Rendez au peuple ce que la République vous a gracieusement et sans mérite particulier offert, pour des services rarement rendus : vos privilèges ! La semaine dernière, la presse, dans un bel élan de louanges douteux, salué le geste « généreux » du président de la République : un milliard aux éleveurs victimes de pluies mortelles pour leur cheptel.
J’ai vainement cherché la remarque, la réflexion, un brin de commentaire, que quand même, il est parfaitement normal qu’un président vole au secours de ses concitoyens victimes des agressions de la nature. Je dis bien le président en tant qu’institution et non Macky Sall, citoyen comme Mademba ou Massamba.
Le président dont le Parlement, chaque année lui vote un « budget » généreux et qui se trouve hors du contrôle des institutions qui surveillent l’usage que nos élus, dirigeants et autres font de nos maigres ressources. Le milliard aux éleveurs de Macky, c’est l’argent de nos impôts à lui octroyé dans des conditions peu transparentes par des élus peu regardant sur sa destination. C’est une part du budget national, voté par des députés. La seule différence, c’est que sa destination est multi-sectorielle et son usage des plus obscurs.
En République, tout geste, acte, du président doit être estampillé « pour » et au « nom » de la République, et perçu comme des actes d’un mécène privé. C’est le gouvernement qui fait son travail en volant au secours de ses concitoyens en grande souffrance. De ce point de vue, la ministre de l’élevage n’aurait pas dû être simple objet de décoration, assise à côté du chef, qui lui faisait des confidences. La République n’est pas un royaume et le président n’est pas un monarque, condescendant et compatissant envers des sujets dans le désarroi. Cela a, semble t-il, échappé aux laudateurs et autres griots du prince.
Par contre, il est d’autres citoyens privilégiés par le fait du prince, qui devraient avoir l’empathie plus généreuse : les directeurs généraux, ministres, députés, tous ceux qui vivent si grassement des faveurs de la République auraient dû, devraient, mettre la main à la poche pour venir en aide aux sinistrés des intempéries. Un mois de salaire pour chacun ne tuerait personne d’entre eux, et montreraient que s’ils vivent des largesses de la République, ils peuvent aussi être capables de retour d’ascenseur non politique.
Des ristournes sur des salaires indécents dans un pays ou sept départements, nous dit-on, sont au bord de la famine. Dans une République ou les uns meurent de faim pendant que d’autres s’étouffent de trop manger, c’est une provocation de parler « d’un Sénégal de tous, un Sénégal pour tous ». Et une grosse blague de chanter à tue-tête et rêver éveillé de « l’émergence » !
Émergence quand des quartiers entiers vivent le calvaire de manque d’eau depuis des semaines et, qu’on leur annonce, que cela va durer jusqu’à fin juillet. Et le ministre en charge de ce département, garde un silence de cimetière, et, dit-on, renégocie le prochain contrat qui régira le secteur. Qui s’indigne de ce crime en cours d’exécution ? Personne ! Tous ou presque, préparent le grand théâtre électoral de l’année prochaine.
Allez citoyens, vous pouvez mourir de soif, et aussi des maladies, dans le silence, parce que voyez vous, ceux qui veulent faire votre bonheur si vous les élisez l’année prochaine, n’ont vraiment pas votre temps.