Politique

De la peur à la vanité (Par Moustapha Niasse)


Samedi 16 Juillet 2011

Le discours de Wade devant ses militants n'aura pas surpris.


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Muet pendant trois semaines, après le tsunami politique, psychologique et moral que lui a causé le soulèvement populaire du 23 juin, devant l'Assemblée Nationale, à Dakar, le président de la République, égal à lui même, a, encore une fois, utilisé, sans se gêner, la mise en scène, la ruse et le ton de la comédie, pour réagir, devant ses militants rassemblés, à l'appel solennel et au message pathétique que les citoyens du Sénégal lui ont lancé.

C'est à la fois tragique et désolant.

Il est indéniable que l’homme a été tétanisé par le déroulement des évènements du 23 juin 2011. Tellement il croyait que le peuple sénégalais était devenu amorphe, dépourvu de volonté et même résigné.

De le voir ânonner, perdu dans son texte est simplement triste. Laborieusement penché sur ses notes au contenu dérisoire et élémentaire, il n’a cessé de naviguer entre des notions éculées et des promesses sans consistance sur le statut des femmes, le plan Sésame prétendument élaboré pour des soins de santé gratuits en faveur des personnes âgées, plan qui déjà a été un cuisant échec, sur l'emploi des jeunes, la banque des paysans et des éleveurs et tant d'autres chimères évanescentes dans les brumes d'un octobre de vie que l'élu du 19 mars 2000 refuse obstinément de reconnaitre.

Pourtant, comme l’œil de Caïn, la réalité est là, faite de trahisons cumulées, de reniements successifs et d’opprobre frontalement affichée aux yeux du peuple. Par son fait exclusif.

Vanitas vanitatis omnia vanitas (vanité des vanités, tout n'est que vanité.)

Wade n'éprouve plus le moindre respect pour son pays, que ce discours va encore contribuer à discréditer davantage en Afrique et dans le monde. Il n’en a pas, il n’en a plus pour les Sénégalais qui souffrent jusqu'aux partisans du vieux président, devant tant de légère portance de ce qui reste de dignité et d'honneur au peuple.

On se perd en conjectures et en questionnements. Et cet homme ne peut même pas bénéficier de la jactance du Cid de Corneille où l’on voit Don Diègue ployant sous le poids des ans et s'écriant : « ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie, N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? » et ajoutant, avec regrets, « ce bras qui tant de fois a sauvé cet empire... »

Griserie du pouvoir ?

Incontinence d'inconscience générée par une cyclothymie irréversible ?

Accoutumance de production d'adrénaline irrépressible et propice à des provocations envers le peuple, se croyant à l'abri d'une immunité adossée à l’ombre du parapluie de la fonction et de la position du moment ?
Sans doute tout cela à la fois !

Faut-il prendre l'homme en pitié ? Non !

Faut-il croire que, comme Cadmos, à la fin de son règne, en Phrygie, le président Wade qui ahane à nous gouverner, n'a plus aucune prise avec les réalités de la vie, de la nature et de Dieu Lui-même et, pourquoi pas, des hommes ?

C'est grave. C'est dramatique. C'est révoltant.

Tout simplement, cela n’est plus acceptable.

C'est pourquoi le peuple souverain ne peut que poursuivre sa marche résolue contre le régime vieillissant de cet homme, en dehors de toute passion personnalisée, pour sauver ce qui peut encore être sauvé.

Le Mouvement du 23 juin a, avec le peuple debout, posé le premier jalon de la mobilisation.

Le 23 juin, l'histoire était au rendez-vous.

Elle y est encore. Et, avec elle, la jeunesse de notre pays.

L’histoire attend que nous allions, ensemble, aux prochaines échéances électorales, en exigeant transparence, légalité, contrôle contradictoire, gestion saine du processus jusqu'à la victoire du peuple souverain et, par-dessus tout, l’unité de tous les patriotes, qui exigent que chacun laisse sur le quai les ambitions personnelles, les calculs politiciens, les plans de carrière et les appétits de pouvoir.

Il s’agit d’une mission, qui se fonde solidement sur un devoir patriotique.
Nous le devons au Sénégal. Nous le devons aux Sénégalais. Et, à cet effet, tous les sacrifices sont permis. Nous le devons, aussi, aux générations à venir.

Les quolibets et les sarcasmes que Wade produit à profusion relèvent du surréel.

L’homme n’est plus avec nous. Il vit dans un autre monde. Cet homme ne devrait-il pas plutôt méditer le spectacle d’Agamemnon, souverain déchu, accroupi au bas des murs de Troie en flammes ?

Cet homme qui situe, présentement, ses prétentions, en termes de suffrages, à 25 pour cent des électeurs, parle d'organiser des élections dans un délai de 40 jours. Encore une ruse plantée au cœur d'un sursaut de vanité pitoyable.

M. Wade sait bien, et mieux que quiconque, que les mesures à prendre pour assainir, dans le fond comme dans la forme, les réseaux de fraude qu’il a élaborés et mis au point, requièrent, au moins, l’utilisation du délai des six mois qui nous séparent, constitutionnellement, de la date du 26 février 2012.

Nul n’a le droit de s’amuser avec la République, avec l’Etat, avec l’avenir d’une nation, avec le destin des hommes. Wade portera la responsabilité entière du mépris avec lequel il traite le peuple et notre pays.

Quant à ceux qui continuent à s’entêter, s’échinant à défendre, encore, Wade et l’indéfendable échec, il y a lieu de leur rappeler que la sagesse recommande de ne jamais planter sa tente au bas d’une digue qui est sur le point de s’écrouler.

Il ne faut nullement l'écouter, voire prêter la moindre attention aux élucubrations verbales de ce nouvel Empereur romain qui chevauche, allègrement, sur les traces de celui-là qui, au 1er siècle de notre ère, en arriva, sur la terrasse de son palais, à jouer de la harpe, déclamant des poèmes orgiaques, quand, sur son ordre insensé, ses derniers affidés venaient mettre le feu à sa capitale, Rome.

Ne nous laissons donc pas divertir.

Ni le Mouvement du 23 juin et sa forte charge de patriotisme en éveil, ni l'esprit qui l'a fait surgir du tréfonds de notre patrimoine historique, de grandeur vécue et d'honneur assumé, ne nous le pardonneraient.


Moustapha Niasse

La Rédaction