Opinion
Contribution: PAR DEVOIR DE VÉRITE PAR ABDOUL AZIZ TALL
Vendredi 22 Aout 2014
Dans un contexte marqué par un brouillard politique, né de la confusion suscitée délibérément par des politiciens malveillants, où des certitudes et des convictions premières vacillent sous les assauts répétés de contre-vérités savamment distillées, il me parait essentiel, par devoir et au nom de la vérité, de porter un témoignage du dedans, reposant sur des faits profondément vécus et des expériences avérées. Au demeurant, il est des moments dans la vie où se taire, c’est se faire le complice des faussaires, des imposteurs et des hypocrites.
C’est du reste cette vérité-là, que soutient Ella Wheeler Wilcox lorsqu’elle affirme : « Pêcher par le silence, lorsqu’ils doivent s'exprimer, transforme les hommes en lâches ».
Fort d’une expérience d’une trentaine d'années dans l'Administration publique sénégalaise, à des niveaux souvent très élevés, je rends grâce à Dieu de m'avoir toujours permis d'exercer mes fonctions, tout en respectant du mieux que je pouvais, les valeurs aux- quelles sont associées les règles d'éthique et de déontologie.
Mes rapports avec mes supérieurs, mes collègues et collaborateurs, ont toujours été empreints de sincérité et de franchise soutenues par un esprit d'équipe, de respect et de considération. Je me suis toujours abstenu de verser dans le laudatif, le larbinisme ou tout autre attitude que réprouvent la morale et les principes qui guident le management des organisations.
Loin de moi la suffisance, l’arrogance ou la prétention qui caractérisent le donneur de leçons emmuré dans ses certitudes. Si j'ai pris ma plume aujourd'hui, c'est pour porter un témoignage devant une situation où me taire reviendrait à subir la sentence d’Ella Wheeler Wilcox. Le Président Macky Sall et son épouse ont fait l'objet ces temps derniers d'une campagne qui cherche à accréditer l'idée selon laquelle, c'est cette dernière qui serait "le véritable preneur de décisions", notamment dans des domaines qui concernent le fonctionnement de l'Etat.
Certes, le dérapage noté dans le discours de passation de service au Ministère des Sports suite au dernier remaniement, a servi de prétexte à tous ceux-là qui veulent créditer une telle opinion. A l’évidence, cette cérémonie a été marquée par une bourde, à bien des égards, parce que le discours qui a donné lieu à cette polémique s'est tenu dans un contexte et un environnement qui transgressent les règles et les principes qui fondent le fonctionnement d'une administration publique.
Point n’est besoin de rappeler que ces principes reposent, entre autres, sur la neutralité du service public, son caractère impartial et impersonnel. L'obéissance à ces principes interdit dès lors que les cérémonies de passation de service donnent lieu à des manifestations festives où sont conviés les amis, les membres de la famille ou tout autre acteur partisan.
L'inobservance de cette règle a provoqué une atmosphère qui s'est prêtée à ce genre de discours malheureux, parce que tenu dans un environnement inapproprié. Car en réalité, des témoignages qui confondent des conjoints dans les mêmes éloges, n’ont de place que dans le discours oral prononcé à l’occasion de nos cérémonies familiales.
Dans un tel cadre, ce type de discours n'aurait choqué personne. Il serait même de bon aloi suivant nos us et coutumes. Ce dérapage est donc la conséquence d'un glissement, voire d'une confusion entre le cadre de référence formel qu'est le service public et le cadre de référence informel d'une cérémonie dans la pure tradition sénégalaise.
Pour éviter que de tels écarts ne se reproduisent à l'avenir, le président de la République a pris la décision que désormais, les passations de service se feront conformément aux règles qui régissent le fonctionnement de nos institutions.
Je suis d'autant plus fondé à croire que les propos incriminés ne doivent pas être considérés au premier degré, que j'ai eu moi-même à partager des situations avec le Président Macky Sall qui m'autorisent à affirmer que l'on est bien loin de cette image caricaturale qu'on cherche obstinément à lui coller.
Ce n'est un secret pour personne que tout décideur, qui se soucie de la pertinence de sa décision, a naturellement recours à l'avis d'experts, de collaborateurs certes, mais aussi d'acteurs informels qui peuvent contribuer à affiner ou sécuriser un processus décisionnel.
C'est un principe universel reconnu et même conceptualisé dans les manuels qui traitent du management des organisations. Ces questions sont abordées dans les chapitres consacrés au formel et à l'informel dans l'Entreprise. Et curieusement, dans la plupart de ces manuels, les exemples de consultations informelles qui y sont donnés se réfèrent le plus souvent à des contextes de remaniements ministériels.
Le Professeur Laurin fait remarquer, dans un de ses ouvrages consacré au processus de décision, que l'informel doit être pris en compte, en dehors du champ formel composé des experts, des collaborateurs et collègues de service. A cet égard, il partage l’avis d’André Maurois qui affirmait : « qu’il faut juger parfois contre le respect infiniment dangereux de la toute-puissance de l’expert ».
Et le Professeur Laurin d'ajouter, pour étayer ses propos, que le constat était récurrent, à chaque fois que des rumeurs de changement de gouvernement se propageaient dans les provinces du Canada, de voir se multiplier les manifestations de sollicitude et de bienveillance à l'égard de l'épouse du Premier ministre.
L'idée que sous tend un tel constat est que le conjoint peut bien aider à asseoir, affiner, consolider une décision, une position ou alors exercer une influence positive en tant que conseil.
Une telle conception des rapports entre le formel et l'informel se conçoit donc parfaitement, même dans les plus grandes démocraties du monde.
L'honneur et le privilège que j’ai eu d'être consulté sur certaines grandes décisions, pendant que j'occupais les fonctions de Délégué général à la Dgreat et tout récemment, en ma qualité de Directeur de Cabinet du président de la République, d'avoir vécu avec lui des périodes cruciales, me donnent la certitude que c’est dans cet exercice, à la fois délicat et périlleux, que l’on mesure pleinement la capacité d’un leader à assumer ses responsabilités face à l’importance des enjeux multiformes.
Moment intense, critique, moment solennel où peut se jouer l’avenir de toute une nation, puisqu’il s’agit de prendre des décisions graves et de procéder à des arbitrages forcément douloureux.
Je puis témoigner, pour avoir été présent à certaines de ces occasions cruciales, que le Président Macky Sall a toujours fait montre d’un calme olympien et d’une rare sérénité, en dehors de toute contrainte ou pression de quelle que nature que ce soit. Autant de qualités essentielles qui font la marque d’un leadership accompli.
Le nombre de personnes pressenties, la composition de l’architecture, les différentes combinaisons qui se font et se défont durant tout cet exercice attestent qu’on est bien loin d’un scénario prémédité.
Mieux, à chacune de ces occasions, son épouse était bien loin du théâtre des opérations. Et comment ne pas l’avouer, j’ai été même surpris par son détachement, sa réserve, voire son inaltérable circonspection dans ces circonstances. J’aurais été dubitatif si, par moments, elle cherchait à comprendre ce qui était en train d’être fait par son époux et ses collaborateurs.
Mais pas une seule fois, elle n’a été prise à défaut d’immixtion dans le travail qui se faisait. Je peux même affirmer, en âme et conscience, que lors du dernier remaniement, la Première dame Mme Sall, a appris la liste du Gouvernement en même temps que les noms étaient divulgués par la télévision sénégalaise, juste après la rupture du Jeûn.
Ses réactions pendant que les noms des Ministres étaient déclinés ne laissaient aucun doute sur le fait qu’elle était loin d’être dans le secret des dieux. L’environnement était tel qu’il n’y avait pas de place à la simulation. Durant cette soirée, je m’en voudrais de ne pas partager deux faits que j’ai pu constater et qui témoignent éloquemment des qualités de générosité et de piété de cette dame. En effet, lorsqu'en arrivant au salon où nous venions de terminer
le repas de la rupture du jeûn, son époux l’a encouragée pour les actions qu’elle menait en direction des nécessiteux, sa réponse a été de dire qu’elle "ne consacrera jamais l’assistance que lui apporte son mari, à acheter pour elle-même des effets personnels"."Ne serait qu’un gramme d’or", avait-elle martelé.
L’autre fait marquant est qu'au moment où les commentaires sur le remaniement se faisaient au sein du groupe restreint des collaborateurs du Président, son épouse se retira dans un coin du grand salon, alternant prières et lecture du Coran. Et jusqu’au moment où nous prenions congé du Président, elle était encore dans cette posture de retraite spirituelle.
Au nom de la vérité, il m’a semblé important de porter ce témoignage, là où certaines personnes, après avoir bé- néficié de la confiance du chef de l’Etat à des niveaux de responsabilités élevés, se retournent aujourd’hui contre lui et cherchent à le discréditer en utilisant leur position antérieure.
Il y a lieu de s’interroger sur les fondements de l’éthique et du professionnalisme qui leur avaient valu d'être promus à ces postes hautement stratégiques.
Ces individus rappellent tristement le coureur américain Lance Armstrong qui, après avoir remporté plus de six fois le Tour de France, s’est révélé plus tard un vulgaire tricheur qui ne méritait nullement les trophées qui lui étaient décernés et les honneurs qui l’accompagnaient.
Ces "Armstrong" de la haute administration devraient se rendre à l’évidence qu’en voulant discréditer le chef de l’Etat ou son épouse à partir de faits ou anecdotes supposés, fondés sur la malveillance, ils viennent plutôt de prouver qu’ils ne méritaient pas la confiance qui avait été placée en eux par la plus haute autorité de l'Etat.
A coup sûr, leurs futurs collaborateurs, leurs collègues, leurs voisins et l’opinion en général apprécieront leur véritable nature. Car ce sont eux qui seront , en définitive, les premiers juges face à cette déloyauté innommable de ces franc-tireurs.
Le style de management du Président Macky Sall n’est ni directif, ni solitaire, encore moins autocratique. Il laisse la place à l’échange, à la concertation où ses positions ne sont ni dogmatiques ni immuables.
Tel le Général De Gaulle, il a parfaitement compris que "pour gouverner, il faut écouter tout le monde et décider seul". Dès lors, si l’on est animé d’un souci de loyauté et de fidélité, l’on peut aisément développer avec lui une collaboration franche et fructueuse.
Vouloir servir un homme d’Etat tout en s’évertuant à faire prévaloir un esprit égocentrique, n’est pas de nature à l’aider à assumer pleinement sa mission.
Ce désir vil et égoïste, ces attitudes cauteleuses entrainent souvent ce genre de départ peu glorieux, qui débouche sur de soi-disant révélations qui n’ont d’autre objectif que de chercher un hypothétique fonds de commerce.
Ces postures qui jurent d'avec l’éthique, conséquences d’une frustration aux relents de chantage, n’honorent décidemment pas leurs auteurs. De toutes les façons, ces réactions seront appelées à connaitre le destin d’un feu de paille.
Que ces malintentionnés se souviennent donc toujours de ces propos pleins de sens de Thomas Corneille : « Mais quand du plus beau feu l’on s’est montré capable, qui trahit un moment reste toujours coupable ».
Abdoul Aziz Diop
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