HOMMAGE A MAITRE MOUHAMED SALIM KANJO : L'homme qui a fait basculer la trajectoire professionnelle de Me Ousmane Ngom
Mouhamed Salim Kanjo s'en est allé comme il a vécu pour paraphraser Jean de la Fontaine, qui avait choisi comme épitaphe «Jean s'en est allé comme il était venu». Salim s'en est allé discrètement, sur la pointe des pieds car, malgré sa longue maladie, son départ en a surpris plus d'un. Et pourtant, c'est à Dieu que nous appartenons, c'est à LUI que nous retournons.
Ma rencontre avec Maître Mouhamed Salim Kanjo s'est faite en 1981 à l'occasion d'un procès qui va faire basculer ma trajectoire professionnelle et peut être même vie.
En Août 1981, alors que je préparais une thèse de Doctorat à la Sorbonne en vue de devenir plus tard professeur d'universités, je fus arrêté à Dakar pendant les vacances dans l'étude de Maître Abdoulaye Wade, 7 rue de Thiong.
Des gendarmes s'y étaient présentés dans le cadre de « la fameuse affaire de armes Libyennes » et voulaient arrêter deux membres du cabinet : Talla Fall et Tidiane Sène, pour enquête. Fraîchement émoulu de « mon droit » et me trouvant par hasard sur place, je m'étais opposé à leur arrestation. Finalement je subis le même sort qu'eux et nous fûmes envoyés à Reubeuss pour atteinte à la Sureté de l'Etat. Maître Mouhamed Salim Kanjo fut le premier avocat à se constituer pour nous défendre. Après deux mois de prison, un collectif d'avocats se forme et obtient notre jugement. Lors du procès, certes ils furent tous brillants, mais Maître Kanjo s'était tellement distingué malgré sa frêle silhouette, par sa voix de stentor, son talent, sa passion et son expertise juridique que j'en oubliais mon sort. J'étais complètement ébloui par ce jeune avocat qui avait une telle liberté de ton qu'un déclic s'opéra en mon for intérieur et je me dis : « comme professeur d'université, je ne pourrais jamais avoir autant de liberté pour exprimer mon opinion et mes idées. Donc je ne peux qu'être avocat. C'est ainsi que la passion d'un homme pour son métier et son talent ont pu bouleverser la trajectoire du jeune doctorant que j'étais. De retour à Paris, je n'attendis même pas la fin de l'année pour aller commander ma robe d'avocat chez BOSC. Et depuis lors beaucoup d'eau a coulé sous les ponts…
Au delà des vocations qu'a suscitées, Monhamed Salim Kanjo chez les jeunes, il excellait aussi bien dans le procès Pénal que dans le droit des sociétés. Il a pris une part active aux côtés d'éminents juristes comme le Président Seydou Bâ à l'élaboration, la négociation et la mise en vigueur des textes de l'OHADA qui régissent le droit des affaires dans notre sous-région.
Il a réussi à bâtir d'abord avec son ami Rasseck Bourgi un des cabinets les plus prospères de Dakar qui a vu passer des générations de brillants avocats. Il a ensuite brillé de mille feux pour faire de son étude un fleuron du Barreau de Dakar sans jamais perdre sa discrétion, sa courtoisie, son altruisme, et son urbanité caractéristiques de son Baol natal.
Bon père de famille, Salim l'était aussi tant il chérissait ses deux garçons et son épouse Reine qui l'a accompagné aussi bien au foyer que dans l'exercice de son métier. Grâce à lui, son grand frère Ousmane Kanjo avait fini par m'adopter et m'appelait affectueusement « mon homo ». Ce qui signifiait qu'au-delà de l'homonymie, j'étais aussi son jeune frère.
Avec toutes ses qualités humaines et professionnelles, il n'est pas étonnant qu'hier à son rappel à Dieu toute la famille judicaire ait observé un temps d'arrêt et se soit fortement mobilisée pour lui rendre un dernier hommage.
La Sourate « Rakhmaan » qui a retenti au moment de sa levée du corps et qui a ébranlé toute l'assistance est, sans doute, le signe qu'Allah (SWT) l'enveloppera dans sa MISERICORDE infinie et l'accueillera en son Paradis céleste. C'est la prière que nous LUI adressons en communion avec tous ceux qui ont connu et aimé Salim et Ousmane.
A sa veuve Reine, à ses enfants, à toute sa famille nous exprimons, de nouveau, notre profonde compassion et nos sincères condoléances.
Adieu ami Salim que ces premiers jours du Ramadân Moubarak soient pour toi un passeport pour le PARADIS.
Ton frère et ami
Maître Ousmane NGOM
Avocat à la Cour
Ancien Ministre d'Etat