Faut–il déboulonner le monument de la renaissance africaine ?
Mercredi 25 Décembre 2013
Faut-il déboulonner le Monument de la Renaissance Africaine ? C’est la question que nous avons posée à quelques acteurs de la Culture après les sorties de certains députés s’interrogeant sur l’utilité de cette œuvre lors des débats précédant le vote du budget du ministère de la Culture. Le Témoin a initié un débat autour de cette exigence des représentants du peuple.
Lors du vote du budget du ministère de la Culture, le Monument de la Renaissance Africaine, qui trône fièrement sur les Mamelles depuis bientôt trois ans, s’est invité aux débats avec des parlementaires farouchement opposés à ce qu’un seul centime d’argent public soit débloqué pour le fonctionnement de cette gigantesque œuvre d’art. Et c’est à peine d’ailleurs si certains représentants du peuple n’ont pas demandé la destruction de ce Monument qu’ils ne considèrent surtout pas comme faisant partie du patrimoine historique de notre pays.
A l’image de la députée Ndèye Awa Mbodji, beaucoup de représentants du peuple ont voulu fermer le robinet financier pour cette œuvre. «Dans votre budget de l’année dernière, a dit Mme Mbodji s’adressant au ministre de la Culture, M. Abdoul Aziz Mbaye, il était question de 328 millions de nos francs et j’avais refusé de voter. Cette année aussi, je ne suis pas pour qu’une quelconque somme soit injectée pour le maintien de ce monument. Vous m’aviez dit qu’on n’allait pas le détruire, mais je persiste à penser que l’argent qui va servir à entretenir ce monument peut être utilisé à autre chose. Avec 328 millions, on peut donner du travail à 450 jeunes. Ce monument n’a aucune utilité», a-t-elle argumenté.
Pour son collègue Alioune Abatalib Guèye, il existe toujours des problèmes pour ce qui est de faire passer ce Monument dans la conscience collective des Sénégalais. « Comment allez-vous rentabiliser ce Monument que les Sénégalais ne veulent même pas approcher ? », a lancé l’honorable député au ministre. Awa Guèye, la première vice-présidente de l’Assemblée nationale, de renchérir en demandant ce que ce Monument rapporte au pays. «Trois ans après son inauguration, quels sont les fonds qui ont été générés par ce Monument ?», demande-t-elle.
Des questions qui n’ont pas eu des réponses de la part du ministre de la Culture qui aurait fait la sourde oreille. Les interpellations des parlementaires restent toutefois légitimes, c’est une façon pour eux de montrer leur intérêt pour la Culture. Cela dit, même si leur principale préoccupation reste l’utilité du Monument de la Renaissance Africaine, ils portent des œillères sur les autres infrastructures du président Me Abdoulaye Wade à l’instar du Grand Théâtre. Faut-il alors déboulonner le Monument de la Renaissance dès l’instant que des parlementaires censés être les représentants du peuple veulent le priver de fonds pour son fonctionnement ?
A cette question, des acteurs culturels ont opposé d’autres arguments. Il faut cependant noter que l’interrogation des représentants du peuple reste somme toute d’une brûlante actualité. En effet, au départ, au moment où certains s’opposaient à sa construction, l’argument massue, c’était la plus-value touristique que cette œuvre pouvait apporter à notre pays. Mais force est de reconnaitre qu’à ce niveau, la fréquentation reste en-deçà des espérances pendant que la population peine encore à trouver une quelconque utilité à ce monument. Cela suffit-il pour demander la destruction de cette œuvre d’art ? L’écrivain Moumar Guèye se dit profondément opposé à sa destruction tout en manifestant toute son indignation à cette idée.
En revisitant l’histoire, il cite les péripéties qui ont jalonné, à l’époque, la construction de la Tour Eiffel à Paris. « Je suis toujours écœuré d'entendre des Sénégalais vouer aux gémonies le Monument de la Renaissance Africaine. Certains qualifient cet édifice de "xerëm" qui signifie fétiche alors qu'il n'est rien de tout cela. Si nous étudions le cas de la Tour Eiffel, nous constaterons qu'elle fut construite pour commémorer le centenaire de la Révolution Française. Elle constitue un symbole de l’Exposition Universelle tenue à Paris en 1889. Nous savons tous que Gustave Eiffel fut le gagnant du concours lancé par la Ville de Paris parmi plus de 700 concurrents. Il a construit la Tour Eiffel en deux ans. A cette époque, les Parisiens pensaient que la tour ne serait jamais achevée avant l’Exposition Universelle!
Mais ils n'ont pas eu raison. Au moment de sa création, la Tour Eiffel avait fait l'objet d'intenses controverses. Des artistes et politiciens comme Guy de Maupassant, Alexandre Dumas et Charles Gounod se sont opposés à la construction de la tour. Il y a même eu un groupe de pression dénommé «Les amoureux ardents de la beauté » qui ont écrit une pétition qui stipulait notamment ceci : « Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, … pour protester de toutes nos forces et avec toute notre indignation, au nom du goût français … contre la construction… de cette Tour Eiffel monstrueuse et sans utilité. Parce que même l’Amérique commerciale ne voudrait pas de la Tour Eiffel, qui est sans doute un déshonneur pour Paris ! » Et pourtant, une fois construite, la Tour Eiffel a conquis le cœur des Parisiens. Elle a été l’objet d’inspiration de peintres tels que Delaunay, Dufy, Chagall, Utrillo, Léger et Rousseau.
Aujourd'hui, elle est devenue le symbole central de Paris et la fierté des Français ! » rappelle le colonel Moumar Guèye. Revenant sur notre sujet, l’écrivain note que c'est ce même élan d'hostilité qui déferle sur le Monument de la Renaissance du simple fait qu'il a été initié par Maitre Abdoulaye Wade et construit par des Coréens. « Pourquoi donc ne pas raser l'autoroute à péage? Le Grand Théâtre et l'aéroport Blaise Diagne également construits par Me Wade? Des statues et des monuments, il y en a dans de nombreux pays musulmans comme l’Egypte, l’Iran, le Pakistan, l’Inde (qui compte une importante quantité de nos coreligionnaires) etc., sans gêner la foi des musulmans. La statue de Faidherbe trône à Saint-Louis du Sénégal depuis plus d'un siècle sans affecter la foi des Saint-louisiens ».
Le même son de cloche est émis du côté de l’Observatoire de la Musique et des Arts (Omart). En effet, pour son président, M. Abdoulaye Mamadou Guissé, « la mission à assigner au Monument est toujours la même : générer des revenus et de la plus-value pour l’Etat du Sénégal. La mission consistant à replacer le Sénégal dans le concert des nations a été réussie. Au-delà, la mission globale est aujourd’hui trop liée à la politique pour ne pas paraitre suspecte. Nous sommes convaincus que le Monument de la Renaissance Africaine ne saurait être un projet du Président Wade, mais de l’Afrique. Nous sommes aussi sûrs que le Monument résistera au processus d’enterrement par l’actuel régime des projets du président Abdoulaye Wade. »
Pour le colonel Moumar Guèye, en tout cas, déboulonner le Monument de la Renaissance serait une absurdité universelle que la communauté des nations ne pardonnerait jamais au peuple sénégalais. Tout en s’opposant à la destruction de cette sculpture, l’écrivain et colonel des Eaux et Forêts à la retraite ouvre des pistes de réflexions afin de rendre plus attractif cet édifice. Ce qui passe, selon lui, par des aménagements complémentaires comme un téléphérique qui permettrait d'accéder aisément au sommet de l'édifice avant d'emprunter l'ascenseur. Le colonel pense aussi que les voies d'accès et l'esplanade du monument devraient être plus accessibles à la circulation. Ainsi, plaide-t-il, les jeunes et les touristes trouveraient l'endroit plus attractif et plus accessible. S’agissant de ceux qui réclament la destruction de ce Monument, l’écrivain saint-louisien conseille de mettre certaines positions sur le compte de la politique politicienne et des affabulations illogiques et absurdes.
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