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L’heure est grave, les «faits divers» hantent toujours le pays. Plus de quinze jours après la prise de fonction de Macky Sall, la République est éclaboussée par une série de scandales invraisemblables : vols de véhicules, caisses vidées, appels à l’aide internationale sont des cas uniques dans un pays où l’impunité a été érigée en règle depuis douze ans. Même si les nouvelles autorités ont promis une traque impitoyable contre les délinquants de la République, il reste une énigme : quelle est la responsabilité du chef de l’Etat dans ces affaires qui souillent la leçon démocratique du 25 mars ? Les autres collaborateurs de l’ancien président de la République peuvent trembler avec les audits sans complaisance promis par le nouveau régime. Lui peut rester zen dans son asile forcé. Pourtant, depuis douze ans, il y a une série de faits qui le sauvent de poursuites «à cause» d’un privilège de juridiction limitant juste sa responsabilité aux seuls cas de haute trahison. «Il est difficile de juger un chef d’Etat. C’est compliqué. La notion même de «Haute trahison» est indéterminée parce qu’on ne lui a donné aucun contenu», répond Ababacar Guèye, professeur de Droit constitutionnel à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
L’AFFAIRE SEGURA, UN CAS DE HAUTE TRAHISON
Les Sénégalais, choqués, avaient admis que Abdoulaye Wade avait poussé l’outrecuidance et son pouvoir jusqu’au sommet de la provocation. Dans la soirée du 25 septembre 2009, le chef de l’Etat offrait un «cadeau» d’une valeur 87 millions 647 mille 456 francs Cfa à Alex Segura, représentant-résident du Fmi en fin de fonction au Sénégal. L’affaire avait fait grand bruit avant de s’éteindre après plusieurs semaines de polémiques. Pour le Professeur Ababa car Guèye, «cette affaire» constitue un cas avéré de «haute trahison». «Toutes les conditions étaient réunies pour le poursuivre pour haute trahison. Il a avoué avoir corrompu un fonctionnaire étranger qui était en fin de mission», détaille M. Guèye.
Cette affaire ne sera pas le dernier coup d’éclat de Abdoulaye Wade. Les aveux sur la crise casamançaise en pleine campagne électorale ont été considérés par plusieurs spécialistes comme une «Haute trahison». Ababacar Guè ye prévient : «Nous sommes là dans le cas de la défense nationale et de la haute sécurité. S’il le fait pour épargner 2 000 personnes par exemple, il est difficile de réunir les conditions d’accusation.» Omniprésident, il est res ponsable de la Défense nationale et est le chef suprême des Armées qui dispose de la force armée. Quid des crimes économiques ? Depuis deux semaines, le nouveau régime joue sa crédibilité sur un chantier titanesque. Il faut trouver de façon urgente 200 milliards francs Cfa.
En vrac, l’Etat doit vendre l’ancien avion de commandement en attendant l’appui de la communauté internationale. «Là aussi, c’est difficile parce qu’il gère aussi les fonds politiques. Il faut reconnaître que les poursuites contre le chef de l’Etat sont difficiles», admet encore Ababacar Guèye.
Depuis 2008, la France, grande inspiratrice du Sénégal, a pris de l’avance dans ce domaine en mettant fin au caractère ambigu du statut pénal du président de la Répu blique : (Il) peut être destitué si les actes visés n’ont rien à avoir avec sa fonction présidentielle.
LEQUOTIDIEN.SN