ETAS-UNIS: La maman qui divise l'Amérique
L'image interpelle: à la Une de «Time» daté du 21 mai, Jamie Lynne Grumet, 26 ans, donne le sein à son fils de trois ans, grimpé sur un tabouret. Provocation? Pour la jeune mère de famille, il ne s'agit que de défendre un mode d'éducation qui rencontre beaucoup de succès outre-Atlantique, l'«attachment parenting». Cette «éducation par l'attachement» implique un fort engagement des parents, et en particulier de la mère. Il est défendu par le pédiatre Bill Sears et promet à ses adeptes de garantir le développement et le bien être de l'enfant. Véritable théorie de la «mère totale», l'«attachment parenting» peut ainsi contraindre ceux qui le pratiquent à éduquer leurs enfants à la maison, à les laisser dormir dans le lit parental ou, comme dans le cas de Jamie Lynne Grumet, à allaiter tardivement.
«Ma mère m'a allaitée jusqu'à mes six ans», explique dans «Time» la jeune femme avec fierté. «J'avais tant de confiance en moi lorsque j'étais enfant. Je sais que c'est grâce à ça. Je n'ai jamais eu l'impression que ma mère allait me quitter, je ressentais une sécurité.» Logiquement, Jamie Lynne a donc choisi d'allaiter son fils Aram, 3 ans. Elle continue également d'allaiter, à intervalles plus espacés, son fils adoptif, âgé de 5 ans. En bonne disciple de Bill Sears -«un esprit très doux», selon ses propres mots- Jamie Lynne reste chez elle pour s'occuper de ses enfants et se charge de les éduquer.
Des fondements scientifiques douteux
Cette théorie de l'«attachment parenting» est très critiquée. «Time» note par exemple que Bill Sears n'hésite pas à s'appuyer sur des conclusions farfelues, selon lesquelles un bébé qui crie risque d'être victime de lésions cérébrales. Mais, outre des fondements scientifiques qui suscitent des questions, les préceptes du docteur Sears sont contestés parce qu'ils font la promotion d'une mère entièrement soumise aux besoins de son enfants, au point de culpabiliser les femmes qui font le choix de travailler ou les parents qui tentent d'avoir une vie sociale.
L'écrivain Erica Jong avait ainsi pris la plume en 2010 dans le «Wall Street Journal» pour dénoncer l'«attachment parenting» et plaider «la liberté de choix» pour les mères. La tribune, qui a eu un certain écho, citait un ouvrage publié cette année-là en France: «Le Conflit: la Femme et la Mère», d'Elisabeth Badinter, charge contre les exigences de cette «nouvelle» maternité. Le livre vient justement d'être publié aux Etats-Unis.
Pourtant, les nombreuses attaques contre l'«attachment parenting» ne dissuadent pas ses partisans. Sans aller jusqu'aux extrêmes prônés par Jamie Lynne Grumet, de nombreuses stars ont ces dernières années fait étalage de leur foi en l'allaitement, comme Gisele Bündchen ou Alyssa Milano. Cette dernière a d'ailleurs vivement critiqué «Time» sur Twitter pour sa une couverture «extrême et qui exploite» l'enfant et sa mère. La chanteuse Beyoncé, qui a récemment donné naissance à une petite Blue Ivy, a pour sa part imputé sa perte de poids rapide après l'accouchement au fait qu'elle a allaité son enfant. Quant à la jeune Jamie Lynne, elle écarte les critiques sur son choix d'allaiter son fils très tard: «Il y a des gens qui me disent qu'ils vont appeler les services sociaux ou que c'est de l'abus sexuel. Je ne crois vraiment pas pouvoir raisonner ceux-là.»
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