Selon qu’on est blanc ou noir, homme ou femme, est-on reçu de la même façon par une banque lorsqu’on vient solliciter un prêt? La réponse est non. C’est en tout cas ce qui ressort d’une opération de testing commandée par la municipalité de Villeurbanne, qui a été dévoilée cet après-midi par le défenseur des droits, Jacques Toubon.
Cette opération vérité reposait sur deux typologies de demande de crédits: un prêt pour créer son entreprise et un prêt pour acheter un appartement. Au total, douze banques ont été testées et, parmi elles, plusieurs dizaines d'agences.
À chaque fois, les demandeurs étaient de nationalité françaises et avaient un profil identique -même revenus, même situation familiale- et leur demande portait sur un projet totalement comparable. Donc, en toute logique, les banques contactées auraient dû accueillir leur demande de façon identique. Sauf que l'un des demandeurs était "supposé comme sans origine migratoire" et l'autre "supposé comme d'origine subsaharienne". Et ce "testing" révèle que l'un et l'autre n'ont pas été traités de la même façon.
D’abord dans l’accueil qui leur a été réservé. Les demandeurs "blancs" ont été globalement mieux accueillis que ceux dont la couleur et le nom laissait apparaître leur origine africaine, que ce soit d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb. Ce sont souvent des petits détails, mais qui sont loin d'être négligeable. Aucune banque n’a par exemple demandé de pièce d’identité aux testeurs blancs alors qu’à l’accueil de certaines agences on a affirmé aux testeurs noirs que la banque exigeait de montrer une pièce d’identité pour l'obtention d'un rendez-vous.
Mais c'est sur les propositions de financement que les écarts deviennent manifestes en faveur des demandeurs "blancs" comme le montre ce tableau sur l'obtention d'un crédit immobilier.
Les deux clients testés offrent des profils similaires. Locataires d'un logement social, ils ont le même âge, vivent en couple et ont un enfant. Les deux veulent contracter un prêt de 165.000 euros en vu de l'acquisition d'un bien de 155.000 euros (+12.350 euros de frais notaires). Le client "supposé comme d'origine subsaharienne" dispose même d'un revenu légèrement supérieur (19.816 euros/an contre 19.193 euros pour l'autre) et d'un apport plus important (4.000 euros contre 3.000).
Lorsqu’il a été possible de comparer les offres de prêts parce les deux clients-testeurs en ont obtenues de la même agence, celui qui était "supposé comme sans origine migratoire" a fréquemment bénéficié d’une offre plus attractive, en particulier sur le taux d’intérêt (dans neuf agences, contre une seule où l’inverse s’est produit).
Par exemple, dans une agence, on indique au client "supposé comme sans origine migratoire" que la banque pourrait envisager un prêt sur 20 ans ou 25 ans et on lui remet une simulation sur la durée la plus courte au taux de 2,20%. Au client "supposé comme d’origine subsaharienne", la même agence lui propose un crédit sur 25 ans au taux de 2,80% et on lui indique qu’il pourrait aussi emprunter sur 28 ans, mais pas sur 20 ans.
Pour un emprunt de 165.000 euros, son coût au taux de 2,20% sur 20 ans sera d’environ 39.100 euros, contre environ 64.600 euros au taux de 2,80% sur 25 ans. Soit très concrètement une différence d'environ 25.500 euros en défaveur du client "supposé d'origine subsaharienne" sur l'ensemble de la durée du prêt.
Comment justifier un tel écart de traitement? Il est peu vraisemblable qu’une banque puisse donner des consignes -même de façon orale- à ses salariés pour qu’ils prennent en compte des critères raciaux dans leurs offres. Consignes qui seraient, de surcroît, totalement illégales. Mais le conseiller de clientèle dispose généralement d’une marge de manœuvre pour établir son offre de prêt et on voit bien que, peut-être de façon inconsciente, une partie d'entre eux ne jugent pas de la même façon leur interlocuteur selon sa couleur de peau ou son sexe.
Les auteurs de l'étude soulignent tout de même qu'il s'agit d'un testing et non d'un sondage. Elle n'est donc pas "extrapolable à une population ou à un périmètre plus large" que celui de l'agglomération de Villeurbanne.