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LA COUR AUX BINATIONAUX Wal Fadjri : Vous êtes conseiller spécial à la Fédération sénégalaise de football, chargé essentiellement de convaincre les binationaux de porter le maillot du Sénégal. Que ressentez-vous en voyant la sélection marcher fort avec dans ses rangs plusieurs franco-sénégalais qui ont choisi le pays de leurs parents grâce à vous ?
Saër Seck : J’ai comme passion le football. Augustin Senghor (Président de la Fédération sénégalaise de football, Ndlr) est un ami de longue date. Nous avons travaillé ensemble au Comité de normalisation du football (Cnf, la structure d’exception chargée de la relance du football sénégalais, après l’échec de la Can-2008 suivi de la démission des responsables fédéraux de l’époque. Mise en place en 2008, elle a débouché à l’élection des actuels membres de l’instance, Ndlr). Il m’a nommé comme conseiller spécial pour m’occuper de la question des binationaux et d’autres. Tant que j’ai la possibilité et la crédibilité nécessaires pour parler à un certain nombre de jeunes et de les convaincre de rejoindre l’équipe nationale qui est en reconstruction, avec un projet clair, bien pensé et structuré, je ne m’en priverais pas. Je pense que tout Sénégalais qui avait cette possibilité ne se priverait pas. Il n’y a aucune gloriole à en tirer pour l’instant. Peut-être, le jour où le Sénégal gagnera quelque chose et que ces jeunes participeront de manière décisive à cette victoire, là il y aura de quoi être fier. Je joue juste ma partition en tant que passionné de football, et du Sénégal.
Vous étiez vice-président du Cnf avant l’avènement de la Fédération sénégalaise de football. Pourquoi avoir accepté le poste de conseiller, qui est de moindre importance ?
Je l’ai toujours dit, même quand j’étais au Cnf, je ne suis demandeur de rien du tout. Certains journalistes m’accusaient de me préparer pour être président (de la Fédération sénégalaise de football , Ndlr). Mais, ils ont tous été surpris quand j’ai décidé de ne pas être candidat. C’est un poste qui m’a été proposé. Au début, j’avais même refusé. Il a fallu que le président insiste très amicalement. Je ne pouvais plus dire non.
Parmi les joueurs que vous avez eu à convaincre de porter le maillot du Sénégal, quelle est votre plus belle prise ?
Toutes sont belles (rire). Je pense qu’Issiar, ce n’est pas mal. Lamine Sané, non plus. Rémi Gomis, Moussa Sow Cheikh Mbengue, Armand Traoré, ce sont tous de bons joueurs. Et comme je l’ai toujours dit, l’équipe nationale, ce sont les onze meilleurs joueurs. C’est pourquoi, quand on pense qu’il y a un bon Sénégalais quelque part, il faut aller le chercher, lui proposer quelque chose de crédible. Mais en allant le chercher, il faut lui dire qu’on ne s’amuse pas avec notre maillot national. Que les couleurs du Sénégal sont sacrées. Et s’il pense qu’il vient en vacances en équipe nationale, il n’a qu’à rester là où il est. Donc, le discours doit être clair.
Comment se nouent les premiers contacts avec les binationaux ? Et quels sont les arguments que vous mettez sur la table ?
Dans ces dossiers, j’ai rarement été seul. Dernièrement, Amara a joué un rôle important parce que la parole du coach, elle est très déterminante. J’ai été aussi accompagné par Amsata Fall (le Directeur technique national, Ndlr). Les premiers contacts avec Cheikh Mbengue et Lamine Gassama, par exemple, c’était avec un Sénégalais qui vit en France et qui s’appelle Lamine Dramé. C’est lui qui a fait les premiers pas. Il y a aussi les parents des joueurs ciblés qui jouent un rôle très important parce qu’il faut trouver des relais dans les familles. Donc il n’y a pas de stéréotype, car on est dans des relations humaines et chaque cas est un cas spécifique. Il n’y a pas de connaissance technique particulière pour mener à bien les discussions. Il n’y a pas une démarche figée, qu’il faut renouveler tout le temps. Tout dépend de la manière dont les choses s’articulent, de la manière dont on les sent et la nature des interlocuteurs.
‘Issiar Dia avait une peur bleue des xons. La première fois que je suis allé chez lui, il ne m’a quasiment pas reçu ni parlé. Il a fallu que j’avale une partie de mon orgueil pour atteindre mon objectif.’
Les binationaux posent-ils des conditions ? Expriment-ils des craintes ?
Les questions qu’ils posent sont les questions sur le projet du Sénégal. Ce sont des sportifs de haut niveau, ils viennent pour gagner. Donc, ils veulent savoir quel est le projet qui leur est proposé, ils ont envie d’en savoir plus. Et j’avoue que ce n’est pas très difficile de ce point de vue parce que tous suivent l’équipe du Sénégal. Ils regardent tous les matches. Derrière, ils ont besoin de savoir quel type de dirigeant ils ont en face, quelle est la crédibilité du projet ? C’est la raison pour laquelle l’ensemble des questions autour de la relation ministère-fédération doit être définitivement réglé parce que l’équipe nationale est un bien national. Il faut que, de manière définitive, l’Etat prenne en charge les besoins de la sélection, les budgétise et qu’on en donne la gestion à la fédération qui va rendre compte. Qu’on en finisse avec les problèmes de primes de matches, de transport, etc.
Pensez-vous qu’il soit plus facile, actuellement que la sélection marche fort, d’attirer les binationaux ?
Non parce que, par exemple, quand Issiar, Moussa Sow et Tavares venaient, l’équipe nationale n’était rien. A l’époque, la seule perspective que nous avions c’était un match amical contre l’Angola. C’est la volonté de ces jeunes de participer à une œuvre de reconstruction, un projet crédible, qui a été déterminant.
ISSIAR, LA PEUR DES XONS, LE PLUS GROS RATAGE
Qui a été le plus difficile à convaincre parmi les binationaux qui ont choisi le Sénégal ?
C’est de loin Issiar Dia (rire). C’était le plus difficile parce qu’il était très réticent. Pas pour le Sénégal parce qu’il a un amour déraisonnable de son pays. Mais il avait peur de tout l’environnement. Il avait une peur bleue des xons (pratiques mystiques) et cette peur est extrêmement présente dans les familles des binationaux. Leurs parents pensent que si leurs enfants viennent ici, c’est fini pour eux. Je peux vous assurer qu’il m’a fallu beaucoup d’imagination et de patience. La première fois que je suis allé chez lui, il ne m’a quasiment pas reçu. Il ne m’a presque pas parlé. Il a fallu que j’avale une partie de mon orgueil pour atteindre mon objectif. A la fin, je me suis aperçu qu’il s’agissait beaucoup plus de crainte. Aujourd’hui, sa maman est particulièrement heureuse de voir son fils extrêmement épanoui en équipe nationale.
Votre plus gros échec ?
Mon échec, je dirais que c’est un échec qui me fait plaisir parce que le garçon a franchi des paliers importants. C’est Mamadou Sakho du Psg. Il n’est pas venu jouer pour le Sénégal, mais il évolue dans l’équipe française et peut-être bien qu’il va aller au Barça (il est convoqué par Laurent Blanc pour le prochain match de l’équipe de France, mercredi en amical contre le Chili, et est titulaire en défense centrale au Psg, Ndlr). C’est un joueur très talentueux, c’est pourquoi j’avais anticipé sur lui, il y a deux ans pour le convaincre. Mais bon, on va faire sans lui. Il était très à l’écoute et était intéressé par l’équipe nationale, mais il sentait qu’il avait un potentiel qui lui permettait d’évoluer chez les Bleus. Il a attendu et finalement il a été convoqué. (A la fin de l’entretien, Saër Seck nous montre un appel en absence du frère de Mamadou Sakho. Avec ce commentaire : ‘Je garde toujours les contacts, on ne sait jamais. Un jour, il aura peut-être un petit frère’.)
Que répondez-vous à ceux qui s’offusquent que l’équipe nationale soit constituée essentiellement de binationaux et que les joueurs locaux ont de moins en moins de chance d’y figurer ?
L’équipe nationale, ce sont les onze meilleurs joueurs, où ils se trouvent. On est dans la compétition, pas dans l’affectif. Moi, je forme des jeunes et j’aurais souhaité qu’on garde effectivement des places en équipe nationale pour mes jeunes. Sauf que si ces jeunes ne sont pas les meilleurs, ils ne pourront pas défendre les couleurs du Sénégal de la meilleure des manières. Je ne vais pas privilégier un gosse de Diambars alors qu’il y a un autre joueur qui est en France ou ailleurs meilleur que lui. Ça, c’est reconduire l’affaire des quotas à la sauce sénégalaise.
Justement, comment avez-vous réagi à l’affaire des quotas ?
L’affaire des quotas, ce n’est pas mon problème. Même si j’ai été un tout petit peu le détonateur parce que si on n’était pas allé chercher les binationaux, il n’y aurait jamais eu cette affaire-là. Je pense que c’est un problème franco-français. Le travail de Laurent Blanc, c’est de faire la meilleure équipe française sauf que moi aussi le mien, c’est de faire la meilleure équipe du Sénégal possible. De ce point vu, on ne peut pas être copains. Mais, je pense qu’il y a une bêtise qui a été faite dans cette affaire. Honnêtement, c’est un faux débat. Car, à chaque fois qu’un jeune a eu la possibilité d’évoluer en équipe de France A et d’y faire carrière, il la choisit au détriment du Sénégal.
‘On veut déjà jouer comme l’Espagne alors que l’équipe du Sénégal n’a que très peu de vécu. Soyons patients. Tous les germes de l’impatience ont commencé à se faire voir avec la double confrontation avec le Cameroun.’
Comment accueillez-vous les critiques portées sur le jeu des ‘Lions’ ?
Il ne faut pas qu’on danse plus vite que la musique. Notre équipe nationale est en reconstruction. Quand je vois tous les débats à la télé sur le jeu de l’équipe, je frissonne. On veut déjà jouer comme l’Espagne alors que cette équipe n’a que très peu de vécu. Quand on compte le nombre de jours que ces jeunes ont vécu ensemble et se sont entraînés ensemble, ça ne fait même pas 15 jours. Soyons patients. Au Sénégal, dès qu’on gagne deux ou trois matches, on est déjà champion d’Afrique. La seule perspective, c’est comment faire pour gagner la Can en 2012. Or, on sera en apprentissage à la prochaine Can. Ça sera le premier moment où l’entraîneur sera avec ces jeunes pendant deux ou trois semaines pour essayer de monter quelque chose, de faire le maximum de matches. Espérons qu’on sera dans le dernier carré pour jouer soit la petite soit la grande finale. Ça sera très bien. Si on ne gagne pas, tant pis. Il se passera quoi ? Rien. Mais, à ce moment-là on aura créé un groupe qui nous permettra d’être ambitieux en 2013 et les années à venir.
A partir de quelle compétition, l’équipe d’Amara Traoré devra-t-elle légitimement prétendre à un sacre ?
Mon projet au Cnf, c’était jusqu’en 2018. La Coupe du monde 2018 devait en être le point culminant. Il faut être patient et responsable pour la construction de notre football. Tous les germes de l’impatience ont commencé à se faire voir avec la double confrontation avec le Cameroun (victoire 1-0 du Sénégal, le 26 mars à Dakar, et 0-0 à Yaoundé, le 4 juin, Ndlr). On vient d’où ? On a déjà oublié où l’on était en 2008, au soir de notre élimination au premier tour de la Can. On a oublié le soir du match contre la Gambie (1-1, éliminatoires Can et Mondial 2010, Ndlr). On a tout brûlé. Aujourd’hui, après quelques matches, on est les rois du pétrole. Il faut savoir raison garder. On a une équipe jeune, qui apprend, qui va progresser.
L’INSTITUT DIAMBARS, HUIT ANS APRES
Vous dirigez l’Institut Diambars où les footballeurs en herbe poursuivent leurs études. Avez-vous des candidats au Bac, qui a débuté hier (l’entretien a été réalisé le 5 juillet) ?
Cette année encore comme les trois dernières années, nous avons effectivement des candidats aux examens. On a neuf candidats au baccalauréat et treize au Bfem. Les candidats du Bac ont démarré leur examen depuis hier. J’irai d’ailleurs à Saly (dans le département de Mbour, à une soixantaine de kilomètres de Dakar, où est érigé l’Institut Diambars, Ndlr) dès la fin des examens pour faire le point avec eux. Je les avais vus à la veille des épreuves pour les encourager. Sur les dernières années, on a eu des résultats satisfaisants, puisqu’on avait chaque fois près de 75 % de réussite. Ce qui n’est pas toujours évident compte tenu de la charge sportive et de la passion du football qu’ont ces jeunes. Donc cette année aussi, j’espère qu’on sera au moins à ce niveau-là, voire mieux.
‘Les Navétanes sont formellement interdits aux pensionnaires de Diambars. Un joueur de l’équipe pro, qui avait enfreint la règle, avait été privé de 5 ou 6 mois de salaires et de primes.’
En fin d’année scolaire, au moment de fermer les portes du centre, quelles sont les principales recommandations que vous faites à vos pensionnaires qui retrouvent leur milieu naturel, loin du contrôle des responsables de Diambars ?
La grande recommandation, c’est le repos. Car les garçons sont soumis à des rythmes auxquels ils n’étaient pas habitués avant d’arriver à Diambars. Ici, ils ont sept séances dans la semaine qui sont des séances qui durent entre une heure et demie et deux heures. Le total fait 13 heures d’entraînement dans la semaine. Et ce sont des séances intenses au cours desquelles chaque garçon a un ballon. Donc, le grand leitmotiv c’est le repos. C’est vrai que les jeunes dés fois quand ils rentrent chez eux, ils ont tendance à jouer les Navétanes (championnat populaire, Ndlr) qui sont formellement interdits aux pensionnaires. Pas de cours de vacances, non plus. Donc, repos complet surtout pour les plus jeunes. Il y a même des sanctions lourdes pour les jeunes qui désobéissent à ces règles. La dernière sanction est un joueur de l’équipe pro. Il avait joué les Navétanes. Il est resté 5 ou 6 mois sans salaire ni prime de match. Ces sanctions peuvent aller jusqu’à l’exclusion. Pour les plus âgés qui ne sont pas encore dans l’équipe professionnelle, ils partent avec un programme spécifique. Il y a trois semaines de repos. Ensuite, il y a un programme de reprise sur la base de course entre 15 et 20 minutes par jour de manière à entretenir l’organisme.
Depuis la création de Diambars, combien de jeunes avez-vous formé ?
On a reçu 117 jeunes depuis lors. Dans ce nombre il y a eu au total 15 bacheliers et j’espère que les chiffres vont augmenter avec les candidats de cette année. 57 jeunes ont eu le Bfem, beaucoup d’entre eux étaient en rupture scolaire avant de venir à Diambars et on les a scolarisés à nouveau. Cette année, on a deux candidats au brevet. Tous les deux on débutait les études au centre, notamment Ali Souleymane Ly qui était un talibé. Je croise les doigts très forts pour lui parce que ça sera quelque chose de fantastique s’il réussit. Mais je ne me fais pas trop de soucis, il a un bon niveau et il a très envie de décrocher son diplôme. Dans le milieu professionnel, nous avons les trois qui sont à Lille (Idrissa Gana Guèye, Omar Wade et Pape Ndiaye Souaré, Ndlr), les deux qui sont à Tromso (Norvège, Saliou Ciss et Kara Mbodj, Ndlr), Joseph Lopy qui est à Sochaux, Arfand Daffé qui est à l’Athletico Madrid, Mignane Diouf qui est au Canada et va jouer la MLS (championnat nord américain de football, Ndlr) avec son club, la saison prochaine. Il y a aussi Massaër Niane qui est en stage en Amiens. Chérif Bodian et Pape Alassane Ndiaye sont en Cfa 2. Il y a aussi Ousseynou Ndiaye qui était à la Gantoise, mais il s’est blessé et l’on nous l’a renvoyé. D’ailleurs on a même quelques problèmes avec ce club, mais le garçon va mieux et il a même repris les entraînements. Les autres jeunes sont en train de continuer leurs études. Amadou Sané et Bamba Faye vont passer un Bac pro en France, Maïssa Diop est à l’université à Nice. Il y en a qui sont aussi sur le point de partir. Heureusement pour eux, parce qu’ils vont peut-être réaliser leur rêve d’être pro, mais malheureusement parce que notre équipe s’affaiblit de plus en plus.
Beaucoup de vos joueurs passent par le championnat norvégien. Quels sont vos rapports avec les clubs norvégiens ?
Diambars a une grosse implantation en Norvège. Depuis que nous avons démarré le projet nous sommes régulièrement invités à des tournois là-bas. Notamment, l’un des plus grands tournois de jeunes au monde qui est la Norway cup, qui réunit plus de 30 mille jeunes et auquel nous participons depuis quatre ans. Les Norvégiens ont ainsi appris à apprécier la qualité de ces jeunes. La deuxième chose, c’est que la Norvège est un bon tremplin pour nos jeunes en vue d’intégrer le milieu professionnel, de bien gagner leur vie, mais en même temps de jouer. Car, ils ont plus de chance de jouer là-bas que dans les autres championnats européens comme l’Espagne, l’Angleterre, etc. En plus ce championnat est très regardé par ces autres pays-là qui y recrutent très souvent. C’est bien qu’un jeune aille dans un grand club, mais s’il n’a aucune chance d’y jouer pour s’affirmer, ce n’est pas la peine. Diambars n’est pas le meilleur centre de formation au monde, par conséquent on est obligé d’accepter que ces jeunes aillent dans ces championnats moins cotés avant de viser plus haut.
GANA GUEYE, SOUARE ET WADE, DES MODELES POUR LES AUTRES DIAMBARS
Quels sont vos plus gros succès, depuis la création du centre ?
C’est le nombre de bacheliers qu’on a eu. Ensuite, la réalisation d’infrastructures de qualité. Pour les réussites sportives, je pense que c’est le nombre de jeunes qu’on a dans le circuit professionnel en si peu de temps. Le nombre de jeunes qui sont dans les différentes équipes nationales du Sénégal. Et la reconnaissance du milieu sénégalais du football qui est d’avis que Diambars produit un football de qualité. La preuve, quand les gens veulent nous battre, ils nous amènent sur des terrains où l’on ne peut pas dérouler notre jeu. Enfin, autre motif de satisfaction, le parcours qu’on est en train de mener en Ligue 2 cette année, même si on n’est pas encore champion.
Trois de vos pensionnaires, Gana Guèye, Pape Ndiaye Souaré et Omar Wade, sont champions de France avec Lille et vainqueurs de la coupe de France, la saison dernière. Le succès ne ses anciens pensionnaires de Diambars a-t-il changé quelque chose au centre ?
Oui, forcément. Parce que ce sont d’abord des grands frères pour ceux qui sont encore au centre. Ils sont des modèles pour les autres pensionnaires de Diambars. Ils ont tous envie de réussir comme Pape Ndiaye Souaré, Idrissa Gana Guèye et Omar Wade. Que Kara Mbodj (Tromso, convoqué par Amara Traoré contre le Cameroun, le 4 juin, et pour le match contre le Maroc, mercredi prochain à Dakar, en amical, Ndlr) soit appelé en sélection A, ça ouvre les yeux aux autres. Ceux qui sont en équipe olympique savent qu’il leur reste une marche à franchir. Moi, je ne leur ferai aucun cadeau. Je vais aller chercher les binationaux. Quand je vais chercher Cheikh Mbengue et Armand Traoré, je sais qu’il y a des spécialistes du côté gauche à Diambars. Mais il faut que le sélectionneur de l’équipe nationale ait le maximum de possibilités de choix pour constituer son équipe. Il n’y aura pas de privilège pour les jeunes de Diambars. Il faut qu’ils soient bons dans l’adversité, la concurrence. Donc, ces réussites sont très importantes pour ces jeunes parce qu’ils vont aussi savoir que l’objectif ce n’est pas de venir à Diambars, car ce n’est qu’une étape parmi tant d’autres, beaucoup plus relevés.
‘Je souhaite que dans quinze ans, il y ait des Diambars à l’Assemblée nationale.’
Est-ce qu’on peut dire que les premiers fruits de Diambars commencent à tomber ?
(Un petit silence) Dans l’éducation des jeunes, il y a un maître mot : la patience. Diambars va avoir huit ans. C’est vrai qu’il y a quelques fruits qui tombent : on a des bacheliers, des brevetés, on a des joueurs professionnels, cela veut dire qu’on n’a pas tout loupé. Mais, il y a certains rectificatifs à faire. Ce que je souhaite c’est que dans quinze ans, en équipe nationale du Sénégal, dans les grands clubs du monde, à l’Assemblée nationale, bref, dans les grandes instances de ce pays, qu’il y ait des Diambars. Car le projet est beaucoup plus ambitieux que d’aucuns le croient, et je pense que le plus beau est à venir.
D’où viennent vos soutiens, notamment financiers ?
Les soutiens financiers sont essentiellement venus de la France. Nicolas Sarkozy nous a beaucoup aidés, Eric Besson (ministre français, Ndlr) est un ami très proche de Diambars qui nous soutient beaucoup. Il est d’ailleurs venu deux ou trois fois à Diambars. Rama Yade (ex-secrétaire d’Etat française, Ndlr) aussi nous avait soutenus. Gilles Vestiaire (ancien arbitre français, Ndlr) lui c’est ami du projet. En dehors de ces personnalités, les soutiens de Diambars, c’est l’ensemble des promoteurs que nous sommes, notamment Patrick Vieira, Bernard Lama, Jimmy Adjovi Boko et moi-même. Il y a aussi nos sponsors qui nous aident bien financièrement. Si nous parvenons à accéder en Ligue 1, les sponsors vont beaucoup plus se montrer, je l’espère.
Dans quelle mesure, le modèle de l’Institut Diambars peut être reproduit au Sénégal où beaucoup de jeunes sont recalés lors de vos tests d’entrée ?
Je pense que c’est une question de volonté politique. Car ce que des individus et des privés peuvent réaliser, l’Etat doit pouvoir le réaliser. C’est une question de priorité. J’ai quitté le Maroc, il n’y a pas longtemps. Là-bas, ils vont mettre en place dans les deux prochaines années 65 terrains synthétiques. Quand ils auront fini d’installer tous ces terrains et que les jeunes commenceront à s’entraîner avec des entraîneurs qualifiés et grandissent dans cette tradition, il sera très difficile de les battre à l’avenir. C’est une question de volonté politique. Aujourd’hui le budget du Sénégal est de l’ordre de 2 000 milliards, investir 5 milliards par an sur des infrastructures, des plateaux fonctionnels permettrait, au bout de 10 ans, que dans tous les départements du Sénégal on ait un ou deux plateaux. Ça change tout. D’ailleurs, politiquement, je vais voter (lors de la prochaine Présidentielle, le 26 février 2012, Ndlr) pour celui qui s’engage pour ça (rire).
Propos recueillis par Ahmadou SECK* (Stagiaire)
Saër Seck : J’ai comme passion le football. Augustin Senghor (Président de la Fédération sénégalaise de football, Ndlr) est un ami de longue date. Nous avons travaillé ensemble au Comité de normalisation du football (Cnf, la structure d’exception chargée de la relance du football sénégalais, après l’échec de la Can-2008 suivi de la démission des responsables fédéraux de l’époque. Mise en place en 2008, elle a débouché à l’élection des actuels membres de l’instance, Ndlr). Il m’a nommé comme conseiller spécial pour m’occuper de la question des binationaux et d’autres. Tant que j’ai la possibilité et la crédibilité nécessaires pour parler à un certain nombre de jeunes et de les convaincre de rejoindre l’équipe nationale qui est en reconstruction, avec un projet clair, bien pensé et structuré, je ne m’en priverais pas. Je pense que tout Sénégalais qui avait cette possibilité ne se priverait pas. Il n’y a aucune gloriole à en tirer pour l’instant. Peut-être, le jour où le Sénégal gagnera quelque chose et que ces jeunes participeront de manière décisive à cette victoire, là il y aura de quoi être fier. Je joue juste ma partition en tant que passionné de football, et du Sénégal.
Vous étiez vice-président du Cnf avant l’avènement de la Fédération sénégalaise de football. Pourquoi avoir accepté le poste de conseiller, qui est de moindre importance ?
Je l’ai toujours dit, même quand j’étais au Cnf, je ne suis demandeur de rien du tout. Certains journalistes m’accusaient de me préparer pour être président (de la Fédération sénégalaise de football , Ndlr). Mais, ils ont tous été surpris quand j’ai décidé de ne pas être candidat. C’est un poste qui m’a été proposé. Au début, j’avais même refusé. Il a fallu que le président insiste très amicalement. Je ne pouvais plus dire non.
Parmi les joueurs que vous avez eu à convaincre de porter le maillot du Sénégal, quelle est votre plus belle prise ?
Toutes sont belles (rire). Je pense qu’Issiar, ce n’est pas mal. Lamine Sané, non plus. Rémi Gomis, Moussa Sow Cheikh Mbengue, Armand Traoré, ce sont tous de bons joueurs. Et comme je l’ai toujours dit, l’équipe nationale, ce sont les onze meilleurs joueurs. C’est pourquoi, quand on pense qu’il y a un bon Sénégalais quelque part, il faut aller le chercher, lui proposer quelque chose de crédible. Mais en allant le chercher, il faut lui dire qu’on ne s’amuse pas avec notre maillot national. Que les couleurs du Sénégal sont sacrées. Et s’il pense qu’il vient en vacances en équipe nationale, il n’a qu’à rester là où il est. Donc, le discours doit être clair.
Comment se nouent les premiers contacts avec les binationaux ? Et quels sont les arguments que vous mettez sur la table ?
Dans ces dossiers, j’ai rarement été seul. Dernièrement, Amara a joué un rôle important parce que la parole du coach, elle est très déterminante. J’ai été aussi accompagné par Amsata Fall (le Directeur technique national, Ndlr). Les premiers contacts avec Cheikh Mbengue et Lamine Gassama, par exemple, c’était avec un Sénégalais qui vit en France et qui s’appelle Lamine Dramé. C’est lui qui a fait les premiers pas. Il y a aussi les parents des joueurs ciblés qui jouent un rôle très important parce qu’il faut trouver des relais dans les familles. Donc il n’y a pas de stéréotype, car on est dans des relations humaines et chaque cas est un cas spécifique. Il n’y a pas de connaissance technique particulière pour mener à bien les discussions. Il n’y a pas une démarche figée, qu’il faut renouveler tout le temps. Tout dépend de la manière dont les choses s’articulent, de la manière dont on les sent et la nature des interlocuteurs.
‘Issiar Dia avait une peur bleue des xons. La première fois que je suis allé chez lui, il ne m’a quasiment pas reçu ni parlé. Il a fallu que j’avale une partie de mon orgueil pour atteindre mon objectif.’
Les binationaux posent-ils des conditions ? Expriment-ils des craintes ?
Les questions qu’ils posent sont les questions sur le projet du Sénégal. Ce sont des sportifs de haut niveau, ils viennent pour gagner. Donc, ils veulent savoir quel est le projet qui leur est proposé, ils ont envie d’en savoir plus. Et j’avoue que ce n’est pas très difficile de ce point de vue parce que tous suivent l’équipe du Sénégal. Ils regardent tous les matches. Derrière, ils ont besoin de savoir quel type de dirigeant ils ont en face, quelle est la crédibilité du projet ? C’est la raison pour laquelle l’ensemble des questions autour de la relation ministère-fédération doit être définitivement réglé parce que l’équipe nationale est un bien national. Il faut que, de manière définitive, l’Etat prenne en charge les besoins de la sélection, les budgétise et qu’on en donne la gestion à la fédération qui va rendre compte. Qu’on en finisse avec les problèmes de primes de matches, de transport, etc.
Pensez-vous qu’il soit plus facile, actuellement que la sélection marche fort, d’attirer les binationaux ?
Non parce que, par exemple, quand Issiar, Moussa Sow et Tavares venaient, l’équipe nationale n’était rien. A l’époque, la seule perspective que nous avions c’était un match amical contre l’Angola. C’est la volonté de ces jeunes de participer à une œuvre de reconstruction, un projet crédible, qui a été déterminant.
ISSIAR, LA PEUR DES XONS, LE PLUS GROS RATAGE
Qui a été le plus difficile à convaincre parmi les binationaux qui ont choisi le Sénégal ?
C’est de loin Issiar Dia (rire). C’était le plus difficile parce qu’il était très réticent. Pas pour le Sénégal parce qu’il a un amour déraisonnable de son pays. Mais il avait peur de tout l’environnement. Il avait une peur bleue des xons (pratiques mystiques) et cette peur est extrêmement présente dans les familles des binationaux. Leurs parents pensent que si leurs enfants viennent ici, c’est fini pour eux. Je peux vous assurer qu’il m’a fallu beaucoup d’imagination et de patience. La première fois que je suis allé chez lui, il ne m’a quasiment pas reçu. Il ne m’a presque pas parlé. Il a fallu que j’avale une partie de mon orgueil pour atteindre mon objectif. A la fin, je me suis aperçu qu’il s’agissait beaucoup plus de crainte. Aujourd’hui, sa maman est particulièrement heureuse de voir son fils extrêmement épanoui en équipe nationale.
Votre plus gros échec ?
Mon échec, je dirais que c’est un échec qui me fait plaisir parce que le garçon a franchi des paliers importants. C’est Mamadou Sakho du Psg. Il n’est pas venu jouer pour le Sénégal, mais il évolue dans l’équipe française et peut-être bien qu’il va aller au Barça (il est convoqué par Laurent Blanc pour le prochain match de l’équipe de France, mercredi en amical contre le Chili, et est titulaire en défense centrale au Psg, Ndlr). C’est un joueur très talentueux, c’est pourquoi j’avais anticipé sur lui, il y a deux ans pour le convaincre. Mais bon, on va faire sans lui. Il était très à l’écoute et était intéressé par l’équipe nationale, mais il sentait qu’il avait un potentiel qui lui permettait d’évoluer chez les Bleus. Il a attendu et finalement il a été convoqué. (A la fin de l’entretien, Saër Seck nous montre un appel en absence du frère de Mamadou Sakho. Avec ce commentaire : ‘Je garde toujours les contacts, on ne sait jamais. Un jour, il aura peut-être un petit frère’.)
Que répondez-vous à ceux qui s’offusquent que l’équipe nationale soit constituée essentiellement de binationaux et que les joueurs locaux ont de moins en moins de chance d’y figurer ?
L’équipe nationale, ce sont les onze meilleurs joueurs, où ils se trouvent. On est dans la compétition, pas dans l’affectif. Moi, je forme des jeunes et j’aurais souhaité qu’on garde effectivement des places en équipe nationale pour mes jeunes. Sauf que si ces jeunes ne sont pas les meilleurs, ils ne pourront pas défendre les couleurs du Sénégal de la meilleure des manières. Je ne vais pas privilégier un gosse de Diambars alors qu’il y a un autre joueur qui est en France ou ailleurs meilleur que lui. Ça, c’est reconduire l’affaire des quotas à la sauce sénégalaise.
Justement, comment avez-vous réagi à l’affaire des quotas ?
L’affaire des quotas, ce n’est pas mon problème. Même si j’ai été un tout petit peu le détonateur parce que si on n’était pas allé chercher les binationaux, il n’y aurait jamais eu cette affaire-là. Je pense que c’est un problème franco-français. Le travail de Laurent Blanc, c’est de faire la meilleure équipe française sauf que moi aussi le mien, c’est de faire la meilleure équipe du Sénégal possible. De ce point vu, on ne peut pas être copains. Mais, je pense qu’il y a une bêtise qui a été faite dans cette affaire. Honnêtement, c’est un faux débat. Car, à chaque fois qu’un jeune a eu la possibilité d’évoluer en équipe de France A et d’y faire carrière, il la choisit au détriment du Sénégal.
‘On veut déjà jouer comme l’Espagne alors que l’équipe du Sénégal n’a que très peu de vécu. Soyons patients. Tous les germes de l’impatience ont commencé à se faire voir avec la double confrontation avec le Cameroun.’
Comment accueillez-vous les critiques portées sur le jeu des ‘Lions’ ?
Il ne faut pas qu’on danse plus vite que la musique. Notre équipe nationale est en reconstruction. Quand je vois tous les débats à la télé sur le jeu de l’équipe, je frissonne. On veut déjà jouer comme l’Espagne alors que cette équipe n’a que très peu de vécu. Quand on compte le nombre de jours que ces jeunes ont vécu ensemble et se sont entraînés ensemble, ça ne fait même pas 15 jours. Soyons patients. Au Sénégal, dès qu’on gagne deux ou trois matches, on est déjà champion d’Afrique. La seule perspective, c’est comment faire pour gagner la Can en 2012. Or, on sera en apprentissage à la prochaine Can. Ça sera le premier moment où l’entraîneur sera avec ces jeunes pendant deux ou trois semaines pour essayer de monter quelque chose, de faire le maximum de matches. Espérons qu’on sera dans le dernier carré pour jouer soit la petite soit la grande finale. Ça sera très bien. Si on ne gagne pas, tant pis. Il se passera quoi ? Rien. Mais, à ce moment-là on aura créé un groupe qui nous permettra d’être ambitieux en 2013 et les années à venir.
A partir de quelle compétition, l’équipe d’Amara Traoré devra-t-elle légitimement prétendre à un sacre ?
Mon projet au Cnf, c’était jusqu’en 2018. La Coupe du monde 2018 devait en être le point culminant. Il faut être patient et responsable pour la construction de notre football. Tous les germes de l’impatience ont commencé à se faire voir avec la double confrontation avec le Cameroun (victoire 1-0 du Sénégal, le 26 mars à Dakar, et 0-0 à Yaoundé, le 4 juin, Ndlr). On vient d’où ? On a déjà oublié où l’on était en 2008, au soir de notre élimination au premier tour de la Can. On a oublié le soir du match contre la Gambie (1-1, éliminatoires Can et Mondial 2010, Ndlr). On a tout brûlé. Aujourd’hui, après quelques matches, on est les rois du pétrole. Il faut savoir raison garder. On a une équipe jeune, qui apprend, qui va progresser.
L’INSTITUT DIAMBARS, HUIT ANS APRES
Vous dirigez l’Institut Diambars où les footballeurs en herbe poursuivent leurs études. Avez-vous des candidats au Bac, qui a débuté hier (l’entretien a été réalisé le 5 juillet) ?
Cette année encore comme les trois dernières années, nous avons effectivement des candidats aux examens. On a neuf candidats au baccalauréat et treize au Bfem. Les candidats du Bac ont démarré leur examen depuis hier. J’irai d’ailleurs à Saly (dans le département de Mbour, à une soixantaine de kilomètres de Dakar, où est érigé l’Institut Diambars, Ndlr) dès la fin des examens pour faire le point avec eux. Je les avais vus à la veille des épreuves pour les encourager. Sur les dernières années, on a eu des résultats satisfaisants, puisqu’on avait chaque fois près de 75 % de réussite. Ce qui n’est pas toujours évident compte tenu de la charge sportive et de la passion du football qu’ont ces jeunes. Donc cette année aussi, j’espère qu’on sera au moins à ce niveau-là, voire mieux.
‘Les Navétanes sont formellement interdits aux pensionnaires de Diambars. Un joueur de l’équipe pro, qui avait enfreint la règle, avait été privé de 5 ou 6 mois de salaires et de primes.’
En fin d’année scolaire, au moment de fermer les portes du centre, quelles sont les principales recommandations que vous faites à vos pensionnaires qui retrouvent leur milieu naturel, loin du contrôle des responsables de Diambars ?
La grande recommandation, c’est le repos. Car les garçons sont soumis à des rythmes auxquels ils n’étaient pas habitués avant d’arriver à Diambars. Ici, ils ont sept séances dans la semaine qui sont des séances qui durent entre une heure et demie et deux heures. Le total fait 13 heures d’entraînement dans la semaine. Et ce sont des séances intenses au cours desquelles chaque garçon a un ballon. Donc, le grand leitmotiv c’est le repos. C’est vrai que les jeunes dés fois quand ils rentrent chez eux, ils ont tendance à jouer les Navétanes (championnat populaire, Ndlr) qui sont formellement interdits aux pensionnaires. Pas de cours de vacances, non plus. Donc, repos complet surtout pour les plus jeunes. Il y a même des sanctions lourdes pour les jeunes qui désobéissent à ces règles. La dernière sanction est un joueur de l’équipe pro. Il avait joué les Navétanes. Il est resté 5 ou 6 mois sans salaire ni prime de match. Ces sanctions peuvent aller jusqu’à l’exclusion. Pour les plus âgés qui ne sont pas encore dans l’équipe professionnelle, ils partent avec un programme spécifique. Il y a trois semaines de repos. Ensuite, il y a un programme de reprise sur la base de course entre 15 et 20 minutes par jour de manière à entretenir l’organisme.
Depuis la création de Diambars, combien de jeunes avez-vous formé ?
On a reçu 117 jeunes depuis lors. Dans ce nombre il y a eu au total 15 bacheliers et j’espère que les chiffres vont augmenter avec les candidats de cette année. 57 jeunes ont eu le Bfem, beaucoup d’entre eux étaient en rupture scolaire avant de venir à Diambars et on les a scolarisés à nouveau. Cette année, on a deux candidats au brevet. Tous les deux on débutait les études au centre, notamment Ali Souleymane Ly qui était un talibé. Je croise les doigts très forts pour lui parce que ça sera quelque chose de fantastique s’il réussit. Mais je ne me fais pas trop de soucis, il a un bon niveau et il a très envie de décrocher son diplôme. Dans le milieu professionnel, nous avons les trois qui sont à Lille (Idrissa Gana Guèye, Omar Wade et Pape Ndiaye Souaré, Ndlr), les deux qui sont à Tromso (Norvège, Saliou Ciss et Kara Mbodj, Ndlr), Joseph Lopy qui est à Sochaux, Arfand Daffé qui est à l’Athletico Madrid, Mignane Diouf qui est au Canada et va jouer la MLS (championnat nord américain de football, Ndlr) avec son club, la saison prochaine. Il y a aussi Massaër Niane qui est en stage en Amiens. Chérif Bodian et Pape Alassane Ndiaye sont en Cfa 2. Il y a aussi Ousseynou Ndiaye qui était à la Gantoise, mais il s’est blessé et l’on nous l’a renvoyé. D’ailleurs on a même quelques problèmes avec ce club, mais le garçon va mieux et il a même repris les entraînements. Les autres jeunes sont en train de continuer leurs études. Amadou Sané et Bamba Faye vont passer un Bac pro en France, Maïssa Diop est à l’université à Nice. Il y en a qui sont aussi sur le point de partir. Heureusement pour eux, parce qu’ils vont peut-être réaliser leur rêve d’être pro, mais malheureusement parce que notre équipe s’affaiblit de plus en plus.
Beaucoup de vos joueurs passent par le championnat norvégien. Quels sont vos rapports avec les clubs norvégiens ?
Diambars a une grosse implantation en Norvège. Depuis que nous avons démarré le projet nous sommes régulièrement invités à des tournois là-bas. Notamment, l’un des plus grands tournois de jeunes au monde qui est la Norway cup, qui réunit plus de 30 mille jeunes et auquel nous participons depuis quatre ans. Les Norvégiens ont ainsi appris à apprécier la qualité de ces jeunes. La deuxième chose, c’est que la Norvège est un bon tremplin pour nos jeunes en vue d’intégrer le milieu professionnel, de bien gagner leur vie, mais en même temps de jouer. Car, ils ont plus de chance de jouer là-bas que dans les autres championnats européens comme l’Espagne, l’Angleterre, etc. En plus ce championnat est très regardé par ces autres pays-là qui y recrutent très souvent. C’est bien qu’un jeune aille dans un grand club, mais s’il n’a aucune chance d’y jouer pour s’affirmer, ce n’est pas la peine. Diambars n’est pas le meilleur centre de formation au monde, par conséquent on est obligé d’accepter que ces jeunes aillent dans ces championnats moins cotés avant de viser plus haut.
GANA GUEYE, SOUARE ET WADE, DES MODELES POUR LES AUTRES DIAMBARS
Quels sont vos plus gros succès, depuis la création du centre ?
C’est le nombre de bacheliers qu’on a eu. Ensuite, la réalisation d’infrastructures de qualité. Pour les réussites sportives, je pense que c’est le nombre de jeunes qu’on a dans le circuit professionnel en si peu de temps. Le nombre de jeunes qui sont dans les différentes équipes nationales du Sénégal. Et la reconnaissance du milieu sénégalais du football qui est d’avis que Diambars produit un football de qualité. La preuve, quand les gens veulent nous battre, ils nous amènent sur des terrains où l’on ne peut pas dérouler notre jeu. Enfin, autre motif de satisfaction, le parcours qu’on est en train de mener en Ligue 2 cette année, même si on n’est pas encore champion.
Trois de vos pensionnaires, Gana Guèye, Pape Ndiaye Souaré et Omar Wade, sont champions de France avec Lille et vainqueurs de la coupe de France, la saison dernière. Le succès ne ses anciens pensionnaires de Diambars a-t-il changé quelque chose au centre ?
Oui, forcément. Parce que ce sont d’abord des grands frères pour ceux qui sont encore au centre. Ils sont des modèles pour les autres pensionnaires de Diambars. Ils ont tous envie de réussir comme Pape Ndiaye Souaré, Idrissa Gana Guèye et Omar Wade. Que Kara Mbodj (Tromso, convoqué par Amara Traoré contre le Cameroun, le 4 juin, et pour le match contre le Maroc, mercredi prochain à Dakar, en amical, Ndlr) soit appelé en sélection A, ça ouvre les yeux aux autres. Ceux qui sont en équipe olympique savent qu’il leur reste une marche à franchir. Moi, je ne leur ferai aucun cadeau. Je vais aller chercher les binationaux. Quand je vais chercher Cheikh Mbengue et Armand Traoré, je sais qu’il y a des spécialistes du côté gauche à Diambars. Mais il faut que le sélectionneur de l’équipe nationale ait le maximum de possibilités de choix pour constituer son équipe. Il n’y aura pas de privilège pour les jeunes de Diambars. Il faut qu’ils soient bons dans l’adversité, la concurrence. Donc, ces réussites sont très importantes pour ces jeunes parce qu’ils vont aussi savoir que l’objectif ce n’est pas de venir à Diambars, car ce n’est qu’une étape parmi tant d’autres, beaucoup plus relevés.
‘Je souhaite que dans quinze ans, il y ait des Diambars à l’Assemblée nationale.’
Est-ce qu’on peut dire que les premiers fruits de Diambars commencent à tomber ?
(Un petit silence) Dans l’éducation des jeunes, il y a un maître mot : la patience. Diambars va avoir huit ans. C’est vrai qu’il y a quelques fruits qui tombent : on a des bacheliers, des brevetés, on a des joueurs professionnels, cela veut dire qu’on n’a pas tout loupé. Mais, il y a certains rectificatifs à faire. Ce que je souhaite c’est que dans quinze ans, en équipe nationale du Sénégal, dans les grands clubs du monde, à l’Assemblée nationale, bref, dans les grandes instances de ce pays, qu’il y ait des Diambars. Car le projet est beaucoup plus ambitieux que d’aucuns le croient, et je pense que le plus beau est à venir.
D’où viennent vos soutiens, notamment financiers ?
Les soutiens financiers sont essentiellement venus de la France. Nicolas Sarkozy nous a beaucoup aidés, Eric Besson (ministre français, Ndlr) est un ami très proche de Diambars qui nous soutient beaucoup. Il est d’ailleurs venu deux ou trois fois à Diambars. Rama Yade (ex-secrétaire d’Etat française, Ndlr) aussi nous avait soutenus. Gilles Vestiaire (ancien arbitre français, Ndlr) lui c’est ami du projet. En dehors de ces personnalités, les soutiens de Diambars, c’est l’ensemble des promoteurs que nous sommes, notamment Patrick Vieira, Bernard Lama, Jimmy Adjovi Boko et moi-même. Il y a aussi nos sponsors qui nous aident bien financièrement. Si nous parvenons à accéder en Ligue 1, les sponsors vont beaucoup plus se montrer, je l’espère.
Dans quelle mesure, le modèle de l’Institut Diambars peut être reproduit au Sénégal où beaucoup de jeunes sont recalés lors de vos tests d’entrée ?
Je pense que c’est une question de volonté politique. Car ce que des individus et des privés peuvent réaliser, l’Etat doit pouvoir le réaliser. C’est une question de priorité. J’ai quitté le Maroc, il n’y a pas longtemps. Là-bas, ils vont mettre en place dans les deux prochaines années 65 terrains synthétiques. Quand ils auront fini d’installer tous ces terrains et que les jeunes commenceront à s’entraîner avec des entraîneurs qualifiés et grandissent dans cette tradition, il sera très difficile de les battre à l’avenir. C’est une question de volonté politique. Aujourd’hui le budget du Sénégal est de l’ordre de 2 000 milliards, investir 5 milliards par an sur des infrastructures, des plateaux fonctionnels permettrait, au bout de 10 ans, que dans tous les départements du Sénégal on ait un ou deux plateaux. Ça change tout. D’ailleurs, politiquement, je vais voter (lors de la prochaine Présidentielle, le 26 février 2012, Ndlr) pour celui qui s’engage pour ça (rire).
Propos recueillis par Ahmadou SECK* (Stagiaire)