-
Émeutes au Royaume-Uni: la communauté musulmane sous tension, les mosquées protégées
-
Israël condamne une experte de l'ONU comparant Hitler et NetanyahuIsraël condamne une experte de l'ONU comparant Hitler et NetanyahuIsraël condamne une experte de l'ONU comparant Hitler et Netanyahu
-
Les figures démocrates saluent la décision de Joe Biden, les républicains appellent à sa démission
-
Affaire 1xbet : Le verdict est tombé pour Samuel Eto’o
-
Manifestations au Kenya: le président Ruto annonce le retrait du projet de budget
En attendant que le nouveau secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, ait pris ses fonctions le 1er février, le président Donald Trump a monopolisé les dossiers de politique étrangère. Sur le fond comme sur la forme, il a rompu avec les codes diplomatiques habituels, et provoqué une fronde au sein de ce corps aussi prestigieux que bridé aux tractations soignées.
Donald Trump en roue libre
Selon les témoignages anonymes de plusieurs fonctionnaires du département d’Etat recueillis par le magazine Politico, Donald Trump aurait, depuis son élection, ignoré l’expertise des services diplomatiques, et préféré multiplier des déclarations très loin du politiquement correct. Sur Twitter, il ne s’embarrasse pas de commentaires incendiaires sur des pays rivaux comme la Chine, ou sur des pays amis, comme l’Australie.
Donald Trump aurait même refusé d’être briefé avant les coups de fils qu’il a passés aux chefs d’Etat étrangers. Résultat, le président a fait des déclarations qui tranchent avec des décennies de relations diplomatiques : exemple frappant après son élection, quand il se vante de soutenir Taïwan, sur fond de tensions avec la Chine.
Rebelote la semaine dernière. Selon le Washington Post qui a obtenu le témoignage d’un officiel ayant assisté à la conversation, Donald Trump s’est montré très hostile et insultant vis-à-vis de son homologue australien, Malcolm Turnbull. Il lui a quasiment raccroché au nez au bout de 25 minutes alors que le coup de fil devait durer 1h. L'Australie est pourtant un important allié des Etats Unis dans le Pacifique, mais Donald Trump est sorti de ses gonds à cause d'un accord passé par l'administration Obama sur l’accueil aux Etats Unis d’un millier de réfugiés coincés dans un centre de rétention australien. Un accord que Donald Trump a semblé totalement découvrir, vu le tweet qu'il a ensuite posté dans lequel il disait : « Vous le croyez ça ? L'administration Obama a accepté de prendre des milliers d'immigrés illégaux d'Australie. Pourquoi? Je vais étudier cet accord stupide. »
Quelque soit le chef d’Etat (sauf peut-être avec Xi Jinping à qui Donald Trump a écrit une lettre), le président américain semble user d’un langage très décontracté, et d’un champ lexical peu nuancé. Un style qui inquiète, dès lors que les questions de fond ne semblent pas être abordées.Un style peu diplomatique
Exemple lors de la conversation entre Donald Trump et François Hollande : selon les dires d'un haut fonctionnaire américain qui s'est confié au magazine Politico, Trump aurait longuement pesté sur le fait que les Etats-Unis se « faisaient avoir par la Chine », commentaire qui n'a pas tout à fait sa place dans une discussion sur les relations franco-américaines. La conversation aurait été houleuse et décousue, selon un membre de l’administration Trump cité par le journal : « C’était une conversation compliquée. Car [le président Trump] parle de la même manière que lors de ses interventions en public. Ce n’est généralement pas de cette manière que les chefs d’Etat ont l’habitude de parler. [Trump] s’exprime avec des formules toutes faites, des slogans. La conversation n’était pas réellement construite, il n’y avait presque pas de fil conducteur. »
En revanche, il semblerait selon le Washington Post, que Donald Trump n’ait pas manqué de rappeler à certains leaders européens, le type d’investissement personnel qu’il avait dans leurs pays. Un conflit d'intérêt qui a dû semer un certain malaise.
Des fuites d’informations anormales
On aurait aimé en savoir plus sur la conversation entre Donald Trump et Vladimir Poutine, mais là, peu d'informations ont fuité. C’est d'ailleurs assez étonnant de constater combien de fonctionnaires, de diplomates, de conseillers de la Maison Blanche dévoilent anonymement à la presse ce qui se dit dans le Bureau Ovale.
C’est bien le signe d'un profond malaise au sein d'un corps diplomatique qui a pour réputation de rester discret, voir secret, et de ne faire que des déclarations publiques bien polissées, bien orchestrées, en utilisant les mots qu'il faut pour ne pas froisser alliés comme rivaux. Sauf que depuis trois semaines, les points presse ont disparu, les communiqués se sont taris, les agences ont du mal à savoir qui fait quoi et les ambassades à rattraper les faux pas du président.
Au département d'Etat, règnent donc beaucoup d’incertitudes, et plusieurs hauts fonctionnaires ont préféré quitter le navire avant même que ne soit nommé Rex Tillerson. Quatre vétérans des affaires étrangères, des membres très hauts placés dans l’institution qui ont servi sous différentes administrations ont démissionné sans préavis. Du jamais vu dans l’histoire du département d’Etat. Tant que Rex Tillerson n’aura pas nommé une nouvelle équipe de direction, le ministère tournera à vitesse réduite.
Une « insurrection » bureaucratique
Suite au décret présidentiel qui interdit l’entrée de réfugiés et de citoyens de plusieurs pays musulmans, près d'un millier de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères ont signé un mémo interne pour critiquer la décision de Donald Trump, prise, encore une fois, sans avoir consulté la diplomatie américaine. Une « insurrection » bureaucratique, selon un diplomate, qui décrit une situation de « chaos ».
Pris au dépourvu face à cette annonce, le département d’Etat s’est très vite retrouvé assailli de questions de la part des ambassades étrangères, et a dû gérer des situations diplomatiquement embarrassantes. Dereck Chollet, un adjoint à la Défense pendant la mandature d’Obama avait alors déclaré : « ce manque d’organisation donne l’image d’un pays fantasque, incertain, peu fiable. Cela discrédite notre capital politique et notre leadership. »
Le fait de critiquer une politique de la Maison via une note interne est une procédure autorisée par les instances du département d’Etat, mais très rare. Une critique à laquelle a répondu le porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, de façon quelque peu menaçante : « Ces fonctionnaires de carrière ont un problème avec le décret ? Soit ils le défendent, soit ils s'en vont. » Une attitude qui rompt avec la culture qui règne au département d’Etat selon Dereck Chollet, qui décrit les employés de Foggy Bottom comme « des libres penseurs » travaillant dans une institution qui jusqu’à présent « valorisait les gens qui exprimaient des opinions divergentes et faisaient preuve de créativité ».
Qu’attendre de Rex Tillerson ?
Difficile de savoir si le remplaçant de John Kerry réussira à reprendre la main sur la politique étrangère américaine, aujourd’hui accaparée par la Maison Blanche. Rex Tillerson, ancien PDG d’Exxon Mobil, n’a pas d’expérience politique, certains se questionnent sur sa probité, vu les relations qu’il a entretenues lorsqu’il était à la tête du géant pétrolier.
Pour l’instant, il ne s’est pas exprimé publiquement, a fait un discours apparemment très consensuel, tentant de rassurer les 70 000 employés du département d’Etat mais sans fixer de priorités diplomatiques. Il a indiqué qu’il suivrait la ligne de Donald Trump, sans donner davantage de détails.
D’ici quelques semaines il devrait se rendre au Mexique. Les deux voisins affrontent une grave crise diplomatique depuis que Donald Trump a annoncé vouloir faire payer à Mexico le coût d’un nouveau mur frontalier. Rex Tillerson est aussi attendu le 16 février, à Bonn, pour une réunion avec ses homologues européens du G20.
RFI