l’obligation morale de le choisir parmi les députés ou les personnes soutenues par la majorité parlementaire. Et lorsque le Premier ministre n’a plus la confiance du parlement, qu’il puisse être démis de ses fonctions et qu’un autre soit nommé. Ce régime parlementaire à l’avantage de créer beaucoup d’autonomie entre l’exécutif et le législatif, de responsabiliser le Premier ministre qui détermine et conduit la politique de la Nation, pas un Premier ministre coordonnateur de l’action gouvernementale. Dans le même ordre d’idée, ce régime parlementaire permet réellement aux citoyens d’être maîtres de leur choix par un mode de scrutin alliant la représentation nationale, scrutin de liste majoritaire, et la représentation des intérêts locaux avec une représentation proportionnelle qui permet une combinaison de la représentation nationale avec l’obligation du député de rendre compte à sa base. Aujourd’hui, les députés ne se sentent pas responsables devant leur base. Ils sont plus responsables devant leur président que devant les électeurs. C’est cela qu’il faut changer.
Un récent publié vous attribue 20 %. Vous y croyez ou vous pensez que vous pouvez mieux faire ?
Vous savez les sondages sont ce qu’ils sont. Il faut les considérer comme tel, c’est-à-dire, une représentation à un moment déterminé avec un ciblage de citoyens déterminés. Donc, un sondage est par définition quelque chose d’évolutive. Et il y a également un critère de crédibilité d’un sondage qui est lié à la crédibilité même de l’institution qui fait ce sondage. Faute de quoi, vous avez des sondages préétablis à la demande de X ou Y et en faveur. Cela étant dit, pour répondre à votre question de savoir mon opinion sur ce sondage, je note qu’il y a de cela pas longtemps on avait dit que Ibrahima Fall est candidat solitaire et comme aucun candidat indépendant n’a dépassé les 0,5 ou 1%, il est condamné à ne pas aller au-delà de 1 %. Et il y a de cela deux ou trois semaines, on a dit qu’un sondage commandité en haut lieu accréditait Ibrahima Fall de 13 %. Si, aujourd’hui, selon ce sondage, Ibrahima Fall est à 20 %, quels que soient par ailleurs les jugements que l’on peut porter sur les sondages, il faut constater qu’il y a une progression. Et comme le disait un article qui accompagnait ce sondage, il paraît qu’il y a une grande marge de progression d’autant plus que nous sommes à moins de trois mois du scrutin.
Avez-vous déjà commandité un sondage ?
Non, le sondage c’est auprès de l’opinion et sur le terrain. Je reviens de Mbour et de Joal. Auparavant, j’avais été ailleurs. Je suis au contact de la population et j’essaie de l’expliquer ce que je propose. Donc, c’est ce terrain qui commande mon attitude par rapport aux sondages. Cela dit, j’ai le plus grand respect pour les sondages lorsqu’ils sont faits par des institutions crédibles sans pour autant les prendre pour argent comptant. Il y a beaucoup d’élections dans le passé notamment en Europe où à la veille du scrutin les sondages ont donné X pour favori et c’est Y qui a été élu.
Aujourd’hui, quand on parle de Macky Sall on pense à Fatick, Moustapha Niasse on pense à Nioro. Est-ce que Ibrahima Fall a son fief électoral ?
J’espère que mon fief électoral sera tout le Sénégal.
Mais le pays est assez grand et c’est sûr que vous ne pourrez pas le parcourir dans son ensemble.
Je compte être élu par le peuple sénégalais dans les différents départements, dans les différentes communautés rurales, dans les différents villages tout comme dans les grandes villes.
Un homme politique c’est avant tout une base électorale.
Un homme politique politicien oui. Je n’ai pas de parti. Je n’ai pas la prétention d’être un homme politique politicien. J’ai la prétention d’être un homme tout court qui s’engage dans des élections présidentielles avec pour toute ambition de servir la Nation. Et c’est bien la raison pour laquelle je dis que je ne suis pas venu pour être Ndjitu rewmi(le chef de l’Etat, Ndlr), je souhaite être ndawu askan wi( le serviteur du peuple, Ndlr) c’est là toute la différence.
On n’a jamais vu, pas au Sénégal, un candidat indépendant avoir plus de 1 %. Pensez-vous pouvoir créer la surprise ?
Je ne pense pas créer la surprise par moi-même. Je pense qu’elle viendra de plusieurs facteurs. D’abord, la personne ou la personnalité du candidat, ensuite ce qu’il propose, troisièmement l’équipe avec laquelle il compte travailler. L’impact que cela peut avoir sur le citoyen dans la situation politique risquée dans laquelle nous sommes et dans la situation économique, sociale délétère dans laquelle nous nous trouvons. C’est un faisceau de facteurs liés au candidat, à sa personnalité, à son programme, à son itinéraire et aux réactions des citoyens, qui peut créer le déclic.
Votre long séjour à l’étranger ne va-t-il pas constituer un handicap ? Les gens ne se diront-ils pas : ‘voilà un messie qui vient avec des solutions toutes faites’ ?
Il appartiendra aux citoyens de répondre à la question. J’observe simplement que puisque le sondage que vous citez me crédite de 20 %, je note qu’il y a des personnalités et des chefs de parti politique qui sont là depuis 20 ans et qui n’ont pas ces 20 %. Je pense que c’est une réponse assez claire.
‘Le comité de facilitation de Bennoo Siggil Seenegaal m’a effectivement consulté, il y a de cela plusieurs semaines. Nous partageons de fait au moins trois choses très importantes…’
En tant que partie prenante des assises nationales, pourquoi n’avoir pas intégré Bennoo et postuler à la candidature de l’unité ? Peut-être qu’Ibrahima Fall aurait été choisi à la place de Tanor et Niasse qui constituent des blocages ?
C’est votre jugement de valeur. (Rires). Je n’ai pas dit qu’ils constituent le blocage, c’est vous qui le dites.
C’est un constat
Ce que je peux répondre, comme vous le savez certainement, c’est Bennoo Siggil Seenegaal est un regroupement de partis politiques et Ibrahima Fall n’ayant pas de parti politique ne peut pas être membre de Bennoo. C’est un problème de statut. Cela dit s’agissant de ma candidature, puisque vous pensez qu’on aurait dû faire recours à moi devant ce problème de choix difficile entre deux ténors de Bennoo, rien n’empêche à cette coalition, si telle est la volonté des parties prenantes des assises nationales, de proposer Ibrahima Fall comme candidat de Bennoo. J’ajoute d’ailleurs que le comité de facilitation de Bennoo Siggil Seenegaal m’a effectivement consulté, il y a de cela plusieurs semaines. Nous partageons de fait au moins trois choses très importantes. Le Sénégal dans ses difficultés, les assises dans leurs conclusions et recommandations avec tout ce que cela comporte et enfin la nécessité de relever le défi. Ce sont trois éléments très importants. Et dans la phase dans laquelle nous nous engageons, je puis vous dire que non seulement je serai heureux et honoré si ce choix se portait sur mon humble personne. Mais, je vous assure que n’ayant aucune affiliation partisane, je traiterai tout le monde sur un même d’égalité.
Est-ce là un appel du pied à l’endroit de Bennoo ?
Ce n’est pas un appel du pied, puisque c’est Bennoo qui a demandé à me rencontrer. Mais je dis que si Bennoo décidait de cela, je serai heureux et honoré.
C’est l’impasse à Bennoo, leur dites-vous de venir vers vous pour régler le problème ?
Ce serait à la fois prétentieux et inopportun. Il y a un processus qui est enclenché au niveau de Bennoo, il y a un processus qui est enclenché au niveau de Bennoo alternative 2012. Là aussi, je dois vous dire que j’ai reçu une lettre manuscrite de Bennoo alternative 2012 souhaitant me rencontrer pour discuter sur la base des critères qu’ils ont arrêtés pour sélectionner un candidat. Et j’ai déjà donné ma réponse officieuse en disant que je me rendrai à cette invitation et si Bennoo alternative devait à l’issue de sa sélection considérer que la candidature de Ibrahima Fall est la mieux indiquée, je serais heureux et honoré d’être le porte drapeau de Bennoo Alternative.
Vous savez également que certains candidats indépendants se concertent. Vous avez par exemple le G4 composé de Moussa Touré, Amsatou Sow Sidibé, Arona Ndoffène Diouf et de moi-même. Nous sommes en train de négocier entre nous. Et nous avons déjà adopté le principe dit que l’un de nous sera le porte-drapeau du G4. Et d’autres personnes sont également soucieuses de se joindre à ce mouvement de regroupement de candidatures. Donc je suis ouvert. Que je dis que le premier de mes 4 credo, c’est de rassembler les patriotes, il ne faut pas le dire seulement théoriquement. Il faut le pratiquer et c’est pourquoi je suis ouvert à Bennoo Siggil Senegaal, à Bennoo Alternative, au G 4 et à d’autres forces.
Parce que ce qui compte, c’est le Sénégal. Ce n’est pas Ibrahima Fall. Je reviens de Mbour où j’ai rencontré les militants de Taxaw Temb. J’ai dit que ce qui est important, c’est le choix du citoyen. Qu’il soit soutien de Taxaw Temb ou qu’il soit en dehors de Taxaw Temb. Je le répète, ce qui importe c’est de choisir le meilleur candidat. Et si ce candidat devrait être autre que Ibrahima Fall, je suis prêt à me rallier. Je n’ai pas de fixation.
‘Force est de constater que ceux qui ont adoubé cette candidature, ce sont des constitutionnalistes ou des juristes étrangers qui ont une connaissance très limitée du droit constitutionnel’
Est-ce que vous avez identifié ce meilleur candidat dans l’opposition ?
Ce n’est pas à moi de l’identifier. Je n’ai pas ce pouvoir. Je dis simplement à ceux qui me soutiennent que si demain dans l’urne, seuls avec leur conscience, ils pensent qu’il y a un autre candidat qui n’est pas Ibrahima Fall, de Taxaw Temb, qu’ils votent pour celui-là.
Est-ce parce que vous pensez avoir le meilleur profil ?
Je n’ai pas cette conscience. Ce serait déplacé de considérer que j’ai le meilleur profil. Si c’est maintenant l’opinion de la population, j’en serai plus que touché.
L’actualité, c’est aussi ce séminaire organisé par la Cap 21 sur la candidature de Wade. En tant que professeur de droit, êtes-vous convaincu par les conclusions des constitutionnalistes commis par le pouvoir ?
Nous sommes en démocratie, il faut admettre la diversité des opinions et des démarches. Je pense que de la même façon qu’il y a eu des juristes constitutionnalistes qui se sont prononcés contre la candidature de Wade, il est, normal que d’autres juristes se prononcent en faveur de cette candidature. Mais je dois noter trois choses. D’abord, force est de constater que ceux qui ont adoubé cette candidature, ce sont des constitutionnalistes ou des juristes étrangers qui ont une connaissance très limitée du droit constitutionnel sénégalais et qui ont été certainement choisis sur la base de ce qu’on voulait qu’ils disent.
Le deuxième élément est que de tous les constitutionnalistes sénégalais - et je pèse mes mots - un seul a soutenu la validité de la candidature du président Wade. C’est quand même significatif.
La troisième lecture est que dans ce domaine, les choses sont très claires : on nous prépare un hold-up électoral. On nous prépare une situation où peut naître une double crise : à la Niger ou à l’ivoirienne.
Au Niger, lorsque le président Tandja a voulu prolonger son mandat, il s’est adressé à l’Assemblée nationale qui lui a dit qu’il n’en avait pas le droit. Il a dissout l’Assemblée nationale. Il s’est adressé au Conseil constitutionnel qui lui a répété la même chose et il a dissout le Conseil constitutionnel dans une épreuve de force qui a conduit à un coup d’Etat militaire. J’espère qu’on va nous épargner d’une telle situation.
Crise à l’ivoirienne parce qu’en Côte d’Ivoire, lorsqu’il y a eu l’élection présidentielle, le président Gbagbo au second tour a déclaré qu’il était vainqueur. Alors que le décompte qui a été fait de façon judicieuse et objective avait montré qu’il avait perdu. Il a donc utilisé son Conseil constitutionnel pour dire qu’il avait gagné alors qu’il avait perdu. Ce qui a plongé la Côte d’Ivoire dans la crise que l’on sait qui s’est terminée de façon violente. Et pourtant c’est le même Conseil constitutionnel qui est finalement revenu dire que c’est Alassane Ouattara qui a gagné. Est-ce qu’on veut plonger le Sénégal dans l’une ou dans l’autre des deux crises ?
Comment faire alors pour éviter ces deux situations au Sénégal ?
La réponse me semble tout à fait simple. Nous sommes dans une situation où il est clair que le président Wade a épuisé les deux mandats qui lui sont reconnus par la Constitution. Il ne doit pas faire un forcing pour un troisième mandat ? D’abord parce que ses prédécesseurs ont montré la voie. Senghor est parti de lui-même. Il avait 74 ans ? il considérait que dès lors qu’il lui arrivait parfois de d’oublier ou de confondre le nom d’un de ses collaborateurs, le temps est venu pour lui de partir. Le président Diouf est parti à la suite d’une élection démocratique où il est arrivé premier au premier tour mais sans obtenir la majorité requise. Au second tour, du fait des coalitions, il a été dépassé par le candidat Wade, il l’a appelé pour lui dire que ‘je reconnais que j’ai perdu’.Il est sorti par la grande porte.J’ajoute que cela a été possible, non pas seulement par la volonté du président, mais aussi parce qu’il avait nommé un ministre de l’Intérieur qui n’appartenait à aucune chapelle politique : Un ancien chef d’Etat-major de l’armée nationale.Aucune consigne n’avait été donnée ni aux Gouverneurs, ni aux Préfets ni aux Sous-préfets. Tout s’est passé dans la transparence. Ce sont là, à mon avis des leçons à méditer. Ça c’est mon premier avis : L’histoire du Sénégal.
Deuxième argument, il a le droit. Ce droit est dans la Constitution, et le président Wade a été le premier en 2007, a rappelé que c’est lui qui a limité les mandats à deux et qu’il faisait son deuxième et dernier mandat à partir de 2007. Et on aurait dû rappeler qu’en 2000-2001, tirant les conséquences de l’évolution historique du Sénégal, qui a eu Senghor comme président pendant 20 ans et Abdou Diouf pendant 19 ans, la classe politique avait décidé que plus jamais on aurait des président de la République qui dureraient autant. C’est pourquoi il avait été décidé dans un consensus national de limiter les mandats à deux. Or aujourd’hui, si on fait un forcing électoral, et on réélu Wade, il aura passé 19 ans à la tête du pays. Ce qui est contraire à la volonté populaire.
Donc vous êtes convaincu que si Wade se présente, il remporte les élections ?
Je dis si on fait un forcing. Cela veut dire qu’on va manipuler les élections, on va truquer les résultats et cela va nous mener à une crise. Je ne suis pas du tout convaincu de la légalité de sa candidature ni convaincu que malgré un forcing si les choses se passent normalement il peut être élu. Lui-même n’en est pas convaincu. A suivre
Réalisé par Georges Nesta DIOP, Pierre Edouard Faye (Walf Tv) et Charles Gaïky DIENE

Abdoul Aziz Diop