Economie

DETTE PUBLIQUE: L'ENDETTEMENT DU SÉNÉGAL EN QUESTION


Mercredi 2 Avril 2014

La fréquence et l’importance des emprunts à court terme entre 2006 et 2012 ont contribué largement à alourdir le fardeau de la dette du Sénégal dont le niveau est jugé «viable», mais présente des vulnérabilités que la Stratégie de gestion de la dette à moyen terme (SDMT (2013-2016) qui a déjà fait des résultats, tente de réduire. Une stratégie qui a fait l’objet, la semaine dernière, d’un atelier organisé en collaboration avec le Cojes (Collectif des journalistes économiques du Sénégal).


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La capacité d’endettement du Sénégal est intacte et on parle de la viabilité de la dette. C’est-à-dire que l’évolution du ratio de la Valeur actualisée nette (VAN) de la dette publique externe sur les exportations de biens et services et sur les recettes budgétaires (ratios de solvabilité et de liquidité) est en-deçà des seuils de soutenabilité. Il n’empêche, entre 2011 et 2012, le stock de la dette publique a augmenté de 371 milliards de francs CFA en valeur absolue (13,75% en valeur relative). 

Aussi avec un taux d’endettement public qui s’est situé ainsi à 42,9% du PIB, dont 31,8% pour la dette extérieure et 11,1% pour la dette intérieure, contre 39,7% en 2011, l’analyse de la viabilité de la dette publique indique un risque de surendettement faible certes, mais avec une vulnérabilité qui s’accroit.

Or, il est question pour les pays comme le Sénégal qui en ont bénéficié d’éviter de retourner à la situation antérieure au PPTE et à l’Initiative de l’allègement de la dette multilatérale (IADM), ainsi que l’a rappelé, dimanche dernier à Mbour, Souleymane Sène, chef de la Division de la politique d’endettement et de la stratégie d’intervention sur les marchés à la Direction de la dette publique.

M. Sène intervenait dans le cadre d’un séminaire de formation organisé en collaboration avec le Collectif des journalistes économiques du Sénégal(Cojes), portant sur la «Stratégie de la dette à moyen terme du Sénégal». 

Le Sénégal qui vise à déterminer une composition souhaitée du portefeuille de la dette et qui reflète les préférences du gouvernement par rapport au compromis coût-risque, en application du règlement n°09/CM/UEMOA du 04 juillet 2007, a élaboré sa première stratégie en 2012 (SDMT 2013-2016). Celle-ci  «a d’ailleurs été annexée à la loi de finances de 2013 lui donnant ainsi une force légale», a précisé M. Sène.  

En gros, ladite stratégie recommande d’allonger l’échéance de la dette émise sur le marché régional- qui est assortie d’une échéance moyenne très courte- afin de minimiser les risques de refinancement, et qui préconise aussi de continuer à accorder la priorité au financement concessionnel (longues maturités et coûts faibles) pour minimiser les coûts d’emprunt. 

Le recours occasionnel aux emprunts non concessionnels serait considéré en cas de besoin. Il apparaît ainsi que si le risque de surendettement du Sénégal est jugé « fiable », c’est uniquement dans l’hypothèse d’un assainissement des finances publiques et d’un renforcement de la gestion de la dette.

C’est dans cette dynamique de gestion de la dette qu’il a été créé une Direction de la dette publique qui regroupe désormais les deux unités auparavant responsables séparément de la gestion de la dette intérieure et de la dette extérieure ainsi que ainsi que des interventions sur le marché. 

Cette nouvelle unité créée début 2012 et localisée au sein de la Direction générale de la Comptabilité publique et du Trésor (DGCPT), remplace le Comité national de la dette publique (CNDP) créé en juillet 2008, qui assurait le suivi de la dette publique et élaborait sa propre analyse, de viabilité de la dette publique, mais souffrait d’importants problèmes de consolidation dans ses activités.

Avec la réalisation des objectifs fixés dans le PSE(Plan Sénégal émergent) et devant la multiplicité et la complexité des offres de financement, l’Etat, à travers sa SDMT, se dote d’un outil lui permettant de se prémunir des risques éventuels.

Endettement inconsidéré

Les «dérapages» de l’ancien régime à travers un ré endettement rapide dans des conditions coûteuses ont nécessité un recadrage et un re-profilage de la dette publique. La dette publique extérieure qui représente environ 80 % du montant total de la dette publique sénégalaise, s’inscrit dans une tendance haussière depuis 2007, notamment depuis le lancement des premiers projets d’infrastructures de transport, en 2009.

Parallèlement, la dette publique interne qui représente près de 20 % de la dette publique totale, augmente également depuis 2007, en particulier depuis 2010. Au total, depuis les annulations de dette effectuées en 2006, la dette publique globale du Sénégal n’a cessé de croître pour atteindre près de 34 % du PIB en 2010, puis s’est établi à près de 39 % du PIB en 2011, correspondant à une progression de 17 points de PIB en cinq ans.

Par ailleurs, depuis 2009, la part des dettes non concessionnelles s’est accrue dans la structure de la dette publique en raison de la progression de l’endettement interne réalisé aux conditions du marché régional, et de la croissance de la dette externe levée sans concessionnalité. 

Ainsi, après les 200 M USD (100 Mds de FCfa) levés en décembre 2009 sur une maturité de 5 ans, à un taux d’intérêt de 8,75 %, le FMI a de nouveau autorisé le gouvernement sénégalais à lever 500 M USD d’Eurobonds en mai 2011 (soit l’équivalent de 250 Mds FCfa), pour la période 2011-2013 à des conditions non concessionnelles pour le financement du prolongement de l’autoroute à péage.

Du fait des remboursements de cet eurobond de maturité 10 ans qui creusent davantage le déficit du compte courant et qui menace les ratios de soutenabilité,  les ratios de liquidité atteindront leur pic en 2021 (13,3% des exportations et 14,6% des recettes budgétaires), selon les projections. Rappelons que le taux d’intérêt de ces obligations à 10 ans (y compris commission et couverture) est de 9,25 %, contre une moyenne de 6 % sur la dette interne, et de 2,5 % sur la dette externe concessionnelle.

Il faut se demander si le Sénégal sera en mesure de rembourser cet emprunt qu’il devra payer en une fois et, il n’est pas exclue qu’il soit obligé d’emprunter de nouveau à cet effet.

Tout compte fit, la stratégie de gestion de la dette à moyen terme vise à rompre avec cette spirale d’endettement inconsidéré. Il convient cependant de se demander dans quelle mesure les pays dits «émergents» comme la Chine, constituent-ils une menace pour la soutenabilité de la dette ? 

SENEPLUS


Abdoul Aziz Diop