Opinion
Contribution: Non, Président Wade, vous ne pouvez pas renverser Macky Sall
Mardi 13 Mai 2014
« Je peux renverser le président Macky Sall à tout moment »... Avez- vous pris l’exacte mesure de votre déclaration ? Nous sommes dans un système démocratique dont le rendez-vous électoral périodique est une des marques distinctives.
Et c’est lors d’un de ces rendez-vous, celui du 25 mars 2012 notamment, que le peuple sénégalais, à plus de 65%, a élu votre challenger, en l’occurrence le président Macky Sall.
C’est encore, trois ans plus tôt, que ce même peuple avait sanctionné le pouvoir que vous incarniez en faisant basculer toutes les grandes villes et de nombreuses autres collectivités locales vers l’opposition.
C’est également ce même peuple qui s’est dressé, avec courage, discipline et fermeté, contre le projet de ticket présidentiel qui consacrait le principe d’une élection au premier tour avec 25% des suffrages (une première dans les démocraties) qui cachait mal votre projet de dévolution monarchique du pouvoir.
Trois défaites exemplaires qui ont fermé une page de notre histoire politique pour en ouvrir une nouvelle, celle d’une nouvelle ambition, d’une nouvelle gestion, d’un nouveau cap.
Vous ne pouvez pas, sorti de ces occurrences historiques, « renverser » le président démocratiquement élu. Les raisons sont aussi simples que pertinentes.
Raison 1. L’ancrage populaire du président Macky Sall et sa légitimité électorale sont incontestables. Trois preuves tangibles confortent une telle affirmation. Les résultats de mars 2012 sont une preuve chiffrée (1).
L’adhésion à une politique nouvelle qui fait du vécu quotidien des Sénégalais le cœur de ses épreuves en est une autre. Je cite, sans être exhaustif, la maîtrise de l’inflation (autour de 1%), les baisses de la fiscalité sur les salaires et du coût du loyer, les bourses de sécurité familiale et la couverture maladie universelle, l’amorce d’une véritable politique de l’emploi qui nous vaut plus de cent mille nouvelles créations (secteurs privé et public) et le projet entreprises en difficulté, l’appui au monde rural et la relance des bases de notre agriculture, l’amorce d’une nouvelle approche de l’aménagement du territoire et les immenses progrès vers la paix en Casamance... (2).
Enfin, le consensus national de toutes les forces vives nationales autour du Plan Sénégal émergent, en sus de l’accueil engageant de la communauté des bailleurs de fonds et du secteur privé international. Le Sénégal aborde ainsi une séquence fort importante dans sa stratégie de décollage économique et social. Soutenir le contraire relève d’un manque manifeste de discernement.
En somme, vous avez en face de vous la force et la puissance de la légitimité qui sont les meilleurs parages à toutes les tentatives de déstabilisation.
Raison 2. Passée l’euphorie des premiers moments, le buzz médiatique et l’effet de curiosité, les Sénégalais qui étaient sortis lors de votre arrivée sont retournés à leurs préoccupations quotidiennes. Ils n’ont pas accepté votre propos menaçant contre l’ordre démocratique. Ils n’ont pas accepté d’être les instruments d’une démarche aventurière contre la stabilité politique et la cohésion sociale.
C’est pourquoi là où vous avez pensé trouver le terreau pour votre stratégie de déstabilisation, là vous avez entendu la voix de la paix, le silence des passions et l’écho de la responsabilité ! Ils n’ont pas accepté de servir les desseins tout à fait personnels qui vous animent et qui se résument à la libération de votre fils qui, telle est votre intime conviction et votre obsession fixe, doit forcément diriger ce pays.
En d’autres termes, ils ne pensent pas comme vous que ceux que le peuple sénégalais a choisis ne méritent pas de diriger le Sénégal. Vos propres autres compagnons ne méritent pas de diriger le Sénégal. Seul vous et/ou votre fils méritent de diriger le Sénégal.
Vous parlez en démocrate et agissez en monarque, comme dirait l’autre. Or, le temps de la monarchie est forclos. C’est le peuple sénégalais qui vous l’a rappelé par les trois défaites dont je parlais tantôt. Par ailleurs, permettez cette piqûre de rappel, pour en finir avec cette raison 2 : face aux quelques milliers de personnes animées de conviction qui ont animé la journée historique du 23 juin et les commémorations exemplaires à la place de l’Obélisque, vous n’aviez trouvé d’autre réponse que les mobilisations monstres de la VDN et vous parliez alors de 3 à 4 millions de personnes. Que s’est-il passé le 25 mars 2012 ?
L’histoire se répète deux fois en général, la première fois comme tragédie et la deuxième fois comme farce.
Raison 3. La légalité républicaine est au cœur du système démocratique. Et ce système consacre des droits, mais aussi trace des limites lorsque l’enjeu est de défendre le référentiel minimal qui permet au système de fonctionner : la stabilité de l’espace public qui permet au pluralisme de s’exercer. De ce point de vue, la fonction régalienne de l’Etat est non négociable.
Certes, il y a les droits de l’homme et personne n’ose douter du fait que le Sénégal est une référence en la matière. Mais aussi, il y a les droits du pays dont la primauté est incontestable. De même, il y a les droits de la vérité assis sur le socle de la défense du bien public. La démocratie est, ainsi, exigeante parce qu’elle est également un ensemble de règles du jeu qui équilibrent les relations entre les acteurs en les inscrivant dans un cadre légal et régulé.
Monsieur le président, vous ne pouvez donc pas renverser Macky Sall. En faisant d’ailleurs allusion à un tel scénario, vous ruinez vous-mêmes la crédibilité de votre discours. C’est un des éminents responsables de l’hebdomadaire dans lequel est parue votre interview qui le dit et dont le propos conclut cette fausse lettre ouverte :
« Chez lui, les idées fusent et s'entrechoquent en permanence (...). Et se traduisent trop souvent en paroles un peu rapides. Sans doute aurait-il dû éviter de déclarer tout de go qu'il peut « renverser Macky Sall à tout moment » en lançant la population sur le palais. Sans doute aurait-il dû aussi épargner à nos lecteurs ses nombreux accès de fièvre narcissique, comme lorsqu'il évoque, entre autres, son « aura », « ses résultats » ou ces « millions de Sénégalais qui l'ont accueilli ». Peut-être aurait-il dû enfin se garder de dénoncer l'absence de démocratie dans son pays aujourd'hui, lui qui, hier, a si souvent essayé de s'affranchir de ses règles les plus élémentaires lorsqu'il était président. Notamment à la fin de son règne. Le pire, c'est qu'il n'a cure du qu'en-dira-t-on ou de la portée de ses propos... ».
SENEPLUS
Abdoul Aziz Diop
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